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Panneau de vente à l'extérieur de la maison
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Magazine Pivot

Les Canadiens achètent-ils trop de maisons?

La richesse nationale est très concentrée dans l’immobilier résidentiel, ce qui n’est peut-être pas de bon augure pour notre économie.

Panneau de vente à l'extérieur de la maisonFace à un marché immobilier gonflé, on peut se demander quel impact une possible dévaluation des propriétés aurait sur l’économie et sur les ménages. (Getty Images)

La croissance du marché immobilier a atteint des sommets depuis le début de la pandémie. Pendant plusieurs mois en 2021, les prix ont augmenté de plus de 20 % par rapport à 2020. À l’échelle nationale, le marché n’a pas ralenti depuis la dernière récession, ce qui concentre les avoirs et la dette des Canadiens dans leur résidence. L’importance de la dette des ménages dans l’économie a doublé en l’espace de 30 ans et se situe à un niveau comparable à l’endettement américain avant la récession de 2008 (à l’inverse, l’endettement des ménages y décroît là-bas depuis). À l’échelle internationale, les investissements immobiliers ont un poids plus prépondérant dans l’économie canadienne que dans l’ensemble des pays industrialisés de l’OCDE.

Un marché immobilier gonflé nuit à l’accès à la propriété pour les Canadiens et inquiète quant aux impacts qu’une possible dévaluation des propriétés pourrait avoir sur l’économie et sur les ménages. Cela dit, même si les prix se stabilisaient à leurs niveaux actuels, est-ce une bonne chose de concentrer autant d’argent dans ce seul secteur? Quoique difficile à quantifier, l’impact d’une telle concentration de la richesse se comprend intuitivement.

Plus les maisons coûtent cher, plus les nouveaux acheteurs doivent épargner pour en devenir propriétaires avant de consacrer une part importante de leurs revenus au remboursement de leur hypothèque. Difficile aussi dans ce contexte d’épargner et d’investir ailleurs, à moins d’acheter une autre propriété grâce à la valeur nette de sa résidence ou d’utiliser une marge de crédit hypothécaire. On doit également considérer que les sommes investies seront graduellement bloquées avec le remboursement du prêt. C’est autant d’argent qui ne circule plus dans l’économie, alors que la population, vieillissante qui plus est, rembourse des prêts sur des demeures de grande valeur. La situation peut s’avérer problématique.

Je ne remets pas en question l’idée de possession d’une propriété, mais ne devrions-nous pas diriger une plus grande part de notre richesse vers des piliers économiques reconnus, comme les secteurs primaires ou manufacturiers, dont les impacts économiques percolent dans d’autres domaines, ou encore miser sur les services à haute valeur ajoutée qui formeront l’économie de demain? Le Canada a des besoins criants en investissements s’il veut répondre aux enjeux de productivité.

Taxer les investisseurs étrangers ne suffira pas à calmer les marchés.

Inutile de penser qu’une hausse des taux d’intérêt corrigera la situation, car la marge de manœuvre de la Banque du Canada est réduite, vu l’endettement des ménages. Les villes et les gouvernements devront continuer à intervenir au niveau de l’offre (zonage, permis, frais de développement, etc.) et éviter de mettre en place de nouvelles mesures incitatives pour l’achat d’une propriété qui, finalement, contribuent à la frénésie. Taxer les étrangers qui achètent des logements au Canada est une mesure attrayante, donc populaire, mais qui ne suffit pas à calmer les marchés, puisque ces acheteurs représentent au maximum 5 % des propriétaires à Toronto et à Vancouver.

Faut-il augmenter l’offre d’habitation? Il n’est pas clair qu’on ait systématiquement affaire à une offre insuffisante dans toutes les villes canadiennes ainsi que pour les différents types de logements (maisons, copropriétés, appartements, etc.). Il faudrait plutôt promouvoir une meilleure adéquation entre les nouveaux développements et les besoins du marché de l’habitation. Bref, « construire mieux », en tenant compte des besoins, plutôt que simplement « construire plus », surtout vu les pressions inflationnistes du secteur de la construction.

Enfin, on ne peut ignorer la frustration et l’impuissance des nouveaux acheteurs qui voient leur rêve de devenir propriétaire s’éloigner. Cependant, certains sont dans l’impossibilité de simplement couvrir leurs frais de logement, et c’est encore plus critique. Ce sont d’ailleurs les propriétés onéreuses jumelées à une offre locative déficiente qui alimentent les enjeux du logement. Les très faibles taux d’inoccupation des logements dans plusieurs villes canadiennes illustrent bien les besoins en logements locatifs. Si ceux-ci occupent dorénavant une part plus importante des nouveaux développements, il faudra s’assurer que les besoins des locataires, tant pour des petits que pour des grands logements, seront satisfaits. Comment espérer combler la pénurie de travailleurs peu qualifiés dans les villes canadiennes avec des travailleurs immigrés si l’on n’est même pas en mesure de leur offrir un logement adéquat pour eux et leur famille?

DANS L’ACTUALITÉ

Inflation, rareté de main-d'œuvre, chaîne d’approvisionnement… David-Alexandre Brassard, économiste en chef de CPA Canada, se penche sur les défis économiques auxquels le Canada sera confronté cette année. Voyez également pourquoi le marché immobilier au Canada bat record sur record.