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Lana Paton
Articles de fond
Magazine Pivot

Aider les femmes à réussir dans les hautes sphères de l’organisation : défi réussi pour cette CPA

Lana Paton, de PwC Canada, lutte contre préjugés et partis pris, tend la main aux femmes en route vers les sommets, et reste fidèle à ses racines.

Lana PatonLana Paton a mis sur pied un autre programme de bourses pour les étudiantes en finance et en comptabilité de l’Université de Waterloo. (Ebti Nabag)

Fille d’immigrants grecs arrivés au Canada dans les années 1960, Lana Paton, CPA, a vu ses parents vaincre l’adversité et redoubler d’efforts pour s’intégrer. Animée par la même détermination, elle a fait figure de pionnière dans la profession. Au fil d’une carrière de 29 ans chez PwC Canada, première femme nommée leader des Services fiscaux du cabinet, seconde femme nommée associée directrice pour la région du Grand Toronto, Lana Paton s’est hissée au sommet et dirige une équipe de quelque 3 500 personnes. Ses réalisations lui ont valu d’être nommée Fellow de CPA Ontario en 2021.

Au long de son remarquable parcours, Lana Paton n’a jamais oublié ni ses origines modestes ni l’importance de la générosité. Pilier de la communauté grecque ontarienne, elle siège au conseil d’administration de la Hellenic Heritage Foundation et a créé une bourse d’études pour prêter main-forte aux jeunes d’Oshawa, sa ville natale. Elle a siégé six ans au conseil d’administration de la Fondation Rêves d’enfants, où elle s’est investie une dizaine d’années. Lana Paton a aussi mis sur pied un autre programme de bourses, pour les étudiantes en finance et en comptabilité de l’Université de Waterloo. Son but? Inciter les femmes à prendre en main leur carrière pour défoncer le plafond de verre de la finance et de la comptabilité.

Votre famille est d’origine grecque. Ce patrimoine a-t-il façonné votre parcours?

À Oshawa, où j’ai grandi, mes parents faisaient partie des bâtisseurs de la communauté grecque. Mon père, charpentier-menuisier en Grèce, a eu toutes les peines du monde à trouver du travail. Pour joindre les deux bouts, ma mère travaillait comme couturière, et lui, comme cuisinier. Chemin faisant, il a tout de même réussi à devenir propriétaire de plusieurs restaurants.

Quand je vis des difficultés, je pense à leur force, au courage qu’ils ont déployé pour surmonter les épreuves. Mes parents sont devenus des Canadiens sans jamais oublier leurs racines. Au début, ils ne parlaient pas un mot d’anglais, mais ils ont pu compter sur le soutien d’immigrants déjà installés, et c’est là que j’ai saisi l’importance de la générosité, de la réciprocité. On donne, on reçoit. C’est vrai, nous n’avions pas grand-chose, mais mes parents, mon frère et moi avons toujours fait du bénévolat en famille. On participait à toute une ribambelle d’activités communautaires et municipales, à l’église, dans la communauté grecque – troupe de danse, vente de pâtisseries, et j’en passe – pour donner un coup de main aux autres et appuyer des œuvres de bienfaisance.

Mon appartenance à une communauté multiculturelle aux prises avec des difficultés m’a amenée à prendre conscience des différences propres à chacun, surtout celles qu’on ne voit pas. À cause du nom que je porte, certains ont cru que je venais d’une famille privilégiée, établie au Canada depuis toujours. Jamais ils n’auraient pensé que j’étais une immigrante de première génération, issue d’un milieu ouvrier. Voilà pourquoi j’évite de porter des jugements à l’emporte-pièce, et me méfie des idées préconçues. Quand on a des a priori, on se trompe souvent. Je prends donc le temps d’apprendre à connaître les autres, je fais preuve d’empathie et de compréhension, pour mieux tisser des liens dans les sphères personnelle et professionnelle.

Pourquoi avoir choisi la comptabilité?

J’ai toujours aimé résoudre des problèmes. Plus l’énigme est complexe, plus j’y prends goût! En comptabilité, toute question découle essentiellement d’un enjeu compliqué. Quand j’étudiais les sciences comptables à l’Université de Waterloo, d’une année à l’autre, les problèmes devenaient plus difficiles, un défi qui me plaisait. C’est un domaine dynamique, en constante évolution, où les paramètres ne sont jamais statiques. Durant mes premières années chez PwC, au milieu des années 1990, je trouvais gratifiant de constater que, par mes efforts, j’aidais les clients à éviter des écueils considérables. La camaraderie qui se développe entre clients, collègues et mentors, qui s’emploient tous à résoudre un problème, m’inspire et me motive. Mon travail ne se limite pas à un objectif d’avancement professionnel. Continuer à relever des défis, c’est aussi évoluer, être en relation avec les autres.

Vous êtes la première femme à diriger les Services fiscaux de PwC Canada et la seconde femme nommée associée directrice pour la région du Grand Toronto, tout un exploit. Quelles difficultés avez-vous rencontrées?

Croyez-le ou non, l’une des plus hautes barrières à franchir, c’était peut-être mes propres doutes. Il m’a fallu du temps pour me convaincre que je pouvais accomplir de grandes choses et aller au-delà de mes limites. Quand j’ai été nommée associée en 2006, la diversité n’était pas au rendez-vous, notamment à cause des préjugés subtils, souvent inconscients, qui sévissaient alors et qui ont la vie dure, encore aujourd’hui, malgré les efforts du cabinet et des acteurs du milieu pour s’y attaquer de front.

À l’époque, je me voyais difficilement occuper certains postes auxquels j’aspirais, car les femmes, en général, n’exerçaient pas de telles fonctions. J’ai adopté une perspective diamétralement opposée : au lieu de me cantonner dans le rôle d’associée en fiscalité, j’ai dû imaginer que j’endosserais un poste de direction et agir pour y arriver.

Quand j’ai été promue leader des Services fiscaux, en 2016, bien des femmes m’ont confié que mon exemple les avait incitées à repousser les frontières de la profession et à devenir elles aussi des pionnières. C’est pourquoi il s’avère primordial de continuer à préparer l’avenir de la diversité dans différentes fonctions. On peut s’identifier aux titulaires, se représenter à leur place. La diversité favorise la diversité, par effet d’entraînement.

Comment faire pour promouvoir la diversité chez PwC?

J’ai eu la chance de côtoyer des mentores, qui m’ont encouragée à viser plus haut, et je souhaitais jouer le même rôle auprès de jeunes femmes en cheminement de carrière au cabinet. En 2013, PwC Canada a créé l’initiative Femmes et leadership, un programme d’accompagnement de six mois, qui mise sur les séminaires et le réseautage.

Essentiellement, les participantes sont invitées à examiner en profondeur leurs forces, leurs passions et leurs valeurs, et à décortiquer les préjugés sous-jacents qu’elles pourraient rencontrer. Le programme leur donne accès à du parrainage et à des échanges avec des dirigeantes, qui s’expriment sur leur propre parcours et sur les embûches rencontrées.

Je suis engagée dans ce programme depuis ses débuts, à titre de présentatrice et de mentore. Mon objectif? Aider les femmes et les candidats d’horizons divers à comprendre comment changer d’état d’esprit. Adopter une attitude différente, c’est aussi montrer aux autres comment procéder pour transformer la leur. Le programme, qui fête son dixième anniversaire, connaît un franc succès : en 2022, 70 % de nos nouvelles associées figuraient parmi ses diplômées. Je reste en contact avec nombre d’entre elles, et j’en ai vu plusieurs s’affirmer et prendre en main leur carrière. Cela dit, bien entendu, nous devons tous et toutes continuer à favoriser l’égalité des sexes dans les postes de direction en finance.

Est-ce là que la bourse Women in Finance, que vous avez créée, entre en jeu?

Tout à fait. À l’époque où je fréquentais l’Université de Waterloo, j’ai dû travailler pour financer mes études, mais j’ai eu la chance de décrocher quelques bourses. En 2020, pour aider les femmes aux prises avec des contraintes, j’ai créé une bourse destinée aux étudiantes de l’École de comptabilité et de finances de l’Université de Waterloo. À ce jour, j’ai versé un apport de 100 000 $, et trois étudiantes ont reçu une bourse. À cause de la pandémie, je n’ai pas pu les rencontrer en personne, mais elles m’ont toutes envoyé une vidéo pour me remercier, ce qui m’a profondément touchée. Mais surtout, mon exemple a incité cinq autres diplômés de l’Université à créer leurs propres bourses. Un geste de générosité en attire un autre.

Quels conseils donner à nos lectrices CPA?

Dites « oui » plus souvent que « non », sortez de votre zone de confort, lancez-vous des défis. Portez un regard neuf sur vous-même, et les autres vous verront d’un œil neuf eux aussi. N’attendez pas non plus qu’une occasion se présente à vous. Prenez les devants. Pensez à des façons d’agir pour mener votre barque, au lieu de vous en remettre à quelqu’un d’autre. Adoptez une approche dynamique, et vous réussirez à combattre certains préjugés tenaces, qui perdurent dans certains milieux.

En savoir plus

Voyez en quoi la présence de femmes à des postes de direction est essentielle pour améliorer les résultats d’une organisation. Découvrez pourquoi le réseautage est indispensable pour les entrepreneures autochtones et comment les femmes peuvent trouver leur voix en tant que leaders. Enfin, lisez de quelle façon la CPA Jenny Okonkwo ouvre des pistes d’avenir et noue des liens féconds pour favoriser l’essor de ses consœurs en comptabilité.