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Une allumette avec de l'eau est représentée sur la couverture du livre : Le Pouvoir de la Pensée Flexible
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Magazine Pivot

Apprendre à voir les choses avec un œil neuf

Dans un monde en constant changement, adopter une pensée flexible doit devenir un réflexe, explique Adam Grant dans son dernier livre.

Une allumette avec de l'eau est représentée sur la couverture du livre : Le Pouvoir de la Pensée FlexibleTrop souvent, explique Adam Grant, nous recherchons les points de vue qui nous réconfortent, plutôt que les idées qui nous obligent à réfléchir vraiment.

Personne n’aime avoir tort, ni devoir admettre une certaine paresse intellectuelle dans sa façon de penser. Et pourtant, nous sommes tous exposés à ces failles, à lire le plus récent livre d’Adam Grant, Le Pouvoir de la pensée flexible (Les Éditions de l’Homme).

Le psychologue et professeur à la Wharton School de l’Université de la Pennsylvanie ne mâche pas ses mots : à l’inconfort du doute, nous préférons le confort des convictions et privilégions souvent le sentiment d’avoir raison par rapport au fait d’avoir raison. « Nous recherchons les points de vue qui nous réconfortent, plutôt que les idées qui nous obligent à réfléchir vraiment. » Et il fournit des tas d’exemples où, par paresse cognitive, automatisme ou peur, nous nous en tenons à ce qui nous est familier, peu importe que ce soit juste ou non. Comme le soutient le personnage de George Costanza dans la série Seinfeld : « Ce n’est pas un mensonge si vous y croyez! »

Voir les choses autrement ne requiert pourtant aucune compétence spéciale, ni même de l’ingéniosité, cela exige juste de « penser comme un scientifique », soit d’améliorer son ouverture d’esprit et de faire preuve d’humilité. Ainsi, les étudiants enclins à revoir leurs réponses lors d’un examen ont souvent de meilleurs résultats que ceux ne se relisant pas. « Ce n’est pas tant le fait de modifier votre réponse qui améliore votre note que le fait de vous demander si vous devriez la modifier. »

En damant le pion à notre « dictateur intérieur, qui éloigne toute information menaçante », on déjoue de nombreux biais. « Apprendre à tester ses idées, se questionner et accepter certaines contradictions sont des moyens pour se diriger vers la réussite, atteindre la sagesse et l’excellence », a remarqué Grant. Il faut chercher des informations contraires à nos idées et exploiter le bénéfice du doute.

CONVERTIR LES AUTRES

Si on est capable d’un tel changement, on convaincra plus facilement les autres de nous emboîter le pas, en leur posant des questions ouvertes ou grâce à l’écoute réflective. C’est ce que permet l’entretien motivationnel par exemple, mis au point au début des années 1980 par Bill Miller, psychologue clinicien, et ses collègues.

L’idée? « On convainc rarement quelqu’un de changer, a constaté Grant. Il vaut mieux l’aider à trouver ses propres motivations qui le conduiront au changement. » D’ailleurs, le chapitre « Celui qui murmurait à l’oreille des antivax » porte sur Arnaud Gagneur, néonatologiste et chercheur au Centre hospitalier de l’Université de Sherbrooke qui a implanté la technique dans son milieu de travail et, ce faisant, amené des personnes récalcitrantes à se faire vacciner contre la rougeole. « Celui qui ignore un conseil n’est pas nécessairement en désaccord, souligne l’auteur. Il peut résister à la pression et au sentiment qu’un autre contrôle sa décision. »

Voilà pourquoi il ne faut pas craindre le conflit constructif, mais chercher des conversations plus nuancées, où les émotions, loin de se résumer à la frustration et à l’indignation, relèvent de la curiosité, voire de la confusion ou de l’ambivalence.

Le désaccord auquel nous invite Grant doit être une danse et non pas un combat, car nous avons plus en commun que nous ne le pensons. Ainsi, ce n’est qu’en dépolarisant le débat lors des conversations polémiques et en établissant une sécurité psychologique où le statu quo peut être remis en cause, sans crainte de représailles, qu’on créera une culture de l’apprentissage au travail.

REVOIR LE MODÈLE

Pour les organisations, penser autrement ensemble est capital. Le psychologue cite en exemple Pixar, qui s’est illustrée avec des films à succès comme Les Indestructibles, projet pourtant jugé irréalisable au départ par certains, alors qu’à l’opposé, BlackBerry, leader dans son domaine, a mis des années à revenir sur le devant de la scène. Hélas, on s’en tient trop souvent à une seule voie, qui peut nous mener vers la mauvaise destination.

« Quand nous sommes impliqués dans un projet qui ne se déroule pas comme prévu, d’instinct, plutôt que de le remettre en cause, nous mettons les bouchées doubles. » Mais au-delà des coûts irrécupérables qui poussent certains à persévérer, se cachent des raisons essentiellement psychologiques et non économiques. « En tant que créature rationnelle, nous cherchons constamment à justifier nos croyances antérieures afin de soigner notre ego, protéger notre image et valider nos décisions passées. » Pourtant, une bonne décision prise l’année précédente peut s’avérer mauvaise l’année suivante.

Voilà pourquoi il faut en finir avec les bonnes pratiques, si normatives, et privilégier les meilleures pratiques, qui nous incitent à nous fixer des objectifs plus audacieux et à nous donner les moyens de les atteindre, en faisant fi des œillères qui occultent les autres possibilités.

Fourmillant d’histoires enlevantes tirées de toutes sortes de domaines, Le Pouvoir de la pensée flexible illustre avec brio que nous avons tous intérêt, individuellement et collectivement, à apprendre… à désapprendre. 

BONNES FEUILLES

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