La norme ISO 20022 arrive et les CPA prennent le virage
Les CPA guideront leurs clients pour ménager la transition à la norme ISO 20022 et remanier les mécanismes de paiement. (Getty Images/JohnnyGreig)
Elle a fait couler beaucoup d’encre. Quoi donc? La norme ISO 20022, qui vise l’harmonisation des systèmes de paiement. Paiements Canada travaille à l’intégrer à Lynx, notre système de paiements de grande valeur, d’ici mars 2023. Une transition qui orientera l’évolution des plateformes de paiements dans les années à venir.
« Pour une foule de raisons, les CPA ont tout intérêt à s’en préoccuper », souligne Todd Roberts, leader national, Paiements, Deloitte Canada. « Il s’agit d’aider les clients à mieux contrôler et analyser les processus opérationnels. On vise aussi l’efficience, du côté de la paie, du rapprochement et de l’audit. »
POURQUOI Y PENSER?
La norme ISO 20022 établit un dénominateur commun à respecter dans les messages transmis sur l’ensemble des réseaux de paiement nationaux et internationaux, explique Judy Li, directrice, Information, analyse de données et normes ISO, Paiements Canada.
« La norme encadrera les échanges, fera appel à un langage enrichi qui remplacera les codes actuels, et rendra l’interopérabilité possible. Elle prescrit une même structure pour chaque élément de données : à la réception d’un message, les destinataires sauront exactement ce qu’il veut dire. »
Une norme internationale indépendante s’avère indispensable pour des échanges fluides et optimisés. « La norme vise à éliminer les interventions nécessaires pour corriger les erreurs de traduction. Les processus gagneront en efficacité et en rentabilité, et toutes les parties en bénéficieront. »
Pour les CPA, les changements à l’horizon apportent du renouveau. « Comptes clients, comptes fournisseurs, gestion de la chaîne d’approvisionnements et prévisions de trésorerie sont autant d’aspects prépondérants qui reposent sur les données, fait remarquer Todd Roberts. En plus, les virements électroniques éliminent la nécessité d’une retenue de fonds, à faire avant la compensation des chèques. »
En effet, le schéma ISO 20022, exécutable par les systèmes, permet d’automatiser certaines étapes autrefois accomplies à la main.
Judy Li compare les indications de la norme aux protocoles d’écriture de l’adresse sur une enveloppe. « Il y a des règles à respecter pour donner le nom du destinataire, de la rue et du pays. Imaginez l’imbroglio si l’on écrivait dans le désordre les mots qui désignent l’avenue Cuba à Ottawa… » La lettre finirait-elle à La Havane?
NORME ISO 20022, ÉTAT DES LIEUX
Le protocole ISO 20022 deviendra une norme de facto pour l’échange de paiements et plus de 70 pays ont déjà atteint divers stades d’adoption.
« SWIFT a choisi le programme CBPR+ (Cross-Border Payments and Reporting Plus) pour une entrée en vigueur en novembre 2022, mais le virage a été reporté à mars 2023 », précise Raveesh Khosa, directeur chez Deloitte, qui collabore avec les banques canadiennes pour faire évoluer l’infrastructure des paiements. « Pour sa part, le service Virement Interac pour les entreprises est en phase avec la norme. »
« Les grandes banques sont bien avancées dans leurs préparatifs, ajoute Todd Roberts. La principale lacune réside dans la modification par les entreprises des processus en cause, comme l’envoi et la réception de factures par voie électronique selon la norme. Certaines pionnières, surtout des multinationales, appliquent déjà la norme ISO 20022. D’autres s’y mettront dans les deux ans. »
Pour bon nombre d’organisations, la transition prendra du temps, estime Judy Li. « Certaines banques ont déjà franchi le pas. De toute évidence, la norme coexistera avec les procédures précédentes pendant quelques années. »
BON À SAVOIR POUR LES CPA
Les CPA auront un rôle de catalyseur à jouer, croit Todd Roberts.
« Les clients ne pensent pas vraiment à la norme ISO 20022. C’est plutôt la chaîne d’approvisionnement et les flux de trésorerie qui les préoccupent. Dans leur rôle de conseillers, les CPA, eux, ont compris qu’il faut prendre le virage pour veiller à l’évolution des processus. Ils et elles doivent s’assurer que leur employeur ou leurs clients savent en quoi les normes peuvent leur être utiles. Il s’agit de porter un regard critique sur les comptes fournisseurs, les comptes clients et la gestion de la trésorerie, compte tenu des fonctions qui importent le plus aux clients. »
Pour commencer, recommande Judy Li, transmettez de l’information sur les avantages de la norme ISO 20022 pour les entreprises. « Observez ses effets dans d’autres pays et parlez-en aux banques et aux fournisseurs avec qui vous travaillez, pour appuyer votre stratégie. »
Il reviendra aux CPA responsables de la migration de ne rien laisser au hasard : affectations de fonds, exigences de mise à niveau du système et de transformation des données, besoins en personnel, valeur sous-jacente, tâches de contrôle et d’information, les éléments à vérifier ne manquent pas.
EN AVANT, TOUTE!
Raveesh Khosa explique qu’au moment où la transition sera envisagée, la valeur sous-jacente ne pourra être évaluée qu’en fonction d’un cas d’utilisation précis. « L’entreprise devra déterminer les avantages des paiements électroniques pour l’expérience client, les coûts de traitement et l’optimisation opérationnelle. Le tout servira à préparer une analyse de rentabilité en vue d’investir dans l’infrastructure nécessaire. »
Il donne en exemple un grand assureur qui règle plus de 50 % des indemnités par chèque. « Non seulement la remise des chèques prend jusqu’à deux semaines, mais l’assureur doit immobiliser des liquidités pour couvrir les chèques non compensés. Les coûts de traitement s’élèvent à au moins 10 $ par chèque. Le rapprochement des indemnités versées, compte tenu des données chiffrées et des informations du progiciel de gestion intégré, peut exiger une centaine d’interventions. Pourtant, on pourrait facilement automatiser le traitement, grâce à la norme ISO 20022 et au recours à des mécanismes existants (par exemple, Virement Interac pour les entreprises au Canada). »
Par ailleurs, les entreprises qui tardent à faire la transition risquent de perdre des contrats auprès des clients qu’elles approvisionnent. « Les grandes sociétés s’attendront à pouvoir obtenir des données conformes à la norme ISO 20022. Si un fournisseur est dans l’impossibilité d’établir une connexion électronique et d’échanger de l’information, il deviendra difficile de faire affaire avec lui. »
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