Passer au contenu principal
Vue en contre-plongée du quartier des affaires de Toronto
Canada
Économie

Le système bancaire canadien est-il à toute épreuve?

Voyez pourquoi la crise vécue par certaines institutions financières dans le monde est improbable ici.

Vue en contre-plongée du quartier des affaires de TorontoLes cinq plus grandes institutions financières canadiennes ont des actifs qui les placeraient dans les dix premières banques américaines. (Getty Images/Yana Bukharova)

On l’a entendu maintes et maintes fois : les hausses de taux d’intérêt mettent du temps à se faire sentir. Elles affectent d’abord le marché de l’habitation, puis les secteurs à forte croissance ou tributaires de la dette, comme ceux des technologies ou de la construction.

Aujourd’hui, c’est au système bancaire d’écoper. Avec la montée des taux d’intérêt, la valeur des actifs à revenu fixe à long terme baisse et les banques font face à des problèmes de liquidité quand vient le temps de couvrir leur passif à court terme (dépôts des clients).

C’est ce qu’ont vécu les banques régionales Silicon Valley Bank (actifs de 209 G$ US) et Signature Bank (actifs de 110 G$ US). Des retraits massifs les ont menées aux plus grosses faillites bancaires depuis 2008. Les dommages collatéraux ont touché la First Republic Bank (actifs de 213 G$), une banque privée de gestion de patrimoine de San Francisco. La Réserve fédérale a rapidement réagi avec un nouveau programme de financement pour injecter des fonds dans le système bancaire. Elle a ainsi fait grimper son bilan de 400 G$ – effaçant du même coup près de cinq mois de resserrement quantitatif.

À peine une semaine plus tard, c’était au tour de Credit Suisse de voir ses problèmes financiers culminer, quand son principal actionnaire a refusé d’investir davantage dans la société pour une question de réglementation. Sauf qu’on joue maintenant dans la cour des grands : les actifs de Credit Suisse avoisinent les 800 G$ US et la banque joue un rôle significatif (banque d’importance systémique) dans l’économie mondiale. À leur tour, les autorités suisses ont aussitôt mis en place un plan de sauvetage d’urgence pour éviter l’effondrement de l’institution et rétablir la confiance des parties prenantes. Et tout n’est pas réglé, car des colosses comme la Deutsche Bank, qui est deux fois plus grosse que Credit Suisse, montre des signes de faiblesse.

Stabilité incarnée

Ce qui nous amène à nous demander : qu’en est-il du Canada? Nos banques sont-elles également menacées par un effet domino?

Au pays, six banques et le mouvement Desjardins se disputent l’essentiel du marché. Les cinq plus grandes ont des actifs qui les placeraient dans les dix premières banques américaines. Peu de risques véritables, donc, qu’elles fassent faillite en se laissant entraîner par des banques régionales ou plus petites. Par ailleurs, il est beaucoup plus facile de réglementer ici et de s’assurer de la conformité de quelques joueurs clés. Autrement dit, les probabilités de « mauvais élève » sont faibles.

Par ailleurs, à l’image de l’économie, leurs portefeuilles d’actifs sont très diversifiés, contrairement à ceux de banques régionales américaines moindres comme la Silicon Valley Bank ou la First Republic Bank. Les banques canadiennes sont d’ailleurs dans une position financière enviable : elles sont mieux capitalisées (ratio de fonds propres, ou CET1) et disposent de plus de liquidités (ratio de couverture de liquidité, ou LCR) que leurs pairs.

Les banques canadiennes dépendent aussi davantage des prêts hypothécaires résidentiels – 22 % de leurs actifs, soit deux fois plus qu’aux États-Unis. Or ces prêts sont également moins risqués au Canada, où les taux de défaillance sont beaucoup moins élevés. Ces taux ont même atteint un creux historique en 2022, soit presque 40 % plus bas qu’avant la pandémie. On observe la même tendance baissière aux États-Unis, mais elle est moins prononcée là-bas.

Avec des taux d’inoccupation historiques et des taux d’intérêt plus élevés, les prêts immobiliers commerciaux sont plus préoccupants, mais, là encore, les banques canadiennes sont bien placées pour composer avec ce risque, puisque l’immobilier commercial représente seulement 2 % de leurs actifs, contre 13 % pour les banques américaines. Ce sont les petites banques qui courent un risque accru à cet égard, et nous n’en comptons que très peu au pays.

Cependant, le principal inconvénient à avoir des banques-oligopoles qui peuvent maximiser leurs profits sans prendre trop de risques est chez les consommateurs, qui héritent de frais bancaires plus élevés, de taux d’intérêt plus faibles sur les dépôts et d’importants frais de gestion sur les produits d’investissement. Même chose du côté des entreprises, qui ont plus de difficulté à obtenir un financement immobilier commercial, ce qui implique que gouvernements et investisseurs institutionnels doivent intervenir davantage pour les soutenir.

À peine quelques jours après la crise de la Silicon Valley Bank et de Credit Suisse, la Réserve fédérale et la Banque centrale européenne ont choisi de prioriser la lutte contre l’inflation, haussant leur taux directeur une nouvelle fois. À l’inverse, le Canada ne compte pas les augmenter davantage. L’avenir nous dira quelle stratégie aura le plus porté fruit.

EN SAVOIR PLUS SUR L’INFLATION

Apprenez-en davantage sur ce qu’est vraiment une récession, découvrez comment garder une longueur d’avance sur les dettes et la faillite, et consultez les nombreuses ressources de CPA Canada en littératie financière.