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Cadrage sur une vallée au soleil couchant avec des éoliennes.

La finance, un tremplin vers une économie durable

L’atteinte de la carboneutralité d’ici 2050 est un défi de taille pour l’économie canadienne. La finance durable peut servir de tremplin vers une économie carboneutre.

L’une des mesures les plus importantes que le gouvernement fédéral peut prendre pour réaliser son ambition de faire du Canada une économie durable et prospère est la mise en place d’une structure qui intégrera les questions de changements climatiques dans les décisions financières – un système que l’on appelle la finance durable.

Cette note de synthèse décrit les mesures que le gouvernement fédéral devrait prendre, en plus de répondre à quelques questions cruciales, notamment les suivantes :

  • Qu’est-ce que la finance durable?
  • Quelles mesures le gouvernement fédéral devrait-il prendre?
    • Définir le cheminement
    • Commencer par les données
    • Mieux comprendre les risques que posent les changements climatiques
    • Miser sur le secteur énergétique
    • Bâtir en mieux
  • Établir des normes
  • Prochaines étapes

APERÇU

Dans le cadre de l’Accord de Paris, le Canada s’est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 30 % d’ici 2030 comparativement aux niveaux de 2005. En juillet 2021, le gouvernement a revu sa cible à la hausse, promettant de réduire ses émissions de 40 % à 45 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2005. Adoptée récemment, la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité vise à fixer tous les cinq ans des cibles nationales en vue de l’atteinte de la carboneutralité d’ici 2050, ce qui représente un énorme changement structurel pour notre économie.

Le Canada a donc l’occasion de recentrer ses efforts en réorientant les investissements et les capitaux de manière à atteindre ces objectifs ambitieux. La nécessité de relancer l’économie au sortir de la pandémie de COVID-19 rend la situation encore plus urgente.

Le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership à ce chapitre, mais il ne peut atteindre ces cibles climatiques à lui seul. Les autres décideurs – gouvernements de tous ordres, chefs d’entreprise de tous secteurs, investisseurs et consommateurs – doivent ajuster leurs décisions en conséquence. La meilleure façon d’y parvenir est d’aider toutes les parties à comprendre les coûts, les avantages et les conséquences de leurs décisions financières. Selon Mark Carney, la progression dans ce domaine nécessitera la prise en compte des changements climatiques dans le cadre de chaque décision financière.

QU’EST-CE QUE LA FINANCE DURABLE?

La finance durable consiste essentiellement à réorienter les investissements et les capitaux de manière à atteindre les objectifs climatiques et à créer une économie plus durable. En l’absence de consensus sur la définition de « finance durable », le Groupe d’experts sur la finance durable, formé par le gouvernement fédéral en 2018, a constaté ce qui suit dans son rapport final :

« La finance ne résoudra pas le problème des changements climatiques, mais celle-ci a un rôle essentiel à jouer pour soutenir l’économie réelle tout au long de la transition énergétique. Le domaine émergent de la “finance durable” est carrément axé sur la canalisation de l’expertise, de l’ingéniosité et de l’influence du secteur financier vers les défis et les possibilités que posent les changements climatiques. »

La finance durable permet donc de déplacer l’attention des investisseurs des bénéfices à court terme vers la création de valeur à long terme, et des risques vers les occasions. Voici certains des principaux effets de la finance durable :

  • Améliorer l’accès aux données climatiques et la transparence de l’information d’entreprise sur les risques financiers et les occasions liés au climat pour permettre la prise de décisions éclairées;
  • Mobiliser les capitaux pour faciliter la transition vers la durabilité des entreprises, des principaux secteurs d’activité et de l’environnement bâti (comme les bâtiments);
  • Soutenir l’investissement dans les technologies propres, les infrastructures vertes et les produits financiers verts;
  • Faire en sorte que le risque lié au climat soit pris en compte dans la réglementation et la surveillance du système financier canadien et appuyé par un écosystème de soutien financier informé;
  • Faciliter la transition vers la communication de l’information sur les questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG), auxquelles les investisseurs et les parties prenantes accordent une importance croissante.

La compétitivité du Canada repose dans une large mesure sur l’adoption de la finance durable, car la réorientation de capitaux vers des placements durables est une exigence réglementaire dans de nombreux pays. À la différence d’autres grandes économies du monde, le Canada est fortement tributaire des ressources naturelles. Pour éviter d’accuser un retard par rapport à ces pays, il doit absolument se doter d’une approche « toute canadienne » en matière de finance durable, qui aidera les principaux secteurs à effectuer la transition vers les produits et les activités plus durables.

QUELLES MESURES LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL DEVRAIT-IL PRENDRE?

Le Canada doit décider s’il veut établir ses propres politiques ou suivre celles des autres, et il lui faut agir de manière urgente. D’autres pays avancent à grands pas dans l’élaboration et la mise en œuvre de politiques et de règlements visant à encourager une économie à faibles émissions de carbone, mais, comme ils dépendent moins des secteurs des ressources naturelles, peu d’attention est accordée aux difficultés auxquelles ils se heurtent durant la transition. Le Canada est un chef de file mondial dans la décarbonisation des secteurs à forte intensité carbonique et doit transformer cette expertise en leadership en vue de l’élaboration d’une politique de transition.

Le Groupe d’experts sur la finance durable a constitué un point de départ important. Sous la direction de Tiff Macklem, aujourd’hui gouverneur de la Banque du Canada, il a tenu de vastes consultations auprès des parties prenantes et publié en juin 2019 son rapport final, dans lequel il formule 15 recommandations « qui, selon le Groupe d’experts, peuvent aider à réaliser les ambitions économiques et environnementales du Canada ».

Nous avons participé activement au travail du Groupe d’experts et nous appuyons son rapport final et ses recommandations. Le gouvernement fédéral a récemment établi un conseil d’action en matière de finance durable, une mesure qui donne suite à l’une des recommandations du Groupe d’experts et constitue une étape importante vers la mise en œuvre et la coordination des autres recommandations. Plusieurs autres de ces recommandations devraient figurer dans la liste des priorités du gouvernement, selon nous.

Définir le cheminement

La première recommandation du Groupe d’experts est de définir le cheminement à long terme du Canada vers une économie à faibles émissions et respectueuse du climat, secteur par secteur, et d’élaborer un plan d’immobilisations. 

Nous estimons que l’adoption d’un tel plan contribuerait à favoriser la confiance des entreprises et à mobiliser l’action dans le secteur privé. Le plan climatique du gouvernement fédéral, intitulé Un environnement sain et une économie saine et présenté en décembre 2020, et l’adoption de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, qui fixe des cibles de réduction des émissions de GES en vue d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050, marquent des progrès importants. Toutefois, il reste encore à exposer clairement l’importance des changements et des investissements nécessaires pour atteindre l’ambitieuse cible à long terme.

Commencer par les données

Pour prendre des décisions éclairées, il faut des données fiables. C’est la raison pour laquelle le Groupe d’experts a proposé de créer un centre canadien d’information et d’analyse climatiques, qui serait chargé de compiler les données recueillies par les secteurs public et privé ainsi que par le milieu universitaire, et de concevoir des outils qui permettraient de « faire ressortir les conséquences concrètes de cette information » pour les entreprises, les collectivités et d’autres décideurs.

Mieux comprendre les risques que posent les changements climatiques

Établi par le Conseil de stabilité financière en décembre 2015, le Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (GIFCC) a pour mission d’élaborer un ensemble uniforme d’informations à fournir à titre volontaire relativement aux risques financiers associés aux changements climatiques. Les entreprises utiliseront cet ensemble pour renseigner les investisseurs, assureurs, prêteurs et autres parties prenantes. Le GIFCC a publié ses recommandations définitives (en anglais) en juin 2017, à la suite d’un processus de consultation mené auprès de parties prenantes du monde entier. Ces recommandations visent à accroître la transparence des marchés et à favoriser l’affectation efficiente des capitaux en vue de réaliser la transition vers une économie à faibles émissions de carbone comme le prévoit l’Accord de Paris.

Le Groupe d’experts sur la finance durable recommande de définir et d’appliquer une approche canadienne de mise en œuvre des recommandations du GIFCC. Une mise en œuvre intégrale à l’échelle du pays exige des mesures de la part des provinces et territoires et des autorités de réglementation, mais nous encourageons le gouvernement fédéral à faire preuve de leadership en mettant en œuvre les recommandations du GIFCC dans ses propres champs de compétence. 

Par exemple, le fédéral a introduit une obligation de communiquer annuellement des informations sur le climat dans le cadre du programme de Crédit d’urgence pour les grands employeurs (CUGE) qu’il a lancé récemment. Voici d’autres mesures prises ou prévues par le gouvernement fédéral :

  • Entreprendre sans délai la mise en œuvre progressive du cadre du GIFCC dans les grandes sociétés d’État fédérales et les caisses de retraite sous son contrôle;
  • Modifier la Loi canadienne sur les sociétés par actions de façon à rendre obligatoire la présentation d’informations relatives aux changements climatiques dans les rapports annuels des sociétés constituées en vertu de cette loi;
  • Exiger la communication annuelle d’informations sur le climat pour les investissements de la Banque de l’infrastructure du Canada, conformément au cadre du GIFCC.

Miser sur le secteur énergétique

La transition du secteur énergétique canadien vers la carboneutralité sera un facteur de succès déterminant, surtout en ce qui concerne l’industrie pétrogazière, qui est un grand producteur de GES et un moteur de la croissance de l’économie canadienne. La recommandation 12 du Groupe d’experts traite précisément de cette question, mais plusieurs autres recommandations sont essentielles à l’atteinte de cet objectif. L’élaboration d’une taxonomie verte « toute canadienne » et les innovations en matière de financement axé sur la transition (deux aspects abordés dans la recommandation 9) seront cruciales.

Le défi est immense et pour le relever, il faudra d’importants investissements en immobilisations, des innovations technologiques, une transformation du marketing et des ajustements au sein de la main-d’œuvre. Compte tenu de l’ampleur de la tâche, 2050 ne semble pas très loin. Les pouvoirs publics et les acteurs du secteur doivent s’atteler d’urgence à cette tâche.

À l’automne 2020, et au printemps 2021, CPA Canada a organisé une série de tables rondes qui ont rassemblé des investisseurs, des administrateurs et des chefs de file du secteur pour explorer les obstacles à la transition du secteur énergétique vers un avenir carboneutre. Le rapport issu des tables rondes propose de nouvelles pistes d’action aux pouvoirs publics et au secteur.

Bâtir en mieux

En 2020, dans le discours du Trône, le gouvernement a souligné la nécessité de « rebâtir en mieux » après les fermetures d’entreprises causées par la pandémie. Notre approche en matière d’infrastructure est un moyen évident d’y arriver. 

Dans la recommandation 14, le Groupe d’experts traite en détail de ce sujet et préconise essentiellement que les investissements dans les infrastructures soient considérés selon une perspective climatique pour s’assurer que les projets sont les plus écoénergétiques possibles et assez résilients pour résister aux effets des changements climatiques au Canada. Étant donné les dépenses de 186 milliards de dollars en infrastructures prévues au cours des 12 prochaines années dans le cadre du plan Investir dans le Canada, il s’agit d’une question qui relève non seulement de la prudence financière, mais aussi des aspirations du Canada en matière de climat.

Le déficit d’infrastructure à l’échelle mondiale et au Canada présente des occasions et des défis, comme le souligne notre rapport publié conjointement avec l’ACCA.

ÉTABLIR DES NORMES

Une question importante que le Groupe d’experts n’a pas abordée est la nécessité d’élaborer un ensemble de normes d’information relative à la durabilité qui soient uniformes et reconnues à l’échelle internationale. À l’heure actuelle, le degré de détail de l’information varie selon les régions, les secteurs d’activité et les entités. En raison du grand nombre de cadres et de normes d’information, la préparation et la communication de l’information prennent du temps et peuvent entraîner des coûts importants, alors que l’information présentée ne répond toujours pas aux besoins des parties prenantes. Selon une étude réalisée par CPA Canada, de nombreuses entités publient des informations relatives à la durabilité, mais généralement dans un document distinct, et les données ne répondent pas véritablement aux besoins des investisseurs.  

Des données incomplètes et non comparables nuisent à l’évaluation de la performance en matière de durabilité et peuvent entraîner la prise de décisions peu judicieuses qui auront des incidences sur la politique publique, le milieu des affaires, l’économie mondiale et la société en général. À la suite de consultations menées en 2020, l’IFRS Foundation, organe chargé de la surveillance de l’International Accounting Standards Board, a annoncé la mise sur pied d’un conseil des normes internationales d’information sur la durabilité afin d’harmoniser et de simplifier la communication d’information relative à la durabilité.

En juillet, le gouvernement du Canada a déclaré son soutien à la proposition visant la création d’un conseil des normes internationales d’information sur la durabilité, et a invité l’IFRS Foundation à installer le conseil au Canada. L’offre canadienne est appuyée par une coalition de plus de 55 institutions canadiennes des secteurs public et privé, dont CPA Canada. Quatre autres pays ont manifesté leur intérêt pour l’accueil du nouveau conseil; l’IFRS Foundation devrait annoncer sa décision à la conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP26), qui se tiendra à Glasgow au début de novembre 2021.

PROCHAINES ÉTAPES

La transition vers une économie carboneutre présente des défis de taille pour les entreprises canadiennes. C’est le moins qu’on puisse dire. Cependant, elle comporte également des occasions. Le principal obstacle qui entrave les entreprises est le manque de clarté des politiques – un problème aggravé par le fait que l’environnement est un champ de compétence fédérale et provinciale.

Le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques a constitué une étape primordiale et réussie vers l’adhésion de tous les pouvoirs publics au Canada à un objectif commun, soit de rendre l’économie plus durable, et à une approche collaborative pour l’atteinte de cet objectif. Les mesures prises récemment par le fédéral pour faire face à la pandémie de COVID-19 prouvent encore une fois qu’en période de crise, les gouvernements de tous ordres, les entreprises et les citoyens sont capables d’unir leurs forces pour atteindre un objectif commun.

Le nouveau plan climatique du gouvernement fédéral et la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité proposée apportent un peu plus de clarté et insufflent une plus grande confiance aux entreprises. Nous encourageons tous les pouvoirs publics au Canada à poursuivre leur dialogue et leur collaboration afin de tirer parti de la puissance de la finance durable pour nous assurer un avenir plus durable et plus prospère.