Passer au contenu principal
Tour de la Paix et drapeau canadien à Ottawa, Ontario
Canada
Budget fédéral
Économie

Budget 2024 : le gouvernement fédéral pris entre l’arbre et l’écorce

Des choix difficiles s’imposent pour le budget qui sera présenté le 16 avril.

Le gouvernement fédéral se trouve dans une position qui n’est pas enviable pour la publication de son budget 2024. Il fait face à une économie en ralentissement (des baisses des revenus) et à des coûts de financement élevés (des dépenses plus élevées). Les choix seront certainement durs cette année.  

Porter une attention particulière aux déficits structurels

Il est rare qu’un budget fédéral soit équilibré : c’est même arrivé une seule fois depuis 2008, et il ne semble pas y avoir de volonté en ce sens à court terme. Le gouvernement s’est plutôt engagé à maintenir les déficits annuels en deçà d’un pour cent du PIB d’ici 2026-2027. Il se peut fort bien que cette promesse soit retardée en raison des nouvelles dépenses pour le régime national d’assurance médicaments, de l’augmentation des coûts liés au personnel et de l’augmentation possible des dépenses militaires.  

Dans son mémoire prébudgétaire et dans ma chronique Pivot, il est fait mention que CPA Canada préconise depuis longtemps la discipline budgétaire. Les dernières années ont fait ressortir l’importance de resserrer les garde-fous financiers. Le Canada a affiché une performance supérieure en 2022 et en 2023 sur le plan des revenus en raison des prix gonflés et d’une économie résiliente. Néanmoins, ces entrées ponctuelles ont alimenté des dépenses récurrentes, accentuant du même coup les déficits structurels.  

Le poids d’une population vieillissante commence à peine à se faire sentir dans les finances publiques. Dans ce contexte, le gouvernement fédéral doit se donner une marge de manœuvre pour faire face aux enjeux à venir, notamment les prestations de retraite plus élevées, les revenus moins élevés provenant d’une main-d’œuvre relativement moins nombreuse, et sa part des dépenses croissantes en santé. 

Faire face aux enjeux d’immigration 

En 2023, la population a connu une croissance extraordinaire (plus de 1,2 million), ce qui a amené l’immigration dans le débat public. Les résidents non permanents, notamment les travailleurs étrangers temporaires et les étudiants internationaux, sont à l’origine d’une grande partie de cette croissance. Beaucoup, incluant moi-même, ont critiqué le fait de s’appuyer aussi fortement sur une vision « simpliste » de la croissance démographique de l’économie, surtout à un rythme insoutenable.  

Ces critiques ont fait écho auprès du gouvernement, qui a décidé de stabiliser la cible d’immigration en 2026 et d’instaurer des plafonds aux étudiants internationaux et aux résidents temporaires. C’est un bon début, mais on ne s’attaque pas aux enjeux sous-jacents, soit la dépendance des budgets universitaires aux étudiants internationaux ainsi que le recours disproportionné à des travailleurs étrangers, souvent moins coûteux, dans plusieurs industries.  

Le budget de 2024 permettra également au gouvernement de continuer à peaufiner le système d’immigration afin qu’il réponde plus adéquatement aux besoins du marché du travail.

Les enjeux de logements ne se résoudront pas uniquement en injectant plus d’argent en construction et en immobilier

  

Le gouvernement fédéral a ciblé le logement dans ses budgets précédents en se concentrant sur la construction de logements et le soutien aux propriétaires. Dans le budget de 2024, j’aimerais que le Canada se concentre sur le premier point, plutôt que sur le second. Il existe actuellement un écart considérable entre la demande (nouveaux ménages) et l’offre de logements (nouvelle construction), ce qui signifie qu’un soutien accru aux propriétaires ne ferait qu’alimenter la demande.  

Je m’attends à ce que le gouvernement fasse un suivi des démarches qu’il a annoncées pour augmenter l’offre de logements, notamment le Fonds pour accélérer la construction de logements et le retrait de la TPS sur les nouvelles constructions locatives. À ce sujet, je privilégie une approche incitative, comme celle du retrait de la TPS, plutôt que d’envoyer davantage d’argent dans le secteur de la construction, qui est aux prises avec de sérieux enjeux de productivité. Le PIB réel par travailleur de la construction n’a pas bougé depuis 20 ans. Le nombre de nouvelles constructions est à peine plus haut que les sommets qu’ont connus les années 1970 et 1980. Pourtant, il y a deux fois plus de travailleurs de la construction qu’à l’époque. Par ailleurs, les délais pour construire une unité d’habitation ont doublé en 30 ans.  

Ainsi, avant d’injecter plus d’argent dans le secteur de la construction, nous devons préalablement aborder cet enjeu, de même que d’autres enjeux structurels : pénuries de travailleurs de la construction, problèmes liés au zonage, délais de permis de construction, etc. 

Financer la croissance économique : toujours un défi

  

J’ai déjà évoqué en long et en large nos problèmes de productivité, tout comme plusieurs l’ont fait dans le milieu des affaires. Même après le choc pandémique, la productivité et le PIB par habitant sont revenus au niveau de 2017. L’écart de productivité du Canada avec les pays à revenus élevés, comme les États-Unis, s’accroît.  

Même s’il s’agit d’un sujet crucial avec une population vieillissante, ce problème ne prendra sans doute qu’une place secondaire dans le budget. Le gouvernement révise actuellement d’importants aspects du système de soutien à la productivité, à l’innovation et aux entreprises, en particulier les crédits d’impôt pour la R-D, ainsi que le rôle de la Banque de développement du Canada et d’Exportation et développement Canada.  J’espère que les révisions ainsi que la mise en œuvre de la Corporation d’innovation du Canada seront à l’abri du politique. En effet, la politisation vient parfois contaminer les efforts pour promouvoir l’innovation, la productivité et la croissance. 

Contrôler la croissance des effectifs fédéraux

 

Je suis le premier à prôner un secteur public fort et stable capable d’offrir des services de grande qualité. Toutefois, la croissance des effectifs du gouvernement fédéral est exagérée. Depuis 2015, ces derniers ont augmenté deux fois plus vite que ceux des secteurs de la santé et de l’éducation, et trois fois plus vite que ceux du marché du travail et de la population dans son ensemble.  

J’avais déjà écrit sur les cycles d’embauche excessive et de réduction du personnel fédéral, en plaidant en faveur d’une croissance durable. Je crains qu’à ce stade, les effectifs fédéraux aient trop gonflé. Le gouvernement a mentionné dans des budgets antérieurs qu’il souhaitait réaliser des économies importantes dans l’ensemble de son budget. Or, il sera difficile de le faire sans se pencher sur la question de la croissance de ses effectifs.  

EN SAVOIR PLUS

Voyez les recommandations prébudgétaires de CPA Canada pour 2024.