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Coup d’œil sur le monde d’après la pandémie 

Nous voudrions tous revenir à la normale, mais le monde d’avant n’existe plus. Quelles nouveautés et incertitudes nous attendent dans le monde d’après?

Distance sociale femme au restaurantMême en contexte de reprise économique, les entreprises resteront prudentes et maintiendront des protocoles de distanciation physique pour leur clientèle. (Getty Images/stockstudioX)

Désert dystopique ou paradis post-pandémie? Il est facile d’imaginer toutes sortes d’avenirs possibles à l’approche de la conclusion, que nous espérons définitive, de notre affrontement avec la COVID-19. 

Malgré la nature par définition mondiale de la pandémie, la vie d’après différera en fonction de divers facteurs : notre pays, notre profession et notre milieu de vie – grande ville, petite municipalité ou région rurale.

La plupart des experts s’entendent néanmoins sur l’impossibilité de revenir en arrière. Comme le dit Jim Carroll, FCPA, futurologue et fondateur de J.A. Carroll Consulting : « Tout le monde se demande à quand le retour à la normale. Mais ce n’est pas demain la veille. Nous entrons dans un futur inédit, fondamentalement différent de tout ce que nous avons connu auparavant. »

COMBIEN DE TEMPS ENCORE?

Le dénouement de la pandémie de COVID-19 repose sur deux variables interdépendantes, car si notre façon de la gérer dépend de sa durée, l’inverse est tout aussi vrai.

David Passig, futurologue, auteur de The Future Code et de 2048 et professeur à la faculté d’éducation de l’Université Bar-Ilan, en Israël, retient trois scénarios.

1) La pandémie se dissipe au bout d’un an ou deux avec un bilan d’environ un million de morts, mais sans laisser d’empreinte durable. « La mémoire est une faculté qui oublie, explique M. Passig. Les gens ne veulent pas trop penser aux traumatismes et s’efforcent de reprendre leurs vieilles habitudes. »

2) Le nombre de décès causé par le virus augmente fortement (et pourrait atteindre 100 millions). « Dans ce cas, il nous faudra encore cinq ans pour s’en remettre. »

3) La pandémie s’étire sur 5 à 10 ans, et le nombre de victimes avoisine les 300 millions. Dans ce scénario imprévisible, « les contacts humains diminueront, et nous aurons besoin de 10 ans à 20 ans, peut-être même plus, pour surmonter notre crainte des rapprochements avec les autres ».

Évidemment, un vaccin aurait un effet déterminant sur la longévité du virus. Mais nul ne sait si un tel vaccin sera un jour disponible. 

C’est pourquoi un groupe de spécialistes des maladies de Harvard este qu’une certaine forme de distanciation physique intermittente restera nécessaire durant plusieurs mois, voire des années. John Craig, résident d’Hamilton en Ontario, le formule ainsi : « C’est six pieds de distance ou six pieds sous terre. »

NOUVELLES RÈGLES DE TRAVAIL

Dans ces circonstances, nous devrons assurément adapter d’une manière ou d’une autre plusieurs de nos habitudes, y compris pour ce qui est du travail.

Par exemple, le travail dans un bureau, en particulier dans une tour, ne sera plus jamais pareil. On pourrait assister à l’installation de sas dans les immeubles pour prévenir la contagion et, en période d’éclosion, à la mise en œuvre de protocoles exigeant, à l’arrivée et au départ, une brève exposition à une dose d’ultraviolets suffisante pour éradiquer les microbes. 

Une pléthore de précautions sont d’ores et déjà en place ou prévues, comme une limite de quatre personnes et des boutons recouverts d’une pellicule antimicrobienne dans les ascenseurs. À Manhattan, Scott Rechler, chef de la direction d’une grande société immobilière, a déclaré que son entreprise lancera une application permettant aux gens de vérifier l’indice santé d’un édifice. « Aussi, une fois dans votre espace de travail, un outil de l’application surveillera votre distanciation sociale extrême. »

Bien sûr, malgré toutes ces précautions, un environnement de bureau sans virus demeure, aux yeux de certains, une utopie

Il n’est donc pas étonnant que des employeurs, dont Facebook et Twitter, envisagent de pérenniser le travail à domicile et d’en faire leur nouvelle normalité, ce qui occasionnera une foule d’autres changements. Songeons par exemple à l’augmentation du nombre de cloisons dans les maisons neuves pour assurer la confidentialité requise pour les télétravailleurs. D’aucuns croient même que cette hausse du travail à distance pourrait favoriser la croissance des banlieues.

VOYAGES AÉRIENS REPENSÉS

Autrefois l’apanage d’une élite fortunée, l’industrie mondiale du voyage s’était étendue à un plus vaste public ces dernières années, grâce à des transporteurs au rabais qui ont rendu les vols bien plus abordables. Maintenant que de nouvelles mesures de sécurité augmentent le coût des vols, plusieurs entrevoient un retour à la situation antérieure. Les grands exploitants comme Air Canada perdent des milliards de dollars, et très peu de compagnies aériennes à prix modiques survivront. Comme les transporteurs seront moins nombreux et qu’ils assureront moins de vols directs, qui accueilleront aussi moins de passagers, le prix des billets risque fort d’exploser.

Ceux qui encaissent le choc du prix doivent s’attendre à une vérification obligatoire de leur température avant l’embarquement, au port du masque non médical et à des files d’attente beaucoup plus longues.

Quelle sera l’incidence de ces changements? Probablement la disparition des voyages d’affaires de courte durée tels que nous les connaissons. Pour reprendre les paroles de Frédéric Dimanche, de la Ted Rogers School of Hospitality and Tourism Management de l’Université Ryerson : « C’est la fin des voyages d’affaires éclair. »

M. Carroll abonde dans le même sens, en ajoutant que l’industrie des congrès et colloques a aussi du plomb dans l’aile. « Un exploitant compte limiter à 50 le nombre de participants et offrir, au lieu d’un appétissant buffet, des sandwichs enveloppés de pellicule plastique. Qui voudra investir dans des exercices de consolidation d’équipe dans ces conditions? »

RESTRICTIONS QUOTIDIENNES

Comment se déroulera notre quotidien dans le monde d’après la COVID-19? Il ne fait aucun doute que les visites chez le dentiste ou le coiffeur seront plus compliquées qu’avant, puisque ces professions comptent parmi celles qui exigent des contacts étroits avec les gens. (Dans un récent avis, un cabinet de dentiste préconise, entre autres précautions, une procédure de dépistage préalable au traitement.)

Pour d’autres services, comme les consultations médicales, le téléphone et le logiciel Zoom demeurent des substituts acceptables aux visites en personne. Selon Erez Cohen, chargé de cours en économie politique et politiques publiques à l’Université Ariel, en Israël, il pourrait en être de même pour l’enseignement. M. Cohen pense en effet que les cours en classe pourraient devenir « chose du passé ». (Compte tenu de l’incertitude qui entoure la rentrée de septembre, M. Carroll estime le moment peu propice aux décisions concernant les universités.)

Quant au commerce de détail, l’essor du magasinage en ligne observé en temps de pandémie devrait se maintenir. Certains avancent que cette situation causera une homogénéisation du marché du détail. Selon un auteur, « nous amorçons une nouvelle étape de l’évolution, où les grandes sociétés prendront de l’expansion pendant que les entreprises familiales périssent, et où la prolifération des chaînes éliminera les particularités qui font la fierté de nombreux quartiers. »

Le même article offre toutefois une lueur d’espoir : « Si les villes perdent leur attrait dans les prochaines années, il coûtera moins cher d’y vivre. Au fil du temps, les loyers plus abordables pourraient attirer des entreprises, des idées et des gens plus novateurs. Ainsi, l’héritage du coronavirus aura été un cycle : des souffrances et tragédies suivies d’une renaissance. »

DÉPLACEMENTS SÉCURITAIRES

La vue d’autobus circulant quasi vides représente l’un des plus sinistres rappels de la pandémie. Reviendra-t-on un jour à un achalandage normal, sans parler de la cohue aux heures de pointe? Rien n’est moins sûr. Une étude révèle que chacune des 27 000 personnes qui utilisent le réseau de métro de Washington durant la période de pointe matinale habituelle pourrait interagir avec environ 1 200 autres usagers. Il n’est donc pas surprenant d’apprendre que des services tels la Commission de transport de Toronto auraient entamé des pourparlers avec les autorités municipales en vue d’étaler la demande en dehors des heures de pointe.

Le transport en commun n’est pourtant pas le seul touché. Les autocars et taxis pâtissent tout autant.

Que reste-t-il? L’industrie du cyclisme est florissante : de Vancouver à New York, les magasins de vélos profitent d’une explosion des ventes. 

Mais la bicyclette a ses limites. C’est pourquoi plusieurs, dont M. Carroll, croient que nous allons en revenir à une solution non écologique : la voiture personnelle. « Personne ne voudra prendre les trains de banlieue. Les métros vont souffrir. Tout le monde se déplacera en auto. Les émissions de carbone vont sans doute augmenter, car nos véhicules tiendront désormais lieu de bulle de sécurité. »

INTERACTIONS PERSONNELLES PRUDENTES

D’ici une trentaine d’années, nous pourrions vivre dans un monde où, selon un auteur, « les rencontres fortuites ne jouiront plus de la même acceptabilité qu’à l’époque révolue de l’insouciance ».

Nous n’en sommes pas encore là. Pourtant, au fil de la réouverture de l’économie, bien des gens resteront probablement prudents, prédit Kyle Murray, vice-doyen et professeur de marketing de l’Alberta School of Business. « Selon les données d’études préliminaires, la population demeurera très vigilante. »

« Il y aura bien quelques téméraires, disposés à prendre des risques, ou les plus extravertis, à qui les interactions sociales manquent particulièrement cruellement, mais ils seront relativement peu nombreux. »

Ces extrêmes sont présents en certains endroits. À Montréal, par exemple, un parc bondé a amené le concepteur sonore Sam Eck à lancer : « Ces gens sont la raison pour laquelle je ne retournerai pas au travail de sitôt. »

Dans la traversée de l’épreuve que constitue le virus, la tolérance pourrait bien devenir le nouveau mot d’ordre. Malgré tout, la transition risque de se révéler plus difficile pour certaines personnes. Comme l’exprime M. Carroll : « Nous avons vécu un grand choc sociétal en prenant conscience du danger que représente la proximité des autres. Pensez aux enfants de maternelle. J’ai entendu de nombreux exemples d’enfants terrifiés par un microbe et que maman et papa disent de ne pas s’approcher des gens. Combien de temps faudra-t-il pour dissiper ces peurs? À mon avis, l’effet sera colossal, et indélébile, pour cette génération. »

CHANGEMENT DE PERSPECTIVE

La violente commotion causée par la COVID-19 a suscité de nombreuses réflexions sur l’avenir de nos politiques publiques, notre philosophie économique et notre ouverture sur le monde.

Entre autres sujets, les débats ont tourné autour des soins de longue durée, de l’hébergement des sans-abri et de la nécessité d’un revenu de base garanti. Pour beaucoup, il s’agit aussi d’une occasion de réduire notre impact environnemental. Au Canada, par exemple, le gouvernement fédéral exigera des grandes entreprises canadiennes bénéficiant de mesures de soutien qu’elles divulguent leurs pratiques en ce qui concerne le changement climatique et l’environnement. Elles devront notamment présenter des rapports au Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques.

Évidemment, de telles mesures ne plaisent pas à tout le monde. De l’avis de Gord Beal, CPA, vice-président, Recherche, orientation et soutien à CPA Canada : « Nous vivrons des tensions à l’échelle mondiale résultant du désir de relancer l’économie d’une part, et de la volonté d’assurer une relance plus globale et plus durable, d’autre part. »

Dans l’ensemble, toutefois, la plupart des observateurs ont de l’espoir quant à notre avenir collectif.

Don Tapscott, cofondateur et président-directeur général du Blockchain Research Institute, a de l’espoir : « Quand toute cette situation sera chose du passé (ce qui finira par arriver), notre façon de travailler, de nous divertir et de vivre au quotidien pourrait bien avoir changé radicalement, mais en mieux. Nous pourrions devenir de meilleurs citoyens du monde, plus concernés par l’actualité et les choix politiques, plus engagés, plus attentifs à notre famille, plus reconnaissants. »

Pour sa part, M. Beal espère que l’humanité considérera la pandémie comme un avertissement. « Il serait déplorable de simplement oublier cette épreuve et d’essayer de revenir en arrière. Nous devons envisager les choses autrement : notre manière d’exercer nos activités et d’être en harmonie avec la nature et les uns avec les autres. C’est pour ainsi dire la fin de l’innocence, mais il faut aussi que ce soit la fin de l’ignorance. »

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