Passer au contenu principal
Une illustration montre cinq acheteurs se battant pour une variété d'articles avec de la poussière en arrière-plan
Articles de fond
Magazine Pivot

Krazy Binz : entre une visite chez Dollarama et une course folle filmée en téléréalité

Des points de vente en vrac offrent le plaisir de dénicher des aubaines sous une forme qui rappelle les courses au trésor. C’est ludique à prix modique, une combinaison idéale!

Une illustration montre cinq acheteurs se battant pour une variété d'articles avec de la poussière en arrière-planMousa et Mo Tarabieh s’inspirent d’un modèle américain novateur qui consiste à faire la queue pour dénicher des rabais mystères. (Kagan McLeod)

Le soleil est à peine levé que la foule impatiente s’entasse déjà devant le centre de liquidation Krazy Binz, en cette chaude matinée de printemps à Edmonton. Plus précisément, à Alberta Park, quartier industriel sans histoires. Mais aujourd’hui, des centaines de consommateurs fébriles s’alignent en une queue interminable, comme autant d’ados agités en quête d’un précieux billet pour un spectacle de Taylor Swift.

9 heures pile. La sirène retentit. La première cohorte fonce, tête baissée. Dans le strict créneau qui lui a été attribué sur réservation, chacun dispose de 30 minutes pour débusquer des trouvailles dans de grands bacs en bois rudimentaires où s’empilent des masses d’objets disparates. « C’est une sorte de course au trésor », explique Nora Mousa, directrice générale. « Certains ont une idée en tête, d’autres ignorent ce qu’ils trouveront sur place, mais rares sont ceux qui repartent les mains vides. » 

Nora Mousa et son mari Mo Tarabieh, tous deux comptables, ont opéré un virage radical à la fin de l’an dernier, sous l’impulsion de la pandémie. Leur flair les a amenés à s’inspirer d’un modèle américain novateur. Le principe? Bien des consommateurs sont prêts à faire la queue pour dénicher des rabais mystères. Si le modèle fonctionne aux États-Unis, pourquoi pas au Canada? 

En février, les Tarabieh ont ouvert trois succursales, à Hamilton, Cambridge et London, en Ontario. Se sont ajoutées depuis, en Alberta, celles de Calgary, Red Deer et, récemment, Edmonton. D’ici la fin de 2021, trois établissements de plus suivront, dont l’un en Colombie-Britannique et l’autre à Mississauga. Le modèle essaime.

Krazy Binz, c’est un genre de croisement entre Dollarama et une course folle filmée en téléréalité. Les chasseurs d’escomptes peuvent attendre patiemment sur place, ou réserver une plage horaire douze heures à l’avance sur la plateforme en ligne Waitwell. Ils seront prévenus par texto quand leur tour arrivera.

On trouve de tout dans les bacs de bois de Krazy Binz, qui en installe entre 50 et 100, selon la taille du local. Appareils électroniques, vêtements, cosmétiques, articles de cuisine… Si quelque chose a été proposé par Amazon, il y a de bonnes chances que Krazy Binz le cueille au vol, elle qui récupère en quantité industrielle les invendus du géant, pêle-mêle. Fin de série, fin de saison, marchandise retournée mais munie de l’étiquette d’origine, tout y passe. Si le vrac sens dessus dessous amuse les consommateurs boulimiques, c’est aussi une nécessité intrinsèque, en l’occurrence : « S’il fallait engager une armée de préposés pour trier les articles et les ranger avec soin dans des rayons, nous serions incapables d’offrir des prix imbattables », précise Nora Mousa.

Elle cite un client de Kitchener qui a débusqué une montre connectée pour 3 $. Un autre heureux s’est emparé d’un anneau lumineux (pour mieux éclairer le visage en vidéoconférence) contre 1 $ à Red Deer. L’électronique a la cote. On peut trouver des séchoirs à cheveux Dyson, des consoles de jeu et même des ordinateurs. Les revendeurs de produits en ligne ont vite compris l’intérêt que représentaient pour eux ces points de vente en vrac, au détriment, peut-être, des commerçants qui tiennent boutique. Les consommateurs en redemandent.

Le fondateur de la plateforme d’information Retail Insider, Craig Patterson, estime qu’on trouve dans pareils commerces une euphorie qui vaut le déplacement. Car quelle valeur ajoutée proposer à ceux qui hésitent à quitter leur domicile pour faire leurs achats? Le côté ludique. L’ivresse de la trouvaille à prix modique. Chez Krazy Binz, des œufs bleus et or sont cachés çà et là. Quiconque a la chance d’en découvrir un pourra l’échanger contre un article haut de gamme. 

Des camions entiers d’invendus sont déchargés dans les différents magasins, mais Nora Mousa n’en dira pas davantage. L’entreprise s’emploie à établir des relations avec des sociétés de vente en ligne aux prises avec l’épineux problème des retours de marchandises. Une logistique délicate. Alors, la plus-value de Krazy Binz tient vraisemblablement à sa capacité de valorisation d’objets qui, autrement, se retrouveraient au rancart.

« Les consommateurs ont mis du temps à adopter l’achat en ligne, mais c’est chose faite », observe Daniel Baer, CPA chez EY, spécialiste de la distribution. Un géant comme Amazon a vu son chiffre d’affaires grimper l’an dernier, mais il a dû affronter le casse-tête des retours. Quand on a pignon sur rue, la gestion des retours s’avère relativement simple, mais pour la plupart des plateformes en ligne, les coûts s’alourdissent, et l’infrastructure voulue fait défaut. Des centaines de milliers d’invendus finissent dans les sites d’enfouissement, comme l’a révélé une enquête menée en octobre par l’émission CBC Marketplace. « S’ils parviennent à concilier leur modèle avec les exigences de la consommation éthique, les détaillants trouveront leur place sur le marché. »

DES MODÈLES NOVATEURS

Découvrez comment une jeune entreprise donne une nouvelle vie aux peintures inutilisées, comment vous pourriez gagner de l'argent en louant certains objets et quelles possibilités infinies offre l'impression 3D à domicile.