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Plusieurs cartons de lait non laitier sont montrés d'en haut dans un chariot d'épicerie.
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Magazine Pivot

Les boissons végétales ont la cote, mais prendront-elles racine?

Au vu de l’engouement pour les régimes à base de plantes, les experts affirment que la popularité des boissons aux noix n’est pas près de s’estomper.

Plusieurs cartons de lait non laitier sont montrés d'en haut dans un chariot d'épicerie.Les ventes de boissons végétales ont bondi, entre autres parce les consommateurs ont envie de déguster chez eux ce que leur offrait le café du coin. (Photo Daniel Neuhaus)

Début 2021, Geneviève Bolduc, directrice au marketing des produits d’origine végétale à Danone Canada, notait une explosion de la demande en boisson à l’avoine Silk. Une croissance de 350 %. Elle s’y attendait, vu le succès grandissant des boissons à base de plantes, une tendance qui s’est intensifiée depuis que la COVID fait la loi. « Disons aussi que le consommateur veut des produits sains et locaux. » Une nouvelle boisson à l’avoine sans sucre confirme la pluralité des goûts d’aujourd’hui, dans une gamme qui ne fait que s’élargir.

Il y a dix ou vingt ans, le « lait » de soja et le « lait » d’avoine étaient difficiles à trouver. Il fallait s’armer de patience et les dénicher dans des magasins d’aliments naturels, coincés entre les céréales au chanvre et les désodorisants minéraux. Or, nous apprend Statistique Canada, les ventes de lait de vache stagnent depuis 2000, mais les boissons végétales poursuivent leur conquête des étagères des supermarchés. « Fin 2019, les ventes de boissons végétales affichaient une hausse de 8 % contre 1 % pour les boissons à base de lait », ajoute Leslie Ewing, directrice générale de Plant-Based Foods of Canada, la voix des producteurs de produits à base de plantes.

Depuis que le coronavirus sévit, les ventes de certaines boissons ont même enregistré une progression à trois chiffres. « Le marché canadien des substituts laitiers, y compris les boissons et yogourts végétaux, totalise aujourd’hui 450 M$, précise Geneviève Bolduc. Et ce mouvement n’est pas prêt de s’arrêter. »

Les confinements successifs ont donné le coup d’envoi. « Soudain, on prenait son latte chez soi », fait observer Alison Jackson, associée directrice au bureau de Calgary de EY, cabinet où elle a mené le groupe Produits de consommation, Ouest. « Les consommateurs ont eu envie de déguster chez eux ce que leur offrait le café du coin. » 

Cette demande s’explique aussi par d’autres facteurs clés, sans égard à la pandémie. Environ 16 % des adultes canadiens souffrent d’une intolérance au lactose, et près d’un cinquième de la population adopte désormais une alimentation végétarienne ou, du moins, limite sa consommation de viande.

L’intérêt croissant des consommateurs n’est pas le seul facteur en cause. Selon une analyse de Forbes, les boissons végétales, rentables, affichent un taux de rendement qui dépasse en moyenne de 6 % celui des produits laitiers. 

« L’industrie laitière est réglementée », rappelle Glenn Fraser, CPA, leader national, Transformation alimentaire, à MNP. « Les producteurs et les transformateurs se conforment aux mécanismes de fixation des prix. Et s’il est vrai que les boissons végétales sont soumises à un examen attentif, comme n’importe quel produit alimentaire, elles échappent à certaines contraintes. Je crois que la catégorie pourrait s’imposer auprès du grand public. » 

Simple tendance ou mouvement de fond? Sylvain Charlebois, directeur du laboratoire de recherche analytique agroalimentaire à l’Université Dalhousie à Halifax, réfute l’idée d’un engouement passager. « Les indicateurs fondamentaux montrent que les consommateurs cherchent d’autres voies, et l’avoine, cultivée au Canada, se révèle particulièrement intéressante. » 

L’idée qu’on se fait d’un produit compte beaucoup quand vient le temps de faire un choix.

Le large éventail de choix – l’un des atouts des produits végétaux – présente néanmoins de nouvelles complications. Avoine, noix de cajou, amandes, soja, riz, noix de coco, avec ou sans sucre ajouté, chocolat, vanille et fraise, il y a de quoi semer la confusion chez les clients pressés. Et puis les goûts changent au gré des modes. En 2020, une création, la boisson à la pistache de l’américaine Táche, connaissait un succès fulgurant. Les ventes se sont emballées, dépassant de 300 % les prévisions, six semaines après le lancement. Parallèlement, si l’avoine gagne du terrain, le riz en perd. 

Il est difficile de s’y retrouver parmi les messages santé véhiculés par les différentes marques. Brittany Hull, vice-présidente du marketing, à Earth’s Own, un producteur de Burnaby, en Colombie-Britannique, pense que les boissons végétales feront des adeptes, convaincus par l’argument environnemental. « Pour créer notre boisson à l’amande, il faut 16 fois moins de terres agricoles que pour produire du lait de vache, et on dégage quatre fois moins d’émissions de gaz à effet de serre (GES). »

Des chiffres indiscutables. D’après l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, l’élevage bovin produit 62 % de toutes les émissions de GES imputables à l’élevage. C’est plus que les porcs, la volaille et tous les autres animaux réunis. Un bémol, les détracteurs du « lait » d’amandes soulignent qu’il faut irriguer abondamment les amandiers. Selon une étude de l’Université d’Oxford, il faudrait 74 litres d’eau pour produire un seul verre de « lait » d’amandes. Quant aux vertus du « lait » de soja, les avis sont contradictoires.   

« Les choix de consommation reposent parfois sur les avantages perçus et non sur les véritables attributs », ajoute Alison Jackson. Si elle voit un fort potentiel de croissance dans les boissons végétales, elle demeure convaincue que le soja, l’avoine et leurs congénères resteront des produits de spécialité. « Les ventes de boissons végétales n’atteignent même pas le cinquième de celles du lait de vache. Encore aujourd’hui, on ne trouve pas toujours sa boisson d’avoine préférée sur les étagères, mais si un supermarché n’avait aucun produit laitier, croyez-moi, la nouvelle ferait les manchettes. »

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