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La tour de la paix avec un drapeau canadien
Canada
Économie

Pour en finir avec la surembauche et les coupes au fédéral

Malgré la conclusion d’une entente, la grève des employés du gouvernement met en lumière les défis liés à l’approche adoptée par Ottawa.

La tour de la paix avec un drapeau canadienAprès quelques années de vaches maigres, les effectifs de l’appareil fédéral ont augmenté de près de 30 % en huit ans. (Getty Images/KeithBinns)

Les gens qui ont déjà suivi un régime le savent : les grandes privations sont souvent suivies d’une prise de poids, parfois importante. Or c’est ce qui semble arriver au gouvernement du Canada quand on se penche sur le nombre d’employés qui y travaillent.

Après quelques années de vaches maigres, les effectifs de l’appareil fédéral ont augmenté de près de 30 % en huit ans. Pendant cette période, le taux de croissance de la machine a été 4 fois plus élevé que celui de la population, et 3 fois plus que celui du marché de l’emploi. C’est d’ailleurs cette surembauche et le contexte inflationniste, avec les attentes salariales qui l’accompagnent, qui ont mené au mouvement de grève historique de la fonction publique.

Certes, la pandémie a joué un rôle dans l’augmentation du nombre de fonctionnaires fédéraux : 35 % des nouveaux employés travaillent soit pour des organismes qui ont mis en place des programmes de soutien (Emploi et Développement social Canada, Agence du revenu du Canada) soit pour l’Agence de la santé publique, dont la taille a doublé. Toutefois, ce cycle d’embauche avait commencé avant mars 2020 – bien avant la COVID-19.

UN PHÉNOMÈNE CONNU

Depuis de nombreuses années et sous pratiquement tous les gouvernements, on a pu observer des cycles de sous-emploi et de surembauche, consistant à recruter massivement puis à licencier beaucoup. Si une certaine volatilité est normale, son ampleur surprend dans la fonction publique fédérale, surtout que le procédé est susceptible d’entraîner des problèmes de gestion ainsi qu’une pénurie ou un surplus de personnel. À noter qu’on n’observe pas un phénomène d’une telle importance au niveau des provinces.

Cette gestion à court terme n’aide pas non plus à fournir des services publics de qualité en temps opportun. Et, en plus de compliquer l’acquisition et le maintien d’une expertise au sein du gouvernement, je pense qu’elle ne peut que contribuer au recours à des consultants extérieurs – pour les services desquels le gouvernement a payé 20 G$ en 2022.

Une composante s’ajoute : en période d’incertitude économique, le gouvernement engage davantage, créant ainsi plus d’emplois stables, mais le coût est considérable, et des restrictions doivent souvent être adoptées pour ensuite rééquilibrer le budget. Or je crains que nous ne nous dirigions encore dans cette direction. Il est fort probable que le gouvernent doive limiter ses embauches s’il veut couvrir les hausses salariales prévues dans l’entente de principe, soit un minimum de 11,5 % sur quatre ans.

Il serait plus sage de miser sur une augmentation raisonnée des effectifs fédéraux. Peut-être même pourrions-nous calibrer cette hausse sur celle du marché de l’emploi ou de la population? On assurerait ainsi une stabilité relative des effectifs, propice au maintien de l’expertise et à la prestation de services de qualité pour les Canadiens.

Dans un contexte généralisé de vieillissement de la population, les gouvernements – tant au niveau fédéral que provincial – devraient réfléchir aux impacts de leurs actions au niveau des programmes et initiatives qu’ils soutiennent. En recrutant beaucoup, par exemple, ils accentuent la pénurie de main-d’œuvre; ils doivent donc adopter des mesures encore plus importantes pour pallier cette rareté. Avec le ralentissement économique attendu dans les prochains mois, on anticipe relativement peu d’impact sur le taux de chômage. Peut-être ne sera-t-il donc pas nécessaire pour les gouvernements d’engager davantage?

De tels cycles de recrutement ont aussi des impacts sur les services publics : des embauches massives devraient s’accompagner de meilleurs services (en quantité comme en qualité), mais est-ce le cas? De quelle information disposons-nous pour arriver à de telles conclusions? Le Bureau du vérificateur général du Canada et le Directeur parlementaire du budget mettent bien en lumière les bons et moins bons coups du gouvernement, mais je reste sur ma faim quant à la reddition de comptes de celui-ci à l’égard des services publics offerts à la population. Nous sommes en droit d’en savoir plus.

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