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Illustration d'une balance avec des pièces de monnaie et une horloge
Articles de fond
Magazine Pivot

Les vertus de la rigueur (budgétaire)

Les gouvernements passent, mais les dettes restent. Une bonne raison de demander à nos élus une plus grande prudence.

Un ralentissement économique commence à prendre forme, et il fera mal aux finances publiques. Les données que j’ai compilées sur les récessions passées montrent qu’il faut de cinq à huit trimestres pour rééquilibrer chaque trimestre de récession. On peut donc anticiper des implications budgétaires jusqu’en 2025. Or, cela vient s’ajouter aux déficits causés par la pandémie, dont les différents gouvernements se sortent à peine – le gouvernement fédéral et certaines provinces jonglent de plus avec des déficits. De quoi se demander à quel point le pays est bien positionné financièrement.

Dettes et finances

À première vue, le Canada fait bonne figure sur la scène internationale, puisque le poids de la dette publique représente environ 115 % de son PIB, ce qui le place au 2e rang des pays du G7 (au 13e rang de ceux du G20). Ce ratio est de 125 % aux États-Unis. Hélas, cet indicateur (ratio dette publique/PIB) a ses limites : lors de la pandémie, le Canada a accumulé près de 400 G$ de dettes alors que le ratio dette/PIB a peu bougé, le PIB ayant gonflé sous la pression inflationniste.

Du point de vue fiscal, cette dette est d’autant moins raisonnable. Bon an mal an, les gouvernements au Canada, tous ordres confondus, ponctionnent 40 % de l’économie pour leur financement, ce qui nous place au 4e rang des pays du G7 et au 16e rang de ceux du G20 en ce qui concerne la compétitivité budgétaire. Les gouvernements américains, eux, tirent « seulement » 30 % de leur économie pour se financer. Contrairement au Canada, ils peuvent donc encore aller chercher quelques points de pourcentage pour réduire leurs dettes en restant compétitifs sur le plan fiscal.

Et puis il faut anticiper les impacts du vieillissement de la population. Or, un constat s’impose : trois des pays du G7 qui ont un ratio dette/PIB plus élevé que le nôtre (la France à 120 %, l’Italie à 150 % et le Japon à 250 %) ont en commun un vieillissement de la population plus avancé. Mettre de l’ordre dans nos finances publiques s’impose donc.

Se protéger du court-termisme

L’adoption de saines pratiques budgétaires restreindrait en partie la portée de décisions financières prises de façon discrétionnaire par des politiciens dont les objectifs sont souvent à court terme. Cette approche permet de s’appuyer sur l’administration publique (« la machine »), qui détient l’expérience et l’expertise pour gérer un budget public.

À cet égard, les administrations publiques doivent reprendre la place qui leur est due dans la balance des pouvoirs. Les politiciens en mènent large, et malheureusement, leur capacité à gérer un budget s’est révélée insuffisante au fil des années. En effet, même l’équilibre budgétaire, principe de base en finances publiques, a été politisé, et des gouvernements se sont affranchis d’encadrements qui permettraient de l’atteindre. Le gouvernement fédéral est allé jusqu’à retirer des objectifs concrets de réduction du poids de la dette pour privilégier « une tendance à la baisse », établie sur la base de modèles de croissance économique potentielle, positive et stable. C’est loin de suffire.

Les options pour redresser la barre sont pourtant nombreuses et ne demandent que du courage politique. D’entrée de jeu, il faut rétablir des cibles précises de réduction du poids de la dette pour que nos finances publiques tiennent la route face à une réalité économique incertaine et imprévisible.

Il faut également produire des échéanciers de retour à l’équilibre budgétaire postrécession. On pourrait établir des plafonds de déficits en fonction de la performance de l’économie – en cas de récession, on aurait ainsi une plus grande marge de manœuvre. Une telle approche nous aurait permis d’ajuster le tir plus rapidement pendant la pandémie, alors que les déficits s’accumulaient malgré la reprise. Et avant d’en arriver aux déficits, on devrait mieux prévoir et respecter les cibles de croissance de nos dépenses afin que, si quelque chose tourne mal, nos objectifs budgétaires soient maintenus.

Par ailleurs, on devrait accumuler des surplus lorsque l’économie va bien. Tout comme un individu ou un ménage devrait « mettre de côté » avant de dépenser, un gouvernement peut mettre en place des mécanismes pour réaliser et investir des surplus, loin de l’ingérence politique. Une stratégie essentielle compte tenu de la pression politique incitant à dépenser, pression qui est à son paroxysme.

Il y a également du travail à faire pour rétablir l’équilibre fiscal au pays alors que les provinces et les territoires subiront la majorité des répercussions financières du vieillissement de la population. Si le statu quo est maintenu, le fédéral devra envoyer plus d’argent aux provinces et aux territoires. À cet égard, j’aimerais beaucoup voir une réduction des ressources qui sont siphonnées dans ces transferts de la poche droite vers la poche gauche.

Enfin, s’il est judicieux pour tout le monde d’obtenir des conseils indépendants sur ses dépenses à intervalle prédéterminé, ce l’est encore plus pour le gouvernement. On multiplie les programmes, les initiatives et les dépenses, mais quand vient le temps de couper, on est plus discret. Un œil externe permettrait d’amener une vision renouvelée sur ces milliards dépensés, qui ne servent plus l’objectif visé.

ENDETTÉ MAIS À QUEL POINT?

Pour savoir comment les Canadiens gèrent leurs finances, plongez dans l’étude nationale Regard sur l’endettement réalisée par CPA Canada. Vous pouvez aussi consulter des informations en temps réel sur l’endettement des ménages et la dette publique.

Les élus doivent faire preuve de rigueur budgétaire, explique David-Alexandre Brassard, économiste en chef à CPA Canada. (Freepik)