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Homme d'affaires pensant, debout devant un tableau blanc.
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Le Canada a un bel avenir dans la technologie financière malgré les obstacles

Véritable carrefour de l’intelligence artificielle, le Canada a un rôle important à jouer dans l’innovation. Mais des difficultés de financement et la taille relativement petite du marché entravent les progrès.

Homme d'affaires pensant, debout devant un tableau blanc.L’axe Toronto-Kitchener-Waterloo compte 194 jeunes pousses et au moins une vingtaine d’incubateurs et d’accélérateurs. Le taux de croissance annuel composé, de 118 %, est un des plus élevés dans le monde. (Getty Images/Hero Images)

La technologie financière (fintech) se porte très bien au Canada; elle y fait l’effet d’une véritable traînée de poudre. Pour s’en convaincre, il suffit de chercher en ligne les colloques qui auront bientôt lieu au pays : une véritable pléthore de forums, de tables rondes et d’activités de moindre envergure. Il y a même une semaine de la fintech en août. Et c’est sans parler de ce qui se passe à l’étranger.

Pourquoi tant en parler? Parce qu’il y a beaucoup à dire.

Voici l’état des lieux selon Mukul Ahuja, leader en services financiers, en stratégie d’assurance et en intelligence artificielle chez Deloitte : « La fintech est un écosystème vaste. Il y a au moins une dizaine de domaines dans lesquels les progrès sont fulgurants, de l’assurance à la gestion des finances personnelles. Et le Canada, qui a su être à l’affût des tendances mondiales, a maintenant le vent dans les voiles : il compte un bon millier d’entreprises de technologie financière, et de nouveaux acteurs voient sans cesse le jour. »

Dans cet écosystème en évolution rapide, le Canada se démarque à plusieurs égards. Précisions.

LES SERVICES DE PAIEMENT, TÊTE D’AFFICHE DE LA FINTECH

Dans le secteur de la fintech au Canada, le domaine du paiement est incontestablement le chef de file, constate M. Ahuja. « Il regroupe le quart, environ, des entreprises de technologie financière au pays », précise-t-il. (Les acteurs du domaine se concentrent principalement sur le dépôt, l’épargne et le paiement; ils sont souvent associés à de grandes institutions financières. Les prêts, y compris les prêts hypothécaires, l’assurance et les conseils en gestion du patrimoine ne font pas partie de leurs services.)

Parmi ces acteurs, citons Koho, qui dit rendre les opérations bancaires « simples et humaines » grâce à son « compte complet sans frais cachés », et Paytm Canada, qui offre une appli de paiement mobile dynamique. Comme le fait observer M. Ahuja, plusieurs banques ont créé leur propre version d’une entreprise de technologie financière. Par exemple, la coopérative de crédit Meridian a lancé une nouvelle banque concurrente, la Motus Bank, comme l’a fait la CIBC, qui a choisi une nouvelle marque pour sa banque virtuelle, Simplii.

LA RÉGION DE TORONTO, UNE PLAQUE TOURNANTE

L’axe Toronto-Kitchener-Waterloo tient la vedette sur la scène canadienne de la fintech. Comme on l’apprenait dans un rapport publié en 2019 par Toronto Finance International (TFI), cette région compte 194 jeunes pousses et au moins une vingtaine d’incubateurs et d’accélérateurs. Le taux de croissance annuel composé, de 118 %, est un des plus élevés dans le monde.

M. Ahuja estime que de 65 à 70 % de l’énergie générée par la fintech se concentre dans la région de Toronto et en Ontario. Ce qui lui semble logique : « C’est à Toronto que se trouve le siège social de nombreuses institutions financières. Or, les entreprises de technologie financière veulent faire affaire avec elles, leur offrir des services complémentaires ou leur faire concurrence. »

Parmi les réussites canadiennes, on trouve Wealthsimple, maison de courtage en ligne, et League, plateforme offrant des produits d’assurance santé. Chacune s’est classée au palmarès Fintech 100, pendant trois années d’affilée.

LA FINTECH REPOSE SUR L’IA, UNE FORCE DU CANADA

De nombreux progrès en fintech reposent sur l’intelligence artificielle et l’analyse poussée de données. Le Canada – foyer d’IA – est donc bien placé pour tirer parti de ce rapport, explique M. Ahuja. Montréal a la plus grande concentration de chercheurs et d’étudiants en apprentissage profond dans le monde, et Toronto, la plus grande concentration de jeunes pousses en intelligence artificielle.

« Il y a au Canada un élan et une énergie naturels pour l’élaboration de solutions novatrices fondées sur des technologies émergentes », se réjouit M. Ahuja. [Voir Les CPA ont un rôle à jouer dans les entreprises de technologie financière]

LA CHAÎNE DE BLOCS, UN FACTEUR DE PREMIER PLAN

Les applications de la chaîne de blocs foisonnent maintenant dans de nombreux secteurs, mais celui des services financiers devrait continuer à dominer l’investissement. Et le Canada leur sert de tremplin.

HIVE, une entreprise de technologie financière cotée à la bourse de croissance TSX, qui associe cryptomonnaie et marchés financiers, est établie au Canada, tout comme l’accélérateur Decentral, de Toronto. Comme il est indiqué dans le rapport de TFI, le siège social de la moitié des jeunes pousses canadiennes du domaine de la technologie des registres distribués (TRD) se trouve à Toronto, ville qui accueille aussi le Blockchain Research Institute.

D’autres plaques tournantes et associations se forment aux quatre coins du pays, dont la Chamber of Digital Commerce Canada (chambre canadienne de commerce numérique) et ColliderX. Cette dernière se définit comme la première organisation de recherche et développement dans le domaine de la chaîne de blocs exploitant un logiciel libre, la production participative et le sociofinancement.

LE CANADA, UN MARCHÉ PILOTE

Le marché canadien joue souvent un rôle pilote. Comme l’explique M. Ahuja, certaines entreprises lancent leurs activités ici avant de partir à la conquête du monde, en commençant par les États-Unis.

« Du millier d’entreprises de technologie financière au Canada, je dirais que de 10 à 15 % envisagent de prendre de l’expansion aux États-Unis ou l’ont déjà fait, et certaines y ont même établi leur siège social », rapporte-t-il. « Par ailleurs, de 100 à 150 sociétés américaines mènent aussi des activités au Canada. Il y a donc une influence de part et d’autre de la frontière. »

LA FINTECH DANS LE DOMAINE RÉGLEMENTAIRE, UN NOUVEAU VENU PROMETTEUR

L’évolution de la réglementation génère aussi son lot d’activité en technologie financière à l’échelle mondiale, et le Canada ne fera pas exception. Dans le sillage de l’adoption par l’Union européenne du Règlement général sur la protection des données et vu l’inquiétude croissante des consommateurs quant à la protection de la vie privée et de leurs renseignements personnels, il se trouve maintenant des jeunes pousses qui aident les entreprises en matière de conformité.

Les gouvernements se penchent également sur la réglementation, dans l’intention de favoriser la compétitivité des petites entreprises. Par exemple, au Royaume-Uni, la loi sur le système bancaire ouvert a pour objectif d’accroître la concurrence dans le secteur financier. Michael Dingle, leader et associé (Transactions) chez PwC Canada, a confié à BetaKit qu’un nouveau type d’entreprise de technologie financière verrait le jour dans ce contexte. « Mais surtout, les entreprises canadiennes de technologie financière qui existent déjà et qui commencent à prendre de l’expansion trouvent ainsi un marché plus vaste à viser. »

PEUT-ON FAIRE MIEUX?

Si de nombreux signes annoncent un bel avenir pour la fintech au Canada, certains obstacles, dont quelques-uns seraient difficiles à éliminer, pourraient entraver son essor. Par exemple, comme le signale M. Ahuja, de nombreuses entreprises de technologie financière au Canada sont encore assez petites, et leur valeur, peu élevée. Cette situation s’explique en partie par la taille relativement restreinte et la dispersion géographique du marché, et par les tendances qui en résultent en matière d’adoption de ces technologies. Pour la même raison, Toronto a beau être la plaque tournante de la fintech au pays, elle accuse toujours du retard par rapport à d’autres grands centres comme la Silicon Valley, New York et Londres.

C’est probablement pourquoi différentes initiatives ont été proposées pour stimuler la croissance du secteur. Parmi celles-ci : l’adaptation des cadres réglementaires à l’évolution des modèles d’affaires et des priorités; l’offre de capital de démarrage aux entreprises de la région de Toronto; et la collaboration avec d’autres pays en vue de l’élaboration de politiques en matière de technologie financière. Ainsi, comme les entreprises de technologie financière du monde entier poursuivront leur croissance, celles du Canada sauront tenir la cadence, et pourquoi pas, être les chefs de file.

PRÉPARER L’AVENIR

L’IA, la chaîne de blocs et d’autres technologies transforment le monde des affaires. Pour savoir quelle incidence elles auront sur le rôle de la profession comptable, lisez le rapport sur la phase 1 du projet Voir demain : Réimaginer la profession, une initiative de CPA Canada qui définira l’orientation stratégique de la profession pour les 10 prochaines années.