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Une femme se tient devant une remorque utilisée comme magasin mobile, avec un fond enneigé
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Le réseautage est essentiel à la réussite des entrepreneures autochtones

Selon des expertes, une formation financière adaptée permet aux femmes autochtones qui travaillent à leur compte de développer leur sens des affaires et de le transmettre aux générations suivantes.

Une femme se tient devant une remorque utilisée comme magasin mobile, avec un fond enneigéInuujaq Leslie Fredlund, cliente du centre d’aide aux entreprises de Kivalliq et participante à la campagne de l’ANSAF sur les modèles de femmes autochtones, est photographiée à côté de sa boutique, Maybe Somewhere, à Rankin Inlet. Sa boutique mobile offre à la clientèle divers produits inuits, nunavummiuts et autochtones, dont des bijoux, des vêtements, des produits cosmétiques et de la musique. (Photo Fred Cattroll)

Pour de nombreuses femmes autochtones, l’entrepreneuriat est une source d’épanouissement, de liberté personnelle et d’indépendance financière.

Leaders innées, et reconnues ainsi dans leurs communautés, elles sont une source d’inspiration et de fierté pour les générations futures. Fortes de leur influence, elles jouent un rôle clé dans la guérison d’un passé douloureux et dans l’adoption d’une nouvelle façon d’envisager l’avenir, comme le soulignera, le 30 septembre, la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation.

Lorsqu’elles mettent sur pied leur propre entreprise, les femmes autochtones font face à des défis particuliers, mais connaissent aussi des réussites uniques. Pour en apprendre plus sur le sujet, CPA Canada s’est entretenue avec Relay Tangie, CPA, et Magnolia Perron, toutes deux de l’Association nationale des sociétés autochtones de financement (ANSAF).

L’ANSAF est un réseau de plus de 50 institutions financières autochtones (IFA) ayant pour mandat de promouvoir la croissance économique des Autochtones du Canada. Par sa formation complète sur la capacité financière, l’ANSAF offre du soutien aux entrepreneures autochtones, les aidant ainsi à faire un pas de plus sur le chemin de la réconciliation économique.

Mme Tangie, Afro-Canadienne de descendance camerounaise, et Mme Perron, originaire du territoire mohawk de Tyendinaga et fière membre des Mohawks de la baie de Quinte, expliquent qu’un sens de l’entrepreneuriat confère aux femmes autochtones une longueur d’avance et que les programmes de formation adaptés de l’ANSAF favorisent grandement leur réussite.

CPA CANADA : Les femmes autochtones jouent un rôle important dans leur communauté. Comment cet aspect les prépare-t-il à l’entrepreneuriat?
Magnolia Perron (MP) :
Les femmes autochtones ont toujours été au centre de la famille et ont participé au développement de nos communautés.

Le leadership et l’entrepreneuriat sont des qualités innées chez elles. Prenez les activités de défense des droits de nos communautés : ce sont souvent les femmes qui montent aux premières lignes.

Qu’il s’agisse de soutenir les travaux en cours ou de créer des emplois, les entrepreneurs autochtones, surtout les femmes, intègrent souvent à leur entreprise des valeurs culturelles en fonction des besoins de leur communauté.

Leurs entreprises mettent souvent l’accent sur la durabilité et le principe iroquois des sept générations.

CPA CANADA : Que pouvez-vous nous dire de la réalité des entrepreneures autochtones?
MP :
L’une de leurs principales difficultés est d’obtenir des capitaux, à cause des critères d’admissibilité.

Bon nombre de femmes autochtones sont réticentes à s’endetter; elles misent donc sur un soutien financier sous forme de subventions ou d’aide non remboursable.

La plupart des grandes institutions financières exigent des garanties pour l’octroi de fonds. Or, l’article 89 de la Loi sur les Indiens interdit l’utilisation de biens situés sur une réserve à cette fin, ce qui peut constituer un obstacle pour obtenir du capital. Les exigences relatives à la cote de crédit peuvent aussi nuire aux femmes autochtones, certaines n’ayant même pas accès à une institution financière.

En outre, pour avoir droit au financement, les femmes doivent se consacrer à leur entreprise à temps plein. Bon nombre d’entre elles commencent par travailler à domicile ou à temps partiel, ce qui nuit à leur admissibilité.

Une autre difficulté courante consiste à concilier les responsabilités professionnelles et familiales. Les femmes autochtones ont habituellement de lourdes responsabilités familiales et communautaires. Lorsqu’il s’agit de suivre une formation et des ateliers en entrepreneuriat, des obligations comme la garde des enfants et le transport peuvent poser problème.

Malgré ces obstacles, les femmes autochtones lancent souvent leur entreprise avec leurs économies personnelles. Des études montrent, chez les Autochtones, une augmentation plus rapide du nombre de travailleuses autonomes que du nombre de travailleurs autonomes.

Même si, en chiffres absolus, moins de femmes que d’hommes autochtones ont un travail autonome, le taux de croissance chez celles-ci entre 2011 et 2016 était de 46 %, contre 37 % chez les hommes pour la même période.

Collage d'images de Relais Tangie et Magnolia PerronMme Tangie (gauche) est directrice des finances à l’ANSAF, et Mme Perron, agente du programme pour les femmes et les jeunes autochtones. (Photo de Mme Tangie – Crédit : Fred Cattroll; Photo de Mme Perron – Crédit : Laura Dimitroff)

CPA CANADA : Dans le cadre de la conférence virtuelle Mastering Money, vous aborderez le récent sondage de l’ANSAF sur l’entrepreneuriat des femmes autochtones. Pouvez-vous nous en parler?
MP
: D’après le sondage sur les entrepreneures autochtones au Canada, les femmes se lancent en affaires d’abord et avant tout par passion pour un produit ou un service; viennent ensuite le désir de bénéficier de plus de souplesse et de liberté, puis celui de générer un revenu pour leur famille.

Il importe de leur offrir une formation ciblée : comment lancer, exploiter et faire évoluer une entreprise, accéder au financement et établir le budget? Cette formation doit avoir lieu dans un environnement propice aux discussions et adapté à leur situation (par exemple, dispositions pour faciliter la garde des enfants et le transport).

Les programmes de formation doivent aussi refléter la culture et la situation des femmes autochtones au Canada, qu’il s’agisse d’une femme des Premières Nations vivant dans une réserve ou d’une Métisse vivant en milieu urbain.f

CPA CANADA : Sur quels aspects de la littératie financière et du sens des affaires porte la formation sur la capacité financière offerte par l’ANSAF?
Relay Tangie (RT) :
Nous savons que la littératie financière va de pair avec le sens des affaires. Les entrepreneures doivent être au fait de leur situation financière pour prendre des décisions judicieuses et bien comprendre les conséquences de chaque décision financière.

Notre étude a révélé des lacunes au chapitre des connaissances pratiques : établissement d’un plan d’affaires, gestion des flux de trésorerie, rapport entre le bénéfice et la trésorerie, régimes fiscaux fédéral et provinciaux.

La confiance est également un facteur essentiel. La confiance de pouvoir réussir, parce qu’elles en ont vu d’autres, est inhérente à l’identité des femmes autochtones. Or, les modèles de rôle, ainsi que le mentorat, contribuent à stimuler la confiance. On a toujours besoin d’un mentor, quel que soit son degré de réussite.

CPA CANADA : Vous avez mis au point une série de manuels sur la capacité financière destinés aux futures entrepreneures. Comment ces manuels aident-ils les femmes autochtones à connaître la réussite financière et commerciale?
RT :
Nous avons mené une longue étude avant de mettre au point le matériel de formation. Nous avons remarqué que les manuels de littératie financière destinés aux entrepreneurs étaient un peu trop avancés pour les personnes qui s’initient à l’entrepreneuriat.

Nos manuels visent à amener les nouvelles entrepreneures à comprendre l’importance d’une situation financière personnelle solide pour la réussite en affaires.

Sur le plan théorique, les manuels couvrent trois grandes sphères : l’établissement d’objectifs, la mentalité et l’épargne; le revenu, les dépenses et le budget; les activités bancaires et le crédit.

Sur le plan pratique, les ateliers de formation ont lieu dans une IFA, ce qui facilite l’établissement initial de relations avec une institution financière. Les femmes ont ainsi l’occasion de réseauter dans un contexte propice, car chacun sait qu’on ne peut faire des affaires seul.

Enfin, les manuels sont adaptés aux besoins des communautés autochtones, très diversifiées, à l’échelle du pays. Cette pertinence contextuelle est essentielle à la perception de la matière enseignée.

CPA CANADA : Comment ces femmes influencent-elles leur communauté et la prochaine génération d’entrepreneures autochtones?
RT :
Les modèles de rôle prouvent que leurs aspirations sont réalisables.

Cette représentation féminine en affaires montre à d’autres femmes autochtones qu’elles peuvent, malgré les contraintes existantes, parvenir à leurs fins et réussir.

Ce soutien s’étend à leur communauté. La présence accrue de femmes autochtones dans le monde des affaires se traduit par une hausse de l’emploi et une baisse du recours à l’aide sociale. Culturellement, on revient au principe des sept générations : en transmettant ses connaissances et ses compétences, on perpétue les traditions.

CPA CANADA : La première Journée nationale de la vérité et de la réconciliation a lieu cette année. Quel rôle joue l’entrepreneuriat dans le processus de guérison pour les peuples autochtones?
MP :
L’entrepreneuriat, qui a toujours existé dans les communautés autochtones, peut être une source de fierté et de guérison. C’est une occasion, pour les Autochtones, de s’engager dans la collectivité. De plus, ceux qui n’ont pas grandi dans une communauté autochtone ni baigné dans leur culture ont ainsi la chance d’apprendre celle-ci ou de renouer avec elle. L’utilisation de sa langue est une manière efficace d’intégrer la culture et les connaissances autochtones à son entreprise.

L’entrepreneuriat peut aussi jouer un rôle important pour rétablir le respect dans la perception qu’on a des peuples autochtones. Pour les Canadiens, il s’agit aussi d’une excellente occasion de s’informer sur la culture et l’apport des Autochtones à l’économie. Cet apport est perceptible dans le monde des affaires, où l’on témoigne de son histoire et de son vécu. Cette occasion d’apprentissage est remarquable.

POUR EN SAVOIR PLUS

Inscrivez-vous à la séance d’information sur la réalité des entrepreneures autochtones animée par Relay Tangie et Magnolia Perron, de l’ANSAF, lors de la conférence virtuelle Mastering Money, les 3 et 4 novembre.

Pour connaître les perspectives qui s’offrent à la prochaine génération de CPA autochtones, consultez la page « Introduction à la culture des peuples autochtones » de CPA Canada. Vous pouvez aussi vous renseigner sur la défense du logement autochtone par un CPA et sur la prospérité de certains vignobles autochtones malgré l’adversité.