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Jeune femme d'affaires réfléchie, portant un tailleur, debout dans son bureau et regardant par la fenêtre
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Santé mentale, quand rien ne va plus

Au lieu de souffrir en silence, accepter les ressentis pour prendre soin de soi.

Jeune femme d'affaires réfléchie, portant un tailleur, debout dans son bureau et regardant par la fenêtreLe secret de la santé mentale? Savoir repérer les signaux d’alarme avant que la situation ne s’aggrave. (Getty Images / damircudic)

Trop souvent, on tient la santé mentale pour acquise. Pourtant, même les plus résilients arrivent parfois au point où rien ne va plus. Pour éviter les écueils, comment prendre soin de soi?

Le secret de la santé mentale, c’est savoir repérer les signaux d’alarme avant que la situation ne s’aggrave, fait valoir Eileen Chadnick, qui dirige Big Cheese Coaching. « Il importe de faire la distinction entre la nécessité d’être plus attentif à son bien-être et la prise de conscience qu’on n’y arrivera pas tout seul. »

Denis Trottier, FCPA, premier responsable de la promotion de la santé mentale chez KPMG au Canada, fait appel à l’analogie d’un gouffre profond pour parler de la problématique. « Soit on regarde au fond du gouffre, ce qui fait peur, soit on tente de surnager, de rester à la surface, soit on s’enfonce profondément, et il devient difficile de s’en sortir. » Anxiété, dépression, pour réussir à agir et demander de l’aide, mieux vaut détecter les signes inquiétants sans délai.

REPÉRER LES SIGNES AVANT-COUREURS

Denis Trottier évoque une ressource, le continuum de la santé mentale, qui offre un aperçu des différents stades : en santé, en réaction, blessé, malade. On y explique aussi la différence entre les symptômes qui peuvent être gérés par des autosoins et le soutien social (en santé, en réaction) et les comportements qui nécessitent une prise en charge professionnelle (blessé, malade). « C’est un outil qui résume les signes à surveiller, des fluctuations normales de l’humeur aux éléments plus problématiques, tels que l’anxiété, l’agressivité, le repli sur soi, jusqu’aux pensées suicidaires. »

« Repérer les signaux rapidement, c’est se donner les moyens de se concentrer sur le mieux-être et tenter de trouver un meilleur équilibre : dialoguer avec quelqu’un, s’adonner à des activités physiques, consacrer des moments privilégiés à ses proches, voilà des pistes à suivre », explique Jennifer Bertram, qui prend en charge les programmes de promotion et de formation à l’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM), au bureau de Toronto.

Parmi les signes précurseurs les plus fréquents, on trouve l’irritabilité, la douleur, l’insomnie, l’impulsivité, la perte d’appétit et la tristesse.

« Vous êtes moins alerte, votre humeur s’assombrit jour après jour, la démotivation se manifeste? Il se peut que l’épuisement professionnel soit en cause, précise Eileen Chadnick. Manque d’énergie, manque d’appétit, insomnie ou léthargie, autant de symptômes à surveiller. »

Au travail, certains indicateurs sont éloquents. Si quelqu’un ne respecte pas les délais exigés, qu’il arrive en retard, que sa productivité laisse à désirer, qu’il prend souvent des journées de maladie, il faut se pencher sur la question.

Dans le cas de Richa Khanna, CPA, associée chez RDK Partners, l’épuisement s’est manifesté de manière inattendue. Elle n’avait jamais eu de difficulté à travailler sous pression, mais la COVID-19 a tout bouleversé. De quoi transformer ses perceptions sur la prise en charge de sa propre santé mentale.

Pendant les premiers confinements, comme associée dans un cabinet de taille moyenne, Richa Khanna cumulait plusieurs fonctions de direction et supervisait des équipes stressées, tout en veillant aux besoins croissants de sa famille. « Je suis passée à la vitesse grand V pour m’assurer de prendre soin de tous ceux et celles qui évoluaient dans ma sphère d’influence. D’avril à juin, sur mes feuilles de temps mensuelles, j’avais un total de 225 heures, en moyenne. » Cinquante heures par semaine, c’est trop.

Tout semblait aller rondement, jusqu’à ce matin de juillet où Richa Khanna a été incapable de sortir du lit. Impossible d’accomplir ses activités quotidiennes à la maison, sans parler du travail à l’ordinateur. « Je ne pouvais plus fonctionner, j’éclatais en sanglots sans raison apparente. Je ne me reconnaissais plus. »

Richa Khanna a d’abord contacté des membres de sa famille à proximité et aussi en Inde, pour leur confier qu’elle ne se sentait pas bien. « J’ai reçu beaucoup d’amour et de soutien, de la part de tous mes proches. Leur appui m’a aidée à reprendre le travail après quelques jours, même si ma tête et mon cœur n’y étaient pas. »

Sur le plan personnel, elle avait dit la vérité et cherché de l’aide auprès de sa famille, mais, au travail, elle se sentait encore obligée de projeter une image de confiance devant les membres moins expérimentés de l’équipe. Un tournant décisif s’est produit pendant une communication avec un de ses coéquipiers, qui lui a demandé comment elle allait. Richa Khanna a décidé de répondre en toute franchise. « J’ai dit : “En fait, je ne vais pas vraiment bien, j’ai du mal à me concentrer, mais on a du travail à abattre, et je ne peux pas m’absenter.” Mon collège a alors déclaré : “Oui, tu vis le même genre de semaine que moi, je crois.” Je me suis aperçue que même si les membres de mon équipe souhaitent parfois entendre que tout va bien, ce n’est pas un signe de faiblesse de leur confier que ce n’est pas toujours facile pour moi. »

Richa Khanna se dit convaincue que son ouverture a permis à ses collègues de lui faire part de leurs difficultés. Même si elle était incapable de résoudre tous leurs problèmes, évidemment, ils étaient rassurés de voir qu’ils n’étaient pas tout seuls.

PRENDRE SOIN DE SOI

On croit à tort qu’il faut prendre des mesures radicales, par exemple, s’entraîner pour faire un marathon ou quitter son emploi, ajoute Eileen Chadnick. « Or, les petits gestes sont essentiels : appeler quelqu’un, tenter de bien dormir, échanger avec les autres au cours de la journée, bien manger. »

Au travail, concentrez-vous sur les facteurs que vous pouvez maîtriser et sur les tâches que vous êtes capable d’accomplir. « Si vous êtes inquiet, angoissé, vous aurez plus de mal à faire face aux difficultés qui se présenteront au travail. Concentrez-vous sur les tâches ponctuelles que vous êtes en mesure d’accomplir, dans le présent. C’est une manière de libérer vos neurones. »

« Pour certains, aller se promener tous les jours peut être la solution, ajoute Jennifer Bertram. D’autres préfèrent se réserver du temps pour communiquer avec leurs proches. L’important, c’est de trouver les gestes qui vous aident, qui vous apaisent, et de les accomplir au quotidien. Pratiquer de tels gestes pour prendre soin de soi quand on va bien, c’est aussi une mesure préventive clé, pour atténuer les impacts d’une situation de crise qui pourrait surgir. »

Quand rien ne va plus, il ne faut pas hésiter à faire appel à des personnes de confiance, continue-t-elle. « Communiquez avec vos proches et vos collègues, tournez-vous vers des organismes d’aide, adressez-vous aux services de proximité dans votre collectivité. » Au besoin, n’hésitez pas à consulter un professionnel de la santé, ou même à vous présenter à l’hôpital, si votre état vous inquiète.

Même si Richa Khanna a apporté des changements au travail, elle admet que certaines journées restent difficiles. Mais elle s’efforce désormais de placer la santé et le bien-être au centre de sa vie professionnelle et familiale.

« Je gère ma journée et mes attentes de mon mieux. Je suis ouverte et honnête avec ma famille, mes collègues et mes clients sur mon état d’esprit. C’est un choix délibéré, parce que je suis consciente que je dois aller bien pour réussir à tout faire. Je sais reconnaître les signes avant-coureurs, alors je peux agir immédiatement : je jardine, je m’assieds au piano, je regarde ma petite fille jouer, et je vais mieux. »

La plus grande leçon qu’a apprise Richa Khanna? Il ne faut pas avoir peur d’admettre que, parfois, la journée sera difficile. « Ce qui compte, c’est de faire de son mieux pour continuer, le lendemain. Je crois que la société et ceux qui nous entourent font preuve de tolérance. Et si quelqu’un me juge, c’est son problème. Au lieu de souffrir en silence, mieux vaut accepter les ressentis pour prendre soin de soi. »

Si vous avez des idées noires et que vous avez besoin d’aide, adressez-vous à Parlons suicide Canada au 1-833-456-4566. Au Québec, vous pouvez aussi composer le 1-866-APPELLE (277-3553).

PLEINS FEUX SUR LA SANTÉ MENTALE

Apprenez-en plus sur les facteurs de stress courants chez les CPA et découvrez pourquoi il est impératif de considérer la santé mentale non seulement comme une problématique de ressources humaines, mais aussi comme un enjeu organisationnel. Enfin, voyez le parcours de Denis Trottier en santé mentale, un CPA qui veille aujourd’hui au mieux-être du personnel.