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Une femme est représentée en train de remplir les rayons d'une épicerie.
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Économie

« Les problèmes liés à l’inflation pourraient durer tout le premier trimestre de 2022 »

David-Alexandre Brassard, économiste en chef à CPA Canada, fait le point sur les défis économiques auxquels le Canada sera confronté cette année.

Une femme est représentée en train de remplir les rayons d'une épicerie.L’absentéisme de courte durée causé par le virus exerce une grande pression sur la main-d’œuvre, ce qui entraîne des répercussions sur notre économie. (Getty Images/Luis Alvarez)

L’arrivée du variant Omicron au Canada à la fin de 2021 a changé un certain nombre de choses dans le paysage économique canadien. David-Alexandre Brassard, économiste en chef à CPA Canada, se penche sur les principaux défis que le pays devra relever dans les prochains mois.

CPA CANADA : À quelle reprise économique peut-on s’attendre en 2022?
D.-A. Brassard :
L’impact du variant Omicron, que personne n’avait vu venir, devrait se faire sentir tout au long du premier trimestre. Si des secteurs comme ceux des services immobiliers (+3,2 %), financiers (+6,5 %) et professionnels (+4,5 %) s’en sortent bien comparativement à avant la pandémie, d’autres, comme les arts et les divertissements (-27 %) ou la restauration et l’hébergement (-13 %), sont déjà durement touchés.

Sur le plan du PIB, on peut donc s’attendre à une pause, voire à une légère décroissance, au cours du premier trimestre. On pourrait ne pas retrouver le volume prépandémique d’activités économiques avant le milieu de l’année.

Qui plus est, les programmes de soutien (tant d’embauche pour la relance économique que ceux propres à certains secteurs ou aux entreprises et travailleurs sous restrictions sanitaires) sont plus restrictifs en termes d’admissibilité et moins généreux que les programmes qui étaient en place avant octobre 2021.

CPA CANADA : L’année 2021 a été tout un défi en matière d’approvisionnement. Doit-on s’attendre à la même situation en 2022?
D.-A. Brassard :
Ne pouvant plus acheter certains services (de restauration, de voyage ou d’hébergement, par exemple), de nombreux Canadiens se sont rabattus sur l’achat de biens l’an dernier, ce qui a augmenté la pression sur la chaîne d’approvisionnement mondiale. Or, après les Fêtes, la consommation est traditionnellement plus faible, en janvier et en février. Cette baisse durera-t-elle? Difficile à dire.

Chose certaine, Omicron va mettre beaucoup de personnes sur le carreau, y compris dans le secteur du transport des marchandises. La réduction du nombre de jours d’isolement décidée par plusieurs provinces et pays ne résoudra pas tout. Aussi, les provinces de l’Ouest pourraient subir les répercussions des phénomènes météo qui ont eu lieu à la fin de 2021. Bref, je m’attends à un hiver, et même à un printemps, encore difficile à cet égard.

Un homme d'affaires est montréDavid-Alexandre Brassard, économiste en chef à CPA Canada. (tous droits réservés)

CPA CANADA : Où en est le marché du travail?
D.-A. Brassard :
L’absentéisme de courte durée causé par le virus exerce une grande pression sur la main-d’œuvre, surtout que beaucoup d’employés ont quitté des secteurs comme l’hébergement et la restauration pour aller vers des emplois où le salaire n’est pas aussi directement lié au volume de clients. Pensons aux services professionnels (comme ceux de comptabilité, de conception de systèmes informatiques ou de traduction) ou même au commerce de détail. C’est particulièrement vrai au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique, des provinces populeuses où les travailleurs ont plus de possibilités de se réorienter. Ce mouvement pourrait durer tant que l’achalandage sera réduit.

Dans un contexte de rareté de la main-d’œuvre (les postes vacants ont presque doublé depuis le début de la pandémie), les employeurs devraient aussi s’efforcer de trouver des moyens de retenir les travailleurs d’expérience (55 ans et plus), qui sont particulièrement importants dans une économie de savoir.

Sans croire non plus qu’elle réglera tous les problèmes de main-d’œuvre, l’immigration sera aussi un enjeu important cette année. Jamais, en 35 ans, le Canada n’a affiché un solde migratoire aussi faible qu’en 2020 (quatre fois plus faible qu’en 2018 et en 2019). Simultanément, de nombreux résidents non permanents sont repartis dans leur pays d’origine. Il y a donc un gros déficit.

L’immigration a fortement rebondi en 2021, et le Canada a atteint son objectif. Toutefois, en plus d’avoir encore un grand nombre de dossiers en retard à traiter, les gouvernements devront s’efforcer d’améliorer le processus pour les nouveaux arrivants afin que le plus grand nombre possible d’entre eux s’installent pour de bon.

CPA CANADA : L’inflation a beaucoup fait parler d’elle en 2021. Va-t-elle ralentir?
D.-A. Brassard :
La situation est en partie due au déséquilibre entre la demande et l’offre, alors ça pourrait durer pendant le premier trimestre de 2022. Cela dit, les gens auront moins d’argent à dépenser dans les prochains mois, entre autres parce que les programmes d’aide sont moins généreux, alors la situation pourrait se stabiliser.

Quant aux taux d’intérêt, ils ne devraient pas augmenter avant le milieu de l’année ou la reprise au niveau prépandémique des activités économiques. Tant que ça ne change pas aux États-Unis (où l’inflation est encore plus forte qu’ici), il est peu probable que ça change ici.

En revanche, la hausse du prix des maisons est à surveiller, car le problème d’accessibilité qu’elle a créé dans les grands centres est en train de se répandre à l’ensemble du Canada, en partie en raison du télétravail, qui a permis à de nombreux travailleurs de s’installer où bon leur semblait. Si l’Alberta connaît des hausses de prix encore relativement raisonnables (parce que plus de logements y sont disponibles), la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick pâtissent d’augmentations de prix comparables à celles des provinces où l’on retrouve les grands centres urbains.

CPA CANADA : Que pouvez-vous nous dire des dépenses faites par le gouvernement?
D.-A. Brassard :
La dette du gouvernement fédéral est passée de 30 % à près de 50 % du PIB. Selon la mise à jour économique et fiscale de 2021, le Canada aura accumulé environ 500 G$ de dette additionnelle d’ici avril 2022 depuis le début de la pandémie. C’est énorme. Si on entend souvent dire que notre taux global d’endettement est bon à l’échelon fédéral, CPA Canada prône plutôt l’adoption d’une cible budgétaire robuste, où la dette ne serait plus uniquement liée à notre PIB. Ainsi, la dette n’augmenterait pas systématiquement quand le PIB croît. 

On devrait également se questionner sur le niveau de gouvernance entourant les dépenses du gouvernement. Rappelons que celui-ci n’a pas publié de budget en 2020, laissant un délai d’un an entre ses publications financières, année durant laquelle il s’est engagé dans des dépenses additionnelles de près de 300 G$. Même si les plans de soutien liés à la COVID-19 seront épluchés a posteriori par la vérificatrice générale du Canada, il est inquiétant que le gouvernement ait pu dépenser autant sans que personne ait son mot à dire.