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Chrystia Freeland
Articles de fond
Magazine Pivot

Les questions essentielles à poser avant l’adoption de nouvelles mesures fiscales

Bruce Ball, FCPA, vice-président, Fiscalité, à CPA Canada, présente les trois principales questions à considérer avant une modification de la législation fiscale.

Chrystia Freeland est représentée assise devant des drapeaux canadiens.Dans le cadre de analyses prévues, il faudra vérifier si les modifications envisagées mettent en équilibre efficacité et complexité. (Getty)

Devant le déferlement de la pandémie, à l’ère des confinements, le fédéral a dû se hâter. Pour soutenir particuliers et entreprises, il a fallu accélérer la démarche législative, quitte à sauter des étapes. Et Ottawa entend désormais mettre en œuvre les mesures fiscales de son programme élargi, pour tenir ses promesses électorales et budgétaires.

Ces nombreuses modifications, en chantier, seront-elles toutes analysées en profondeur? S’agit-il du meilleur moyen d’atteindre l’objectif fixé?

Chose certaine, le gouvernement peut choisir de mieux légiférer, en analysant toute initiative fiscale à la lumière de trois questions préalables :

  1. La modification est-elle nécessaire? Permettra-t-elle de réaliser l’objectif avec simplicité, clarté et efficience?
  2. Les parties prenantes ont-elles été suffisamment consultées pour cerner les problèmes potentiels?
  3. A-t-on pensé aux difficultés de mise en œuvre? Les résultats attendus en théorie se concrétiseront-ils?

Pour que les modifications soient valables d’emblée, le gouvernement aurait avantage à tenir compte de ces questions dans l’ensemble du cycle législatif, de la conception à la mise en œuvre, et au-delà.

Définir l’objectif, explorer les pistes

Au stade de la conception, il faut définir l’objectif de la politique. Par exemple, on pourra vouloir favoriser l’utilisation de processus et de matériel moins polluants, afin de limiter les retombées environnementales indésirables.

La prochaine étape consistera à vérifier si une initiative ou un encouragement fiscal constitue effectivement le meilleur moyen d’atteindre le résultat voulu. Soulignons que par le passé, les décideurs du Canada privilégiaient le recours au système fiscal plutôt que les dépenses directes et les subventions, entre autres.

Analyser les idées

Si une modification fiscale s’avère justifiée, toutes les propositions doivent être examinées avec objectivité, du point de vue conceptuel et pratique, pour dégager la plus prometteuse. De fait, une idée sensée sur le plan théorique mais difficile à mettre en œuvre a peu de chances de porter ses fruits.

Conjuguer efficacité et complexité

Dans le cadre de l’analyse, il s’agira de vérifier si la modification envisagée met en équilibre l’efficacité et la complexité. Il arrive qu’une règle soit conçue pour décourager certains comportements en général ou pour empêcher les contribuables de profiter indûment d’une modification fiscale élargie et avantageuse.

Ces situations impliquent souvent un compromis : si tout est fait pour assurer l’intégrité d’une règle, celle-ci peut devenir trop complexe à analyser et à appliquer, d’où un effet dissuasif sur certains contribuables, qui pourraient décider de ne pas l’observer. Et d’autres, pourtant disposés à s’y conformer, n’y parviendront pas. La règle n’aura donc pas eu les retombées escomptées.

Prévenir les effets inattendus

Soulignons que des règles de portée générale peuvent s’appliquer inopinément à certains contribuables ou situations, indépendamment de la volonté du législateur. Les décideurs doivent être à l’affût de ce genre de répercussions imprévues, pour évaluer avec soin toute nouvelle disposition qui a pour but d’éviter certains résultats ou qui alourdit les obligations d’information fiscale.

Il arrive aussi que les administrations fiscales soient aux prises avec des incidences inattendues, corollaire d’un élargissement des règles. Ainsi, chaque fois qu’une nouvelle règle vient complexifier le système fiscal, l’objectif d’automatisation de la production des déclarations des Canadiens vulnérables devient moins réalisable.

Éviter les gains fortuits

Dans la création d’incitatifs fiscaux censés encourager certains comportements ou investissements, le gouvernement doit s’abstenir d’offrir aux contribuables des gains fortuits en leur accordant des économies d’impôt pour un choix qu’ils auraient fait de toute manière.

Concilier complexité et impôts escomptés

Autre interrogation, la complexité qu’ajouterait la modification envisagée est-elle judicieuse, compte tenu des impôts qu’on espère percevoir? Par exemple, la taxe de luxe et la taxe sur les biens immobi­liers sous-utilisés proposées par le gouvernement en 2021 complexifient les choses sans que les recettes prévues le justifient. De quoi remettre en question leur adoption, vu les coûts d’observation et les autres considérations d’ordre financier.

Consulter en amont et en aval

Au Canada, la période de consultation sur les dispositions législatives fiscales proposées est habituellement définie, ce qui permet de détecter des incohérences dans le libellé et de faire le point sur les répercussions pratiques. D’autres consultations devraient aussi avoir lieu :

  • dès la conception – une fois l’avant-projet de loi publié, il peut être trop tard pour discuter des autres possibilités;
  • après la mise en œuvre – les contribuables auront ainsi l’occasion de renseigner les autorités sur les guides et autres outils qui pourraient les aider à se conformer aux modifications, sur les informations nécessaires pour la production et sur le temps requis pour préparer leurs systèmes.

Il faut souvent du temps pour dégager tous les enjeux et les incidences potentielles; il est donc crucial d’en prévoir assez pour ces consultations.

Assurer le suivi après la mise en œuvre

Enfin, les mesures fiscales mises en œuvre doivent être régulièrement passées en revue. Les objectifs sont-ils atteints avec efficacité et efficience, à moindres frais?

Évidemment, la conception et l’adoption d’une nouvelle méthode d’élaboration des politiques fiscales impliqueraient des coûts et des perturbations, et pourraient même freiner la réalisation des projets du gouvernement à court terme. Toutefois, à long terme, le système fiscal bénéficierait d’un cadre repensé, axé sur des consultations d’envergure pour élaborer et adopter toute nouvelle mesure législative.

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