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Des gens d’affaires travaillent ensemble dans un entrepôt.
Comptabilité
La profession

Que signifient les crises mondiales pour les CPA du Canada?

La pandémie et la guerre en Ukraine entraînent une foule de difficultés pour les CPA. Voici ce qu’il faut prendre en compte.

Des gens d’affaires travaillent ensemble dans un entrepôt.Les imprévus des deux dernières années ont aggravé des problèmes qui touchaient déjà la chaîne d’approvisionnement. (Dean Mitchell/Getty Images)

Interruptions de la chaîne d’approvisionnement, montée de l’inflation : les crises qui sévissent depuis deux ans et demi ont entraîné pour les CPA du Canada une foule de difficultés, qui sont d’autant plus problématiques qu’elles sont interdépendantes et ont un effet cumulatif.

« La COVID a ouvert la voie à un déluge de perturbations économiques et financières », explique Davinder Valeri, CPA, directrice, Stratégie, risque et gestion de la performance à CPA Canada. « À peine s’amorçait la reprise que le conflit entre la Russie et l’Ukraine l’a ralentie. Les perturbations de la chaîne d’approvisionnement s’aggravent et les taux d’inflation atteignent des sommets inégalés depuis les années 1980.  »

Des spécialistes brossent ici un aperçu de certains facteurs perturbateurs qui entrent en jeu et évoquent les incidences éventuelles sur les responsabilités des CPA.

LA CHAÎNE D’APPROVISIONNEMENT, ENCORE À RISQUE

Les aléas des deux dernières années ont aggravé des problèmes qui touchaient déjà la chaîne d’approvisionnement, explique Rosanna Lamanna, CPA, associée au groupe Audit et comptabilité du cabinet Fuller Landau. « Bon nombre d’entreprises canadiennes ont relocalisé la production et la fabrication à l’étranger par souci d’économie. Toutefois, la hausse des frais de transport et l’allongement des délais d’approvisionnement, qui entravent l’exploitation et la production, font grimper les coûts. »

Les CPA ont dû acquérir des compétences axées sur les difficultés d’approvisionnement, poursuit-elle. « Il est temps de revoir le fonctionnement de la chaîne d’approvisionnement afin d’améliorer les choses et d’atténuer les risques. Par exemple, il faut examiner certaines données générées par les systèmes en vue d’effectuer une analyse coûts-avantages quand seront envisagées diverses pistes de solution. Les CPA possèdent les capacités d’analyse nécessaires pour aider l’équipe de direction à étudier et à interpréter les données décisionnelles. Il devient essentiel d’exploiter la technologie pour soutenir cette prise de décisions. »

Voici quelques mesures que les CPA peuvent prendre, selon Rosanna Lamanna et d’autres experts :

  • Réviser plus souvent les prévisions, notamment à l’égard des suivis budgétaires, soit une fois par mois ou par semaine;
  • Mettre en œuvre des technologies qui intègrent les systèmes de gestion de la chaîne d’approvisionnement à la modélisation et aux prévisions financières;
  • Réfléchir aux enjeux de cybersécurité à la lumière des particularités de la chaîne d’approvisionnement pour déceler des interdépendances inattendues entre ces deux volets et en déterminer l’incidence;
  • Chercher d’autres sources d’approvisionnement à proximité;
  • Ajouter à l’information présentée des données sur certains facteurs de risque, au-delà des aspects propres à la pandémie;
  • Établir des scénarios détaillés pour comprendre toutes les conséquences éventuelles.

Gagner en résilience et en agilité pour mieux gérer la chaîne d’approvisionnement devient un critère essentiel pour la haute direction, et, par conséquent, pour les CPA, ajoute Jean-François Letarte, associé, Services-conseils en chaîne d’approvisionnement chez KPMG, qui s’intéresse aux technologies émergentes. « Ne pas dépendre d’un seul scénario au chapitre de la chaîne d’approvisionnement, mais plutôt être en mesure de s’adapter et d’adopter rapidement des solutions de rechange face aux perturbations, tel est devenu le but suprême. »

LES RISQUES DE BLANCHIMENT D’ARGENT ÉVOLUENT

À la suite de la pandémie et des nombreuses restrictions et interdictions qui ont fait surface en réaction à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les risques de blanchiment d’argent ont augmenté à l’échelle mondiale. Ces facteurs peuvent avoir une incidence sur les CPA, estime Michele Wood-Tweel, FCPA, vice-présidente, Affaires réglementaires à CPA Canada.

« De façon générale, les CPA doivent tenir compte de l’évolution des risques de blanchiment d’argent, surtout à l’égard d’activités visées par la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (LRPCFAT). Il faut absolument en tenir compte. »

La LRPCFAT comporte déjà des directives concernant la Corée du Nord et l’Iran, par exemple, mais l’envergure et la portée des nouvelles mesures qui touchent la Russie sont exceptionnelles, explique Michele Wood-Tweel. « Les entités déclarantes en vertu de la loi, tout comme les CPA et les cabinets, doivent comprendre que certaines opérations associées au blanchiment d’argent peuvent servir à contourner ces restrictions et se préparer à réagir en conséquence. »

On trouve les dernières mises à jour concernant la lutte contre le blanchiment d’argent sur les sites du Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) et du Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI).

LES CYBERMENACES EN HAUSSE

Selon un récent rapport de KPMG intitulé Russia and Ukraine Conflict: a Boardroom Lens, le risque accru de cybermenaces doit inciter les intéressés à mener des exercices de simulation, à procéder à un examen des plans de continuité des activités et à réaliser une évaluation de la vulnérabilité des tiers ou des fournisseurs. On y conseille également aux CPA de suivre l’évolution des lois et règlements ayant une incidence sur les obligations de communication d’informations en cas d’incidents de cybersécurité.

« Les CPA doivent se renseigner sur les précautions prises par les clients pour assurer la cybersécurité et sur les mesures prévues en cas d’attaque », explique Jordan Gould, CPA, associé, Audit et certification chez Richter. « Si ces clients sont visés par une attaque, quelles mesures comptent-ils prendre? Quel est leur plan de reprise après sinistre? Ces aspects doivent faire l’objet d’un examen global des risques. Aujourd’hui, de plus en plus d’entreprises ont deux, trois, voire quatre plans d’urgence. Il s’agit d’atténuer les risques. »

LE RISQUE D’INFLATION, NOUVELLE MENACE

« La montée de l’inflation, accentuée par les événements récents et par les incertitudes provoquées par le conflit en Ukraine, a de quoi préoccuper tous ceux qui assurent le suivi des budgets, compte tenu des impératifs de présentation de l’information d’entreprise », souligne Jean-François Letarte.

« Les entreprises qui présenteront leur information au cours des prochains mois devront y ajouter des précisions sur l’évaluation que fait la direction des risques d’exploitation et des risques d’ordre financier, pour indiquer dans quelle mesure l’organisation est prête à surmonter les difficultés, ajoute-t-il. Les CPA doivent faire état de l’incidence de l’inflation et de la volatilité, aborder l’exposition au risque de chute du cours et exposer les mesures prises en fonction de la situation. »

« S’il fallait composer avec la pandémie seulement, la hausse de l’inflation s’apaiserait probablement après la reprise, ajoute Jordan Gould. Le conflit en Ukraine vient aggraver les choses et compliquer l’approvisionnement, d’où une montée supplémentaire des prix. Les CPA devront se concentrer sur les projections et sur la gestion de trésorerie, des volets essentiels au début de la pandémie, et aussi penser aux obstacles imminents et aux mesures à prendre, avant que les difficultés ne se concrétisent. »

UN RÔLE ÉLARGI POUR LES CPA

Michael Paterson, CPA, leader national, certification chez PwC Canada, signale qu’en raison des crises actuelles, qui s’ajoutent aux changements climatiques et aux mutations démographiques, les entreprises ont du mal à se doter de spécialistes en comptabilité, dans un contexte où la demande bat son plein.

L’investissement dans ces compétences deviendra essentiel, car les CPA seront appelés à jouer un rôle plus actif en contribuant à la conception et à la gestion des systèmes, des processus et des contrôles, notamment dans les domaines où les obligations de conformité et les exigences réglementaires deviennent plus complexes.

« Le chef des finances évolue dans un monde différent de celui d’il y a deux ans, fait observer Michael Paterson. Il se demande comment doter ses spécialistes des outils technologiques nécessaires, pour qu’ils puissent passer plus de temps à analyser et à gérer l’ensemble des risques, au lieu de se concentrer uniquement sur le traitement des chiffres mensuels. »

Les CPA peuvent aussi jouer un rôle décisionnel à l’égard d’enjeux sociaux et autres (facteurs ESG, risques liés à la chaîne d’approvisionnement, inflation), car ils préparent l’entreprise à composer avec beaucoup de changements et d’incertitude, ajoute-t-il. « Les clients ont grand besoin de telles compétences en comptabilité. »

COMPRENDRE CES CRISES QUI FONT LES MANCHETTES

Voyez comment garder le cap en période d’incertitude, renseignez-vous sur la sécurité de la chaîne d’approvisionnement et faites le point sur la présentation de rapports de gestion.

Enfin, lisez nos articles sur l’incidence qu’aura la guerre en Ukraine sur l’économie mondiale ainsi que sur la présentation de l’information financière.