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Nouvelles déclarations obligatoires en fiscalité : version définitive des dispositions législatives

La version définitive des dispositions législatives fédérales resserrant les exigences de déclaration pour empêcher certains types de planification fiscale a été publiée. Précisions sur ces propositions, sur les améliorations qu’elles reflètent et sur les préoccupations qui demeurent.

Mises à jour de la publication initiale du 14 juin 2023

Le 27 juillet 2023 : l’ARC a publié des lignes directrices sur l’application des règles de divulgation obligatoire et les formulaires prescrits suivants :

De plus, le 22 juin 2023, le projet de loi C-47 a reçu la sanction royale. Les règles et les obligations exposées dans le présent billet sont donc désormais en vigueur.

Enfin, nous avons demandé au gouvernement des précisions sur certains aspects; pour en savoir plus, veuillez consulter notre article du 21 juillet 2023.

Dans le budget fédéral de 2021, le gouvernement mentionnait ce qui suit : « L’une des principales difficultés rencontrées par les autorités fiscales à travers le monde est le manque de renseignements exhaustifs et pertinents, transmis en temps opportun, sur les stratégies de planification fiscale à caractère agressif. »

Pour contrer cette difficulté, le gouvernement a annoncé dans le même budget des plans de consultation sur des règles de déclaration plus détaillée applicables à certains types d’opérations. La consultation de 60 jours a commencé par la publication de l’avant-projet de loi et d’un document d’information le 4 février 2022. Le Comité mixte sur la fiscalité de l’Association du Barreau canadien et de Comptables professionnels agréés du Canada (le « Comité mixte ») a participé à la consultation initiale et a tenu des discussions approfondies sur les différents enjeux avec les représentants du ministère des Finances Canada. Après la publication des propositions législatives révisées en août 2022, nous avons signalé d’autres enjeux au ministère.

Le 28 mars 2023, des propositions législatives révisées ont été publiées dans un avis de motion de voies et moyens. Celui-ci a par la suite fait l’objet d’une première lecture à titre de projet de loi C-47 (Loi no 1 d’exécution du budget de 2023). Le projet de loi C-47 contient plusieurs modifications qui reflètent les commentaires du Comité mixte et d’autres groupes de parties prenantes. Aucun changement important touchant les règles proposées concernant les traitements fiscaux incertains n’y figure.

Dans le présent billet, nous présentons une mise à jour de notre publication du 30 mai 2022 à la lumière des règles définitives proposées dans le projet de loi C-47. Nous résumons également certaines préoccupations non résolues signalées par des membres et d’autres parties prenantes, ainsi que les modifications apportées, dont la plupart reflètent les commentaires du Comité mixte.

Les propositions comportent trois éléments qui auraient pour effet :

  • d’étendre les règles actuelles relatives aux opérations à déclarer;
  • d’introduire une nouvelle obligation déclarative applicable aux opérations à signaler;
  • d’ajouter une nouvelle obligation de déclarer des traitements fiscaux incertains applicable aux sociétés déterminées.

Toute information exigée aux termes du projet de loi C-47 concernant les opérations à déclarer et les opérations à signaler doit généralement être produite dans les 90 jours qui suivent le jour où la personne conclut l’opération ou a l’obligation contractuelle de la conclure (et non dans un délai de 45 jours comme dans les propositions initiales). Les obligations de déclaration applicables selon les dispositions du projet de loi C-47 aux opérations à déclarer et aux opérations à signaler viseront les opérations conclues après la sanction royale. Le délai de déclaration des traitements fiscaux incertains demeure inchangé – soit dans les six mois suivant la fin de l’année d’imposition – et s’applique aux années d’imposition commençant après 2022.

Des pénalités sont prévues en cas de non-respect des nouvelles règles, mais elles ne s’appliqueront pas aux opérations à déclarer ni aux opérations à signaler avant la sanction royale du projet de loi C-47. Parallèlement, le droit de l’ARC d’établir une cotisation ne serait pas frappé de prescription si l’opération sous-jacente n’a pas été déclarée. La période normale de cotisation commencerait à courir au moment de la déclaration.

Trouver un équilibre entre les besoins de l’ARC et le fardeau d’observation

L’annonce initialement présentée dans le budget montre bien l’importance de viser un juste équilibre lors de l’établissement de telles règles.

D’une part, si les règles ont une portée trop restreinte, l’ARC pourrait ne pas recevoir au moment opportun l’information dont elle a besoin pour administrer le système fiscal.

D’autre part, il est important d’éviter d’ajouter au fardeau des contribuables au-delà de ce qui est strictement nécessaire. Or, les règles concernant les opérations à déclarer et les opérations à signaler prévoient des mesures à prendre dans les 90 jours de la conclusion d’une opération. Le gouvernement doit donc démontrer clairement que l’ARC a besoin de recevoir ces informations rapidement et de manière distincte pour pouvoir effectuer son travail. À l’opposé, si l’ARC peut recevoir les informations supplémentaires dont elle a besoin dans une déclaration de revenus ordinaire, l’exigence d’une déclaration additionnelle distincte, à produire dans un délai de 90 jours, imposerait un fardeau d’observation additionnel déraisonnable.

Les propositions prévoient aussi des pénalités considérables, et il semble injuste de punir les contribuables de ne pas avoir communiqué des renseignements fiscaux qui pourraient être tout à fait ordinaires.

L’Organisation de coopération et de développement économiques a insisté sur la nécessité de trouver un juste équilibre et de faire preuve de clarté, d’efficacité et de flexibilité dans l’établissement d’obligations de déclaration.

Les régimes de communication obligatoire d’informations doivent être clairs et faciles à comprendre; ils doivent trouver un équilibre entre les coûts supplémentaires de mise en conformité pour les contribuables et les gains obtenus par les administrations fiscales; atteindre leurs objectifs avec efficacité; recenser précisément les montages qui font l’objet d’une déclaration; être suffisamment flexibles et dynamiques pour permettre à l’administration fiscale d’apporter au système les correctifs requis pour faire face aux nouveaux risques (ou exclure les risques devenus obsolètes) et garantir une utilisation efficace des informations obtenues.

Ces principes sont aussi au cœur des mémoires présentés au ministère des Finances et de diverses discussions auxquelles a participé le Comité mixte concernant les opérations à déclarer et les opérations à signaler.

À propos de la définition de l’expression « opération d’évitement », le ministère des Finances a précisé ce qui suit dans les notes explicatives concernant le dernier avis de motion de voies et moyens :

Les opérations commerciales normales qui ne posent pas de risque accru d’abus, en soi, ne devraient pas donner lieu à une obligation de déclaration en vertu de ces règles. On s’attend à ce que, au fil du temps, l’Agence du revenu du Canada fournisse des conseils administratifs pour aider les contribuables et les professionnels de l’impôt à appliquer ces règles, notamment en ce qui concerne l’identification des opérations d’évitement et des opérations à déclarer.

Une telle précision est bien sûr opportune, mais certaines questions pourraient ne pas se prêter à une solution de nature administrative. Dans le cadre des activités du Comité mixte et par d’autres voies, nous comptons discuter des questions qui nous préoccupent avec l’ARC et communiquer avec le ministère des Finances au besoin.

Nous résumons ci-dessous certains grands enjeux à prendre en compte dans le contexte de ces règles.

Opérations à déclarer : règles actuelles

En vertu des règles actuelles prévues à l’article 237.3 de la Loi de l’impôt sur le revenu, instaurées en 2010, pour déterminer si une opération doit être déclarée, il faut réaliser une analyse en deux étapes.

Premièrement, l’opération doit être une « opération d’évitement » au sens de la règle générale anti-évitement (RGAE). La définition englobe toute opération qui donnerait lieu, directement ou indirectement, à un avantage fiscal, sauf s’il est raisonnable de considérer que l’opération est principalement effectuée pour d’autres objectifs valables.

Deuxièmement, l’opération doit comporter au moins deux des trois caractéristiques principales suivantes, conçues pour relever certaines opérations d’évitement fiscal pouvant avoir un caractère abusif.

Honoraires – Cette caractéristique principale est présente si les honoraires liés à une opération d’évitement :

  • sont fonction du montant de l’avantage fiscal;
  • sont conditionnels à l’obtention d’un avantage fiscal (ou peuvent être réduits en fonction du défaut d’obtenir un avantage fiscal); ou
  • sont rattachés au nombre de personnes qui prennent part à l’opération.

Droit à la confidentialité – Cette caractéristique principale est présente si un conseiller obtient quoi que ce soit qui interdit de communiquer à une personne ou à l’ARC des détails de l’opération d’évitement.

Protection contractuelle – Cette caractéristique principale est présente si l’opération d’évitement :

  • comprend une assurance ou un autre moyen visant à protéger une personne contre tout défaut de l’opération (ou de la série d’opérations) de produire un avantage fiscal (sauf « l’assurance responsabilité professionnelle type »);
  • prévoit le paiement ou le remboursement de toute somme (dépense, frais, impôt, intérêts, pénalités, etc.) engagée dans le cadre d’un différend relatif à un avantage fiscal pouvant découler de l’opération.

Il semble que peu de déclarations aient été produites depuis l’instauration des règles actuelles et qu’il s’agirait d’une des principales raisons pour lesquelles le gouvernement élargit leur portée.

Modifications proposées concernant les opérations à déclarer

Les règles proposées auraient pour effet d’élargir la définition d’une opération d’évitement, qui désignerait ainsi toute opération (ou série d’opérations) pour laquelle il est raisonnable de conclure que l’obtention d’un avantage fiscal est l’un de ses principaux objets. L’étendue de cette définition est préoccupante, principalement parce qu’elle engloberait toute forme de planification fiscale, y compris les opérations courantes qui respectent largement l’esprit et la lettre de la Loi de l’impôt sur le revenu. Ainsi, en vertu de ces propositions, la constitution en société d’une entreprise individuelle, y compris l’exercice du choix prévu au paragraphe 85(1), serait une opération d’évitement.

Par ailleurs, selon les règles proposées, le nombre de caractéristiques principales qui déclenchent les obligations de déclaration sera réduit à une seule.

Comme un grand nombre d’opérations pourraient être visées par une définition révisée de la notion d’opération d’évitement, le Comité mixte s’est montré préoccupé du fait que l’obligation de déclaration soit principalement tributaire des caractéristiques principales. Pour les trois caractéristiques principales, il a relevé des problèmes faisant en sorte que des opérations commerciales légitimes, voire une planification fiscale ou des pratiques fiscales courantes, déclenchent l’obligation de déclaration. Dans un contexte où une seule caractéristique principale pourrait déclencher une obligation de divulgation, ces préoccupations s’aggravent.

Préoccupations du Comité mixte prises en compte dans le projet de loi C-47

Date d’entrée en vigueur – Selon les révisions proposées dans le projet de loi C-47, les règles sur les exigences en matière de déclaration et sur les pénalités s’appliquent aux opérations conclues après la sanction royale et non à compter du 1er janvier 2022.

Délai de déclaration raccourci – Dans le cas des opérations à déclarer, le délai de déclaration passe de 45 jours à 90 jours.

Pénalités relatives à la responsabilité solidaire – Le paragraphe 237.3(9), qui vise les opérations à déclarer, sera abrogé, compte tenu du fait que plus d’une personne peut être soumise à déclaration. Par conséquent, les contribuables et leurs conseillers ne seront pas assujettis à la responsabilité solidaire dans les cas où une autre partie omet de déclarer une opération.

Protection contractuelle – Bien que cette caractéristique principale demeure en grande partie Identique à celle qui figure dans les règles actuelles, une nouvelle exception a été ajoutée aux règles proposées : une protection contractuelle associée à une vente d’entreprise entre personnes sans lien de dépendance en sera exclue lorsqu’il est raisonnable de croire que l’assurance ou la protection est destinée à s’assurer que le prix d’achat payé en vertu de l’entente tient compte de tout passif de l’entreprise immédiatement avant la vente ou le transfert, et est obtenue principalement à des fins autres que l’obtention d’un avantage fiscal découlant de la transaction ou de la série. Par ailleurs, les règles excluent toujours l’assurance de responsabilité professionnelle type de la définition de « protection contractuelle ».

Honoraires – Les règles sur les opérations à déclarer ont été modifiées de sorte que les honoraires qui dépendent des avantages fiscaux découlant d’une demande de RS&DE présentée conformément au paragraphe 37(11) ne donnent pas lieu à une obligation de déclaration au titre de la caractéristique principale liée aux honoraires. De plus, bien qu’aucune modification législative n’ait été proposée, les notes explicatives précisent que les « ententes de rémunération » et d’autres pratiques de facturation semblables ne devraient généralement pas donner lieu à une obligation de déclaration au titre de cette caractéristique principale. Des précisions figurent dans les notes explicatives.

Principales préoccupations soulevées par le Comité mixte qui demeurent d’actualité

Absence d’un seuil de signification – Les propositions ne comprennent pas de seuil de signification concernant le montant de l’avantage fiscal ou les montants des honoraires pour l’application de la caractéristique principale.

Définition du terme « conseiller » – La définition du terme « conseiller » demeure large – elle englobe notamment toute personne qui fournit toute forme d’assistance ou de conseil concernant la création, l’élaboration, la planification, l’organisation ou la mise en œuvre de l’opération ou de la série d’opérations. Les fiscalistes qui effectuent par la suite des travaux liés à l’observation fiscale tels que la préparation de déclarations de revenus ne semblent pas en faire partie. Toutefois, le facteur principal consistera à déterminer si de l’aide ou des conseils ont également été fournis au moment où les opérations ont été conclues. Il est important d’en tenir compte étant donné l’abrogation, dans les dernières propositions, du paragraphe 237.3(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui, lorsqu’une personne produit une déclaration de renseignements, dispense les autres personnes d’en produire une. Ainsi, chaque conseiller assujetti à l’obligation de déclaration devra s’en acquitter.

Pour déterminer si un conseiller a l’obligation de déclarer une opération, il convient de consulter l’alinéa 237.3(2)c). En vertu de cet alinéa (qui n’a pas été modifié), une telle obligation existe si les honoraires du conseiller répondent aux conditions de la caractéristique principale liée aux honoraires ou à la protection contractuelle. S’ils ne répondent pas à ces conditions, le conseiller ne sera pas assujetti à l’obligation de déclaration même lorsque le contribuable le sera. Cette règle contribuera également à atténuer une autre préoccupation que certains avaient soulevée quant à savoir si des employés allaient avoir une obligation de déclaration lorsqu’ils fournissent de l’aide ou des conseils relativement à une opération à déclarer.

Opérations à signaler

Dans le budget fédéral de 2021, le gouvernement a introduit la notion d’« opérations à signaler ». Les propositions législatives qui s’y rapportent comprennent plusieurs notions semblables aux règles applicables aux opérations à déclarer; il est proposé de reprendre de façon générale, à l’article 237.4, des règles et des définitions applicables semblables. Par exemple, les définitions de « conseiller » sont semblables dans les deux cas, tout comme les dates de production des renseignements exigés.

Une opération à signaler est définie comme une opération identique ou sensiblement semblable à une opération désignée par le ministre en vertu d’un autre paragraphe du même article ou une opération qui fait partie d’une série d’opérations identique ou sensiblement semblable à une opération ainsi désignée par le ministre.

Une opération ou une série d’opérations est « sensiblement semblable » à une opération ou à une série d’opérations désignée si les deux conditions suivantes s’appliquent :

  • l’opération ou la série d’opérations donne lieu à l’obtention d’un « attribut fiscal » identique ou semblable;
  • l’opération ou la série d’opérations est soit apparentée sur le plan des faits, soit fondée sur une stratégie fiscale identique ou semblable.

Aux termes des propositions législatives, le terme « sensiblement semblable » s’interprète au sens large en faveur de la divulgation.

C’est le ministre du Revenu national qui désignera, avec l’accord de la ministre des Finances, une opération en tant qu’une opération à signaler. Dans un document d’information accompagnant les propositions législatives initiales, on présente six exemples d’opérations à signaler. Un exemple a trait à la manipulation du statut de société privée sous contrôle canadien, qui était également visée par des modifications ciblées dans le budget 2022 (voir la publication de CPA Canada intitulée Mesures fiscales du budget fédéral 2022). Il est question, à ce propos, d’« exemples d’opérations à signaler », mais il n’est pas précisé quelles seront les opérations désignées une fois les règles adoptées.

Dans le régime des règles définitives proposées, certains enjeux présentés ci-dessus concernant les opérations à déclarer s’appliquaient également aux propositions relatives aux opérations à signaler, et le ministère des Finances a tenu compte de ces préoccupations (notamment quant à la date d’entrée en vigueur, au délai de déclaration et à la responsabilité solidaire). D’autres préoccupations demeurent, notamment l’absence d’un seuil de signification et l’étendue de la définition du terme « conseiller » (des dispositions d’allègement des pénalités ont cependant été ajoutées).

Le projet de loi C-47 a notamment permis d’écarter une préoccupation à l’égard des opérations à signaler, plus précisément en ce qui a trait au niveau de connaissance des conseillers auxiliaires qui fournissent de l’aide, mais qui ne participent pas à la structuration de l’ensemble de l’opération ou de la série. L’exclusion applicable au secteur financier prévue dans l’avant-projet de loi d’août 2022 a été remplacée par une exclusion plus vaste qui englobera les conseillers et d’autres personnes. Aux termes du projet de loi C-47, une personne ne sera pas tenue de déclarer une opération à signaler, sauf lorsqu’elle sait, ou « aurait vraisemblablement dû savoir », que l’opération était une opération à signaler. Par ailleurs, le contribuable ou les personnes qui effectuent une opération (ou une série d’opérations) en son nom ne seront pas tenus de produire une déclaration s’ils ont exercé le degré de soin, de diligence et d’habileté nécessaire pour déterminer si une opération est une opération à signaler qu’une personne raisonnablement prudente aurait exercés dans des circonstances comparables.

Préoccupations non résolues du Comité mixte à propos des opérations à signaler

Processus de désignation des opérations – Le Comité mixte demande l’établissement d’un processus clairement défini pour l’ajout d’opérations désignées à une liste (au-delà de la publication de mises à jour du site de l’ARC) et la suppression de celles qui ne sont plus pertinentes. L’ajout d’une nouvelle opération doit être annoncé suffisamment à l’avance pour que les contribuables puissent se conformer à la règle.

Opérations procurant des avantages récurrents – Certaines opérations peuvent procurer des avantages au cours de plus d’une année d’imposition. Le processus de déclaration devrait réduire au minimum les obligations de production multiples à l’égard des mêmes informations.

Indications pratiques – Le renvoi à des opérations qui sont « sensiblement semblables » peut prêter à confusion. L’ARC devrait, dans la mesure du possible, fournir des indications à ce sujet, comme elle l’a fait pour la disposition générale anti-évitement dans la circulaire d’information IC88-2.

Séries d’opérations – L’application des règles à une série d’opérations s’avère compliquée parce qu’il n’est pas toujours clair dès le début si l’obligation de déclaration s’appliquera. Il est aussi possible que les opérations soient désignées comme étant des opérations à signaler après que la série a commencé. Selon la suggestion du Comité mixte, le moment où l’avantage fiscal est réalisé serait un meilleur élément déclencheur de l’obligation de déclaration.

Traitements fiscaux incertains

Le troisième élément des modifications proposées toucherait les sociétés qui ont déclaré des traitements fiscaux incertains dans leurs états financiers. Ces propositions s’appliqueraient à une « société déclarante », définie comme une société qui :

  • a établi des « états financiers pertinents » (essentiellement des états financiers audités de la société ou du groupe consolidé);
  • possède des actifs dont la valeur comptable totale se chiffre à 50 millions de dollars ou plus à la fin de l’année;
  • est tenue de produire une déclaration de revenus pour l’année conformément à l’article 150 de la Loi de l’impôt sur le revenu.

Les sociétés privées seraient assujetties aux règles si elles répondent à ces critères et si leurs états financiers sont préparés conformément aux IFRS.

Un traitement fiscal incertain est un traitement fiscal qu’on utilise, ou qu’on prévoit utiliser, dans les déclarations de revenus d’une société lorsqu’il y a une incertitude quant au fait de savoir si ce traitement fiscal sera accepté comme étant conforme à la législation fiscale et que cette incertitude se reflète dans les états financiers audités de la société (ou de son groupe) pour l’exercice.

Une société touchée serait tenue de produire les renseignements prescrits concernant chacun de ses traitements fiscaux incertains pour les années d’imposition commençant après 2022. (Comme nous l’avons mentionné, toutefois, les pénalités ne s’appliqueraient pas aux années d’imposition commençant avant l’adoption de la loi.)

Principales préoccupations toujours d’actualité concernant les traitements fiscaux incertains

Dans son mémoire soumis au gouvernement concernant ces règles, CPA Canada a présenté les grandes préoccupations qu’elle avait exposées à la Cour d’appel fédérale à titre d’intervenante dans l’affaire BP Canada. Cette affaire portait sur le droit de l’ARC de demander aux contribuables de lui fournir leurs documents de travail sur l’impôt couru (2017 CAF 61; il en a été question dans l’un de nos précédents billets). Le fait de donner à l’Agence accès, sans mesures de sauvegarde, aux avis subjectifs sur les risques fiscaux pourrait décourager les sociétés de préparer de telles analyses par crainte d’être tenues de les communiquer.

Dans le contexte de leurs obligations en matière d’information financière, il est essentiel que les sociétés communiquent l’ensemble de leurs risques fiscaux à leurs auditeurs externes pour permettre à ces derniers de s’acquitter de leurs responsabilités dans l’intérêt du public canadien.

Quant aux représentants du ministère des Finances, il serait préférable, comme nous l’avons fait valoir dans l’affaire BP Canada, qu’ils puissent exiger que les contribuables leur communiquent leurs opérations significatives, mais pas des évaluations subjectives des risques. Nous avons recommandé que, sinon, il devrait être clairement précisé dans les propositions législatives que les sociétés déclarantes :

  • peuvent satisfaire aux exigences de déclaration relatives aux traitements fiscaux incertains en ne fournissant que des renseignements factuels;
  • ne sont pas tenues de fournir des renseignements subjectifs en matière fiscale autres que l’identification de chaque traitement fiscal incertain.

Dans le cadre de nos travaux sur ces questions, nous avons formé un groupe de membres dont nous avons recueilli les commentaires. Parmi les préoccupations techniques qu’ils ont relevées et qui demeurent d’actualité, mentionnons les suivantes :

Incertitude quant à la portée – Comme des questions ont été soulevées concernant la portée des règles, nous avons suggéré plusieurs moyens de clarifier la définition d’un « traitement fiscal incertain à déclarer ». Par exemple, nous avons recommandé de préciser dans les règles qu’elles établissent l’obligation de déclarer des enjeux fiscaux canadiens uniquement lorsque l’incertitude connexe est reflétée dans les états financiers pertinents.

Absence d’un seuil de minimis – Dans notre mémoire, nous avons souligné que des règles semblables adoptées au Royaume-Uni et en Australie comprenaient un seuil de minimis, ce qui permet d’éviter qu’il soit nécessaire de déclarer des traitements fiscaux incertains sans importance dans les états financiers. L’ajout d’une telle règle au régime canadien permettrait d’alléger le fardeau d’observation et de réduire autant que possible les préoccupations à l’égard de l’information financière.

Pas de déclaration d’enjeux connus – L’ARC aura déjà connaissance de certains traitements fiscaux incertains, par exemple de ceux qui font l’objet d’une objection ou d’un appel. Les propositions devraient être révisées conformément à l’approche générale de la communication unique de l’ARC (« une fois suffit »). L’obligation de communiquer les mêmes renseignements plus d’une fois de différentes manières est inefficace et coûteuse.

Nous avons aussi soulevé des préoccupations concernant des questions comme les déclarations produites en monnaie fonctionnelle, des incohérences concernant les années d’imposition écourtées, les traitements fiscaux incertains dont l’incidence est compensée dans les états financiers consolidés et l’obligation de produire plusieurs déclarations dans le cas de traitements fiscaux incertains qui concernent plus d’une année d’imposition.

Nous avons par ailleurs recommandé que, comme les pénalités, ces nouvelles règles ne s’appliquent aucunement aux années d’imposition qui commencent avant que le projet de loi ne reçoive la sanction royale.

Enfin, un examen des trois éléments contenus dans les règles permet de constater qu’un même enjeu pourrait déclencher une exigence de déclaration aux termes de plus d’un élément. Conformément au principe selon lequel « une fois suffit », une règle devrait être ajoutée pour déterminer laquelle des exigences a préséance à ce titre.

Suivez l’évolution du dossier

Maintenant que les nouvelles règles ont été introduites dans leur forme semble-t-il définitive, nous communiquerons à l’ARC nos préoccupations et nos questions à leur sujet. Pour prendre connaissance des informations que nous aurons obtenues, lisez notre page Nouvelles récentes sur la fiscalité.

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Avertissement

Les opinions et les points de vue exprimés dans cet article sont ceux de l’auteur et ne représentent pas nécessairement ceux de CPA Canada.