L’agilité : cap sur l’après-pandémie
En confiant de nouvelles tâches ou de nouveaux projets à des employés inactifs, on peut soutenir le moral des troupes, qui peuvent ainsi mettre leurs compétences au service des clients et au profit d’autres sources de revenus. (Getty Images/Luis Alvarez)
Fabrication d’équipement de protection individuelle, services à distance, cours de mise en forme sur Zoom… les entreprises s’adaptent pour survivre à la COVID-19.
Mais de si belles adaptations ne sont pas données à tous. Les Nations Unies prévoient que la pandémie fera perdre à l’économie mondiale au moins 1 000 G$ US. Dans un tel contexte, jusqu’à quel point les entreprises devront-elles miser sur l’agilité?
Voici quatre conseils pour asseoir la survie et la prospérité d’une entreprise sur l’agilité.
1. COMPRENDRE LA NOUVELLE RÉALITÉ
En attendant de pouvoir reprendre leurs activités, de nombreuses entreprises canadiennes se demandent quelle sera la nouvelle réalité et si les choses reviendront un jour à la normale.
Craig Lund, président de Marketing Talent et coprésident du programme de mentorat de la section torontoise de l’American Marketing Association, ne compterait pas sur une telle reprise. Il estime plutôt que les entreprises devraient commencer à se façonner un nouvel avenir.
« Si les dirigeants pensent survivre à la crise en comptant sur l’ensemble des programmes gouvernementaux pour ensuite retrouver leur modèle d’affaires habituel, ils se privent d’une belle occasion, tranche-t-il. De fait, si votre modèle ne fonctionne que lorsque tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, c’est que l’entreprise est vulnérable. »
Pour définir la nouvelle réalité, ajoute Rob Torok, CPA, directeur principal des services consultatifs en comptabilité financière à EY Canada, une organisation doit reconnaître les vulnérabilités ou les redondances de son modèle et apporter des changements pour y remédier.
Selon le cadre RAID (Résilience + Adaptabilité + Innovation = Durabilité) de CPA Canada, l’agilité d’une entreprise repose sur sa capacité d’identifier et de gérer les risques, de renforcer ses capacités, de réagir et de se transformer.
« L’agilité correspond à la capacité d’observation, de réaction et d’adaptation, explique M. Torok. Elle nous fait admettre sans tarder que notre modèle d’affaires, ou un autre facteur, ne tient pas la route, puis nous amène à nous demander quels choix s’offrent à nous avec des actifs ou des effectifs réduits. Peut-on faire quelque chose avec les ressources à notre disposition? »
2. TROUVER DE NOUVELLES SOURCES DE REVENUS
Pour trouver ce « quelque chose », il faut analyser ses activités, déceler les inefficacités et faire les changements nécessaires, notamment en trouvant de nouvelles façons de générer du chiffre d’affaires, expose M. Lund. « Demandez-vous quels nouveaux modèles de revenus vous pourriez adopter, suggère-t-il. Il pourrait s’agir de gammes de produits ou services inexploitées, ou de différentes manières de structurer les sources de revenus. »
Bill Guest, fondateur et directeur général de l’entreprise ontarienne CCR Solutions, qui organise des événements depuis 25 ans en Amérique du Nord, s’estime chanceux que son entreprise ait réussi un tel exploit. Moins de deux semaines après avoir dû interrompre ses activités, puis mettre à pied 70 % de son personnel en avril, l’entreprise s’est tournée vers la fabrication d’équipement de protection individuelle en collaboration avec une société spécialisée dans l’impression, l’affichage et la présentation de produits, Innovative Displays.
« C’est arrivé du jour au lendemain : nous sommes passés d’une fermeture qui risquait de devenir permanente à la fabrication d’un produit essentiel en temps de pandémie, qui a permis à l’entreprise de poursuivre ses activités », résume-t-il.
Les manifestations de grande envergure n’étant pas envisageables dans un horizon prévisible, M. Guest a saisi la balle au bond en décidant d’explorer un nouveau marché et de vendre des produits qui pourraient bien devenir des incontournables lors d’événements futurs (désinfectant pour les mains, visières de protection, cloisons en plastique).
« Je me suis dit que nous pouvions nous lancer sur ce marché et mobiliser nos deux équipes, relate-t-il, pour élargir considérablement notre présence en Amérique du Nord et joindre l’utile au rentable. »
3. MOTIVER DES EMPLOYÉS DÉSŒUVRÉS
Il est essentiel de maintenir la motivation, à l’heure actuelle et dans l’avenir, prévient M. Lund.
La réaffectation des effectifs inoccupés à de nouvelles activités ou à de nouveaux projets peut soutenir le moral des troupes. Les employés peuvent ainsi mettre leurs compétences au service des clients et générer du chiffre d’affaires autrement, conclut-il.
« En amenant les gens à se tailler une place dans le devenir de la nouvelle organisation, on encourage la bonne attitude, dit-il. Chacun doit passer à l’action et voir qu’il travaille à son propre avenir. »
La confiance, ajoute M. Torok, est la base pour inspirer les gens et façonner cet avenir. Sans elle, le personnel se sent impuissant et ne prend pas d’initiative, n’agissant pas sans demander l’autorisation; il ne met pas ses compétences à profit. « Les progrès se font alors à pas de tortue, poursuit-il. En période d’incertitude, la confiance est le véritable moteur d’une organisation. »
M. Guest en sait quelque chose. La nouvelle entreprise exploitée par CCR Solutions s’est mobilisée et a réaffecté tout le personnel restant, dont 24 vendeurs désœuvrés. Elle a même réussi à réembaucher des employés mis à pied.
« Nos commerciaux vendaient énormément; il leur fallait un soutien efficace. C’est ainsi que nos professionnels de l’audiovisuel apprennent maintenant les rouages de la fabrication d’équipement de protection pour prêter main-forte comme ils peuvent. Tout le monde met la main à la pâte, se réjouit-il. Nous avons bien réagi grâce à l’esprit d’initiative de notre équipe et au savoir-faire de nos leaders. »
4. PLANIFIER PLUTÔT QUE RÉAGIR
Même si M. Guest est enthousiasmé par le succès de son entreprise, il précise que de tels revirements s’avèrent difficiles s’ils ne font pas partie d’un plan général. Une transformation, nuance-t-il, s’opère habituellement dans le cadre d’une stratégie à long terme.
« Il est beaucoup plus simple de métamorphoser son entreprise au bon rythme que de réaliser un revirement du tout au tout, comme le nôtre. Nous sommes devant une situation imprévisible, le fameux scénario du “cygne noir” qu’il est impossible de voir venir. D’ailleurs, nous ne l’avons pas vu venir. Au fil des ans, nous avions transformé l’entreprise, mais en y allant lentement, en suivant l’idée qu’on établit d’abord un plan et qu’on s’applique ensuite à l’exécuter. »
M. Torok abonde dans le même sens : une véritable agilité suppose une bonne planification et elle est la pierre angulaire de la plupart des réussites commerciales. « L’idée n’est pas nécessairement de changer complètement de direction par automatisme ni de tout arrêter pour partir de zéro dans un autre domaine », dit-il.
C’est aussi à l’étape de la planification que les CPA ont un rôle clé à jouer, ajoute-t-il. « Notre travail consiste à interpréter les informations historiques et à adapter la voie future pour optimiser l’avenir. » Quelle que soit la stratégie choisie, le moment est venu de se projeter dans l’après-pandémie, en gardant à l’esprit que rien ne sera pareil, explique M. Lund.
« Les gens ne se rendent pas compte à quel point tout fonctionnera au ralenti, constate-t-il. Il n’est donc pas possible d’attendre que tout revienne à la normale. »
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