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Économie

L’importance des mesures incitatives en période de gel salarial

Les salaires stagnant sous la contrainte de la COVID-19, les organisations doivent trouver d’autres façons de préserver le moral des troupes.

Groupe diversifié de collègues d'âge mixte et multiethniques en discussionLa transparence et la communication favorisent la confiance et la mobilisation du personnel en période de contraintes budgétaires, disent les experts. (Getty Images/10’000 Hours)

Sous l’effet de la deuxième vague de COVID-19, les entreprises canadiennes se montrent hésitantes dans leurs prévisions et privilégient la prudence.

Le gel des salaires, entre autres, en est une conséquence. D’après la 38e Enquête annuelle sur les prévisions salariales de Morneau Shepell, plus du tiers (36 %) des organisations canadiennes ont bloqué les salaires en 2020, en comparaison d’une prévision de seulement 2 % avant la pandémie. Cette tendance risque de se poursuivre, car 46 % des employeurs ne savent pas encore s’ils augmenteront les salaires en 2021.

« Nous n’avions pas vu une telle chose depuis la récession du début des années 1980 et la crise financière de 2007-2008 », souligne Anand Parsan, vice-président aux Services-conseils en rémunération chez Morneau Shepell. « C’est la preuve que les entreprises sont en mode survie : elles conservent leurs liquidités pour parer à l’incertitude. »

Voici trois conseils pour aider les organisations qui ont choisi cette voie à en atténuer les répercussions sur la performance de l’entreprise et la mobilisation du personnel.

1) MESURES INCITATIVES

Les mesures incitatives qui s’ajoutent au salaire de base sont un moyen efficace d’assurer la satisfaction des employés quand les salaires stagnent.

Des incitatifs non pécuniaires (horaires flexibles, jours de vacances supplémentaires, occasions de formation, programmes d’aide aux employés) peuvent dissuader les bons éléments d’aller voir ailleurs et témoignent d’une volonté de réussir ensemble.

« Pour la plupart des employés, la rémunération englobe le salaire, le milieu de travail et les perspectives », explique Michael Kravshik, CPA, fondateur et chef de la direction de LumiQ. « Quelle est l’offre globale? Qu’en est-il du perfectionnement et de l’avancement? Le milieu de travail est-il favorable, sûr et empreint de confiance? »

Quand l’argent se fait rare, on peut concevoir des incitatifs à long terme. Par exemple, offrir une rémunération liée au rendement à verser une fois la situation stabilisée.

« Certains programmes d’incitation prévoient un retour des primes quand les affaires iront mieux », fait valoir Christopher Chen, directeur général au cabinet Compensation Governance Partners. « Il faut abandonner l’idée que le salaire de base est prépondérant et s’assurer que les employés savent qu’ils seront récompensés s’ils restent fidèles à l’organisation et la font progresser. »

Des méthodes de gestion du rendement peuvent aussi faire office d’incitatif. Faites preuve de créativité pour souligner les réalisations des employés, et fixez des objectifs atteignables, fondés sur la situation actuelle de l’entreprise (c’est-à-dire, en voie de rétablissement). La transition au travail à domicile force l’évolution des modes de mesure et d’évaluation du rendement, constate M. Parsan.

« Les organisations réévaluent leurs mesures incitatives pour les employés et leurs approches de gestion du rendement. À mon avis, les pratiques courantes d’avant la pandémie vont inévitablement changer au fil du temps. »

2) COMMUNICATIONS CLAIRES

Les entreprises doivent d’entrée de jeu énoncer clairement les motifs du gel salarial, sa durée prévue et ses répercussions sur l’effectif.

Durant la pandémie, beaucoup d’organisations ont intensifié leurs communications avec le personnel, notamment au moyen de réunions de la direction et d’assemblées mensuelles avec le grand patron.

En plus de briser l’isolement lié au travail à domicile, fait observer M. Parsan, ces communications supplémentaires permettent d’accroître la transparence à l’échelle de l’organisation et de la direction.

« Transparence et communication vont de pair. N’hésitez pas à multiplier les contacts, à informer vos employés de la situation… Vous éviterez ainsi les surprises, et vos effectifs sauront parfaitement où en est l’entreprise. »

Pour M. Kravshik, la transparence impliquait d’informer son personnel que l’équipe de direction de LumiQ avait accepté une baisse de salaire de 10 % au début de la pandémie.

« Nos employés sont des gens intelligents. Nous leur avons exposé la situation, l’état de la trésorerie et ce que nous pouvions faire compte tenu de ces ressources. »

« Par la suite, quelques employés sont venus me voir et m’ont dit qu’en cas de besoin, eux aussi accepteraient une baisse de salaire. »

« Je leur ai répondu que ce n’était pas nécessaire, mais leur offre témoigne de notre culture, où tous ont à cœur la réussite de l’entreprise. »

3) FIDÉLISATION DES MEILLEURS EMPLOYÉS

Une entreprise qui n’arrive plus à suivre la progression salariale du marché risque de perdre ses meilleurs employés au profit de la concurrence, en particulier dans les secteurs les plus touchés par la COVID-19.

Selon l’enquête de Morneau Shepell, nombre d’employeurs du domaine des arts, du divertissement, des loisirs et des services éducatifs ont décidé de geler les salaires en 2021. En revanche, les secteurs qui s’en sortent bien, tels l’immobilier, la location et le crédit-bail, n’ont pas l’intention de le faire, toujours selon l’enquête.

« On s’arrachait déjà les bons candidats avant la pandémie, et cette course va se poursuivre, prédit M. Parsan. Les organisations en mesure d’augmenter les salaires vont s’efforcer d’attirer les meilleurs éléments, ce qui risque de nuire à celles qui ont dû procéder à des gels ou à des réductions. »

Au-delà des incitatifs visant à conserver les talents, une autre tendance a vu le jour, fait remarquer M. Chen : les mises à pied ou les congés temporaires, qui permettent de préserver les emplois, car les employés peuvent revenir au travail après un certain temps, au lieu d’être licenciés.

Les mesures d’aide liées à la pandémie, comme la Subvention salariale d’urgence du Canada offerte dans le cadre du Plan d’intervention économique du Canada pour répondre à la COVID-19, ont donné aux entreprises les moyens de procéder à de telles mises à pied grâce aux quelque 46,8 G$ versés à ce jour par le gouvernement.

Les mises à pied contribuent non seulement à protéger des emplois, mais aussi à garder les bons employés, selon M. Chen. Elles leur donnent l’assurance de conserver leur gagne-pain en cette période de morosité du marché de l’emploi.

« Nous verrons comment cette tendance évolue. Les organisations ne rappelleront peut-être pas tout le monde au travail, mais au moins, elles s’efforcent de préserver les liens d’emploi et de confiance avec leurs employés. »

RÉPERCUSSIONS ÉVENTUELLES

L’enquête de Morneau Shepell dévoile que 76 % des employeurs (dans des régions et secteurs plus ou moins touchés) ont signalé une baisse de leur chiffre d’affaires attribuable à la COVID-19. Le maintien du gel des salaires en 2021 dépendra beaucoup des répercussions que subiront les entreprises dans le contexte des efforts de relance économique du Canada, commente M. Chen.

« Chaque dollar de moins dans les poches des citoyens est un dollar de dépense de moins. Il s’ensuit un impact économique qui aura sans nul doute des répercussions. »

« La plupart des entreprises sont sur la défensive. Elles vont retarder le plus longtemps possible le moment de prendre une décision concernant le blocage des salaires, surtout pour voir les prévisions relatives au commerce. »

PRÉPAREZ-VOUS

Voici comment préparer votre entreprise à traverser cette deuxième vague de COVID-19. Tout en travaillant au maintien de vos activités, surveillez les signes dénotant que votre entreprise pourrait être en difficulté. Pour miser sur l’avenir, vérifiez si votre organisation est prête pour la prochaine révolution industrielle.