Passer au contenu principal
Une illustration montre des céréales colorées s'échappant d'une boîte aux lettres
Articles de fond
Magazine Pivot

Comment expliquer la popularité des services par abonnement au Canada?

Des céréales pour le déjeuner proposées par Magic Spoon à l’offre de géants comme Netflix, les services par abonnement sont-ils promis à un bel avenir?

Une illustration montre des céréales colorées s'échappant d'une boîte aux lettresLes services d'abonnement, qu’ils concernent des repas prêts à cuisiner ou des échantillons de produits de beauté, ont connu un essor considérable pendant la pandémie. (Illustration Dan Parsons)

En 2014, Gabi Lewis et Gregory Sewitz décident de créer une collation pour le moins inusitée : des grillons enrobés de chocolat. Une friandise (oui, tout à fait!) pleine de protéines. Quatre ans passent, et les deux associés vendent l’entreprise, pour jeter leur dévolu sur une denrée moins déroutante, les céréales.

C’est ainsi que naît Magic Spoon en 2019. Sa mission? Expédier aux gourmands d’Amérique du Nord, en livraison directe, des versions santé des céréales sucrées dont raffolent les enfants. Son chiffre d’affaires a dépassé les 4 M$ US dès la première année.

Après tout un battage publicitaire (les annonces se multipliaient sur diverses plateformes en ligne), Magic Spoon s’est hissée en tête d’un créneau en pleine expansion, les services de livraison directe de céréales. Elle fait concurrence aux collations HighKey, que codirige un cadre ayant travaillé pour General Mills, et à une nouvelle venue torontoise, Cereal Box Club.

Depuis l’été 2020, Cereal Box Club expédie à ses abonnés un colis par mois. Elle leur envoie une boîte de céréales difficiles à trouver (Apple Jacks au caramel, Star Wars Puffs, Birthday Cake Cookie Crisp) et quelques gâteries (Skittles Dips, Jolly Rancher Gummies, bouchées Pop Tarts). Comme bon nombre de ses concurrentes, l’entreprise a connu un essor fulgurant, à l’ère des confinements. On l’aura compris, pour les cybercommerçants en tout genre, la pandémie a pris figure de véritable tremplin. 

Une étude menée par la plateforme Zuora montre une progression de 400 % sur 10 ans de l’économie de l’abonnement, qui englobe Amazon Prime et les diffuseurs de contenu comme Netflix. Le cabinet-conseil McKinsey évalue à 15 % la part des acheteurs en ligne inscrits à au moins l’un de ces services. Quand on prévoit que 2,14 milliards de consommateurs auront pris le virage numérique d’ici la fin de 2021, le créneau des abonnés pèse lourd.

En clair, l’irruption de la COVID a ouvert une voie royale à un modèle novateur. Pourtant, comme il l’a confié au magazine Fast Company pendant le confinement de 2020, Gabi Lewis, de Magic Spoon, reste prudent : « Tout pourrait changer. Mais les clients ont pris l’habitude de faire leurs commissions en ligne et ils n’arrêteront pas du jour au lendemain. »

D’ailleurs, malgré la multiplication des livraisons avec paiement automatisé (rasoirs, produits de beauté, café à moudre, repas prêts à cuisiner et friandises insolites), certains analystes doutent que la croissance en flèche se poursuive une fois le chapitre de la pandémie terminé. « Fréquenter un commerce sur place, c’est revenir au réel, on touche, on goûte, on sent, et le virtuel n’est pas à la hauteur », constate David Soberman, professeur de marketing à la Rotman School of Management de l’Université de Toronto. 

Les chercheurs citent quantité de raisons qui poussent les entreprises à se lancer dans l’abonnement : prévisibilité des ventes, hausse des dépenses moyennes par consommateur (qui montent de 30 à 40 %, par rapport aux non-abonnés), collecte de données pour combler les clients juste à temps et les fidéliser. D’après McKinsey, la clientèle est séduite par les tarifs avantageux, la qualité, l’originalité et l’éventail de choix. Sans oublier, bien entendu, la commodité.

Et que dire des grands détaillants, eux qui ont pignon sur rue? En dépit des atouts escomptés, leurs programmes d’abonnement périclitent. Le géant Gap a tiré sa révérence à peine un an après s’être lancé dans l’aventure en 2017, et la boîte beauté trimestrielle de Walmart n’a pas fait l’unanimité. « Les livraisons de produits haut de gamme difficiles à trouver finiront par s’imposer; les consommateurs y prennent goût », analyse David Soberman. Nouveauté et exclusivité sont les atouts : café de première qualité, produits de beauté spécialisés, gâteries artisanales pour les chiens, céréales introuvables, voilà comment fidéliser certains acheteurs occasionnels.

Une autre catégorie de services par abonnement progresse : le sur-mesure, offert dans le confort du foyer. L’explosion de l’offre dans le prêt-à-cuisiner en fait foi. La montréalaise Goodfood s’est classée au palmarès 2021 des entreprises en croissance exponentielle (catégorie Amériques) que dresse le Financial Times. Elle propose au consommateur de préparer des repas sains chez lui, et lui livre tous les ingrédients voulus. « On a envie de jouer au chef cuisinier. Tout un contraste avec la culture des années 1960, quand on ne jurait que par le prêt-à-servir. »

Seul inconvénient des abonnements, il faut redoubler de vigilance. « À la fruiterie, on sent le melon pour voir s’il est mûr, on réfléchit. Et quand on se retrouve abonné à droite et à gauche, il faut assurer des suivis, préparer les aliments à mesure, et garder un œil sur ses relevés de compte. »

Comme tout est payé par mensualités, le consommateur risque de se retrouver avec des produits et services dont il ne veut même plus. « Tant qu’on consomme à mesure, que le taux de réapprovisionnement suit, tout est pour le mieux », poursuit David Soberman. Autrement, la tarification progressive donne une marge de manœuvre, si les besoins et le budget fluctuent.

Certains se désabonnent et invoquent le manque de valeur perçue, révèle McKinsey. Une décision irrévocable. À peine 11 % reviennent après s’être désinscrits.

Les fournisseurs par abonnement négligent parfois de clarifier les modalités et le consentement, et l’erreur ne pardonne pas. Le site de mode JustFab (renommé TechStyle), qui offrait la gamme sport et loisir Fabletics de Kate Hudson et la marque ShoeDazzle, défendue par Kim Kardashian, s’est attiré des centaines de plaintes. Les abonnées découvraient qu’on les avait inscrites au programme VIP le jour où elles recevaient la facture. D’autres détaillants, qui ont pris soin de compliquer l’annulation, tel Amazon Prime (il faut parcourir six pages Web successives pour se désinscrire), ont été montrés du doigt. Certains y ont vu une « tentative délibérée d’embrouiller et de contrarier les clients ».

Bref, les services sur abonnement ont la cote, mais les détaillants ont compris que les clients s’attendent à de la transparence. Comme le fait remarquer David Soberman, ils ne sont pas nés de la dernière pluie. « L’assiduité et la fidélité se méritent. »

INNOVATION EN ACTION

Découvrez l’entreprise canadienne de livraison dont le revenu a augmenté de 297 % au cours des trois dernières années, quelle chaîne de magasins a rendu ludique l’expérience d’achat et pourquoi une application de gestion des files d’attente révolutionne l’expérience client.