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Couverture du livre de Jules Zimmermann Dans La Baignoire D'Archimede
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Prendre le temps d’explorer sa créativité

Faut-il être un génie pour avoir de bonnes idées? Loin de là.

Couverture du livre de Jules Zimmermann Dans La Baignoire D'ArchimedeÊtre créatif, ce n’est pas simplement être original, et raconter tout et n’importe quoi; c’est produire du nouveau, comme un comptable qui invente de nouveaux outils de gestion pour être plus efficace, explique Jules Zimmermann. (Tous droits réservés)

Vous considérez-vous comme une personne créative? Peut-être pas. Pourtant, à lire (Dans) La baignoire d’Archimède (Les Éditions Arkhê, 2021), nous pourrions tous l’être davantage. 

Bien sûr, certains font preuve d’une créativité débridée, comme Léonard de Vinci, Thomas Edison ou Steve Jobs, mais celle-ci n’a rien d’un don. Au contraire, soutient Jules Zimmermann, enseignant et conférencier en créativité, c’est une compétence qu’on peut (et qu’on devrait) développer au quotidien.

Être créatif, insiste l’auteur, « ce n’est pas simplement être original, et raconter tout et n’importe quoi; c’est produire du nouveau, mais avec certains objectifs en tête ». À l’instar d’un vendeur, d’un enseignant ou d’un pâtissier, « un comptable invente de nouveaux outils de gestion pour être plus efficace ».

À la fois léger et bien documenté, (Dans) La baignoire d’Archimède fournit de nombreux conseils. Par exemple, on y explique que, face à un problème, on doit explorer le « comment on peut faire » plutôt que le « comment on doit faire ». Autrement dit, comment accorder plus d’attention et de crédit aux idées les plus surprenantes, sans s’arrêter aux idées « coup de cœur » ou aux idées les plus évidentes, souvent intuitives. Ou comment reformuler, voire décomposer une question, en n’hésitant pas à jouer avec les mots, pour s’assurer d’en saisir toutes les implications. Car très souvent, a constaté Zimmermann, nous n’identifions pas adéquatement le problème à résoudre. Par ailleurs, plutôt que de se focaliser sur l'objectif visé, il suggère de mieux prendre en compte les ressources dont on dispose – comme on déciderait de ce qu’on va cuisiner après avoir examiné le contenu du réfrigérateur.

LE CONFORMISME, UN FREIN MAJEUR

Bref, les idées abondent autant que les pièges nous guettent. « La société a basculé dans une recherche permanente de simplicité. Or, la créativité naît aussi de la frustration, du temps long et de la confrontation à la difficulté. »

Les organisations l’ont compris et soumettent régulièrement leurs employés à des séances de remue-méninges, même si l’exercice n’est « adapté qu’aux problématiques simples, pour lesquelles on veut trouver des idées rapidement et en quantité ». De plus, rappelle Zimmermann, « créer un climat de confiance quand l’entreprise n’en a pas la culture est voué à l’échec ».

Il faudrait pouvoir « suspendre son jugement », or, martèle l’auteur, « la règle a été déformée et souvent toute évaluation ou critique semble aujourd’hui impossible ». Ne pas se donner le droit de débattre « aboutit presque systématiquement à un consensus mou : on prend un peu de ce que propose chacun pour ne blesser personne. Cela donne des idées à la fois peu audacieuses et guère réalistes ».

À preuve, les « hackathons » (marathons de programmation), en vogue, où on accorde une confiance absolue aux étudiants. « Mais avec un temps limité, sur un sujet qu’ils connaissent mal et sans formation aux techniques de base de la créativité, ceux-ci ont beaucoup de mal à échapper à l’effet de fixation » (soit les barrières qu’on se fixe inconsciemment). Zimmermann déplore aussi que le système scolaire, de façon générale, privilégie la mémorisation de connaissances plutôt que la compréhension, et valorise plus l’obéissance et le conformisme que la curiosité et l’indépendance. Conséquence : de nombreux adultes se sentent incapables de créativité, n’ayant pas développé cette compétence dans leur jeunesse.

UN ESPRIT OUVERT ET CRITIQUE

Pourtant, l’esprit critique est désormais une compétence vitale. « Puisque les intelligences artificielles excellent dans la reproduction de raisonnements routiniers, c’est dans notre capacité à imaginer et produire du nouveau que nous nous distinguons en tant qu’êtres humains. » 

En un siècle, notre temps éveillé non travaillé a été multiplié par quatre, explique Zimmermann, mais tout est toujours pour hier, et notre téléphone intelligent capte toute notre attention, ce qui « nous prive de notre incubation créative », de « ces moments de vagabondage mental qui donnent naissance à des connexions inattendues ».

Oui, les meilleures idées surgissent parfois quand on ne fait rien, ou si peu : « courir, faire du vélo, mais aussi faire la vaisselle, trier ses affaires, repasser son linge ». Les connexions se font au hasard, mais on peut aussi les forcer, pourvu qu’on donne à notre esprit le temps de s’évader

Depuis que la créativité est devenue une compétence générale louangée par les gourous du développement personnel, la pression sur les individus a augmenté. « S’agit-il donc de pouvoir ou de devoir devenir créatif? » Là encore, « le risque est de reporter sur l’individu la responsabilité de problèmes qui découlent surtout d’un cadre de travail bancal. Certaines organisations peinent aujourd’hui à se renouveler et rejettent la responsabilité de ce manque de créativité sur leurs forces vives ». Un constat qui n’a rien d’original.

[Essayez ici deux tests proposés par l’auteur dans son livre.]

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