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Portrait de CPA Jenny Okonkwo
Articles de fond
Magazine Pivot

La CPA Jenny Okonkwo mise sur ses propres expériences pour favoriser le changement

En valorisant l’équité, la diversité et l’inclusion, Jenny Okonkwo ouvre des pistes d’avenir et noue des liens féconds pour favoriser l’essor de ses consœurs en comptabilité.

Portrait de CPA Jenny OkonkwoElle-même immigrante, Jenny Okonkwo connait une partie des obstacles systémiques propres à la profession comptable et présents dans le monde du travail. (Photo Claudine Baltazar)

Non, tout n’est pas rose quand on est femme, même au Canada. Inégalités, insuffisance des revenus, précarité, 2,4 millions de femmes et de filles se situent parmi les plus mal lotis. Encore aujourd’hui, pour un dollar gagné par les hommes, les femmes ne touchent que 89 cents, et pour celles des communautés autochtones et racialisées, le chiffre plonge à 67 cents. Les femmes du Canada (plus de la moitié de la population, tout de même) n’occupent que 35 % des postes de direction, et moins de 31 % des fonctions de cadre supérieur. Dans les hautes sphères, les femmes de couleur ne représentent que 6,2 % des membres du conseil d’administration, des cadres supérieurs et des équipes de direction en général, et les femmes noires, autochtones, handicapées ou membres de la communauté LGBTQ2IA+, moins de 1 %.

D’origine britannique, Jenny Okonkwo, CPA, FCMA (Royaume-Uni), CGMA, FPAC, MBA, apporte un regard neuf sur la situation des femmes dans le monde des affaires au Canada. Si elle ne se destinait pas à devenir une des porte-étendards de l’équité, de la diversité et de l’inclusion (EDI), son vécu comme comptable noire et nouvelle arrivante l’a amenée à se mobiliser autour des enjeux de la représentation, du soutien et de la visibilité.

CPA de talent, autrice, conférencière, ferrée sur les questions d’EDI, Jenny Okonkwo s’est classée parmi les 100 Canadiennes noires les plus accomplies du réseau 100ABCWomen et parmi les finalistes des Prix RBC des 25 grands immigrants au Canada. Son leadership et son engagement dans le milieu ont été soulignés par le Diversity Advancement Network, CPA Ontario et le député fédéral Omar Alghabra, ministre des Transports. Elle a fondé le Black Female Accountants Network (BFAN) et SherOpportunity, et intervient comme consultante en EDI dans le secteur des services publics.

PIVOT : Pourquoi avoir choisi les enjeux d’EDI et, surtout, pourquoi avoir créé le BFAN et SherOpportunity?
JENNY OKONKWO (JO) : J’ai d’abord été interpellée par les enjeux de la validation de l’expérience et des compétences acquises à l’étranger. À mon arrivée ici, j’ai vécu un choc culturel. Pour accéder au marché du travail, j’ai dû me plier à des exigences de certification dans un domaine où j’étais pourtant aguerrie. Le gouvernement fédéral nous apprend que 62,4 % des nouveaux arrivants en 2021 appartenaient à la catégorie de l’immigration économique, qui englobe une multitude de professions, dont celle de comptable.

À souligner, selon des travaux récents du Toronto Region Immigrant Employment Council, les immigrantes, moins bien rémunérées que leurs pairs masculins et que les Canadiens de souche, affichent aussi un taux de chômage plus élevé.

CPA Jenny Okonkwo avec l'équipe BFAN au 5e Sommet annuel des femmes en leadershipJenny Okonkwo (3e à partir de la gauche) avec l’équipe du BFAN lors du 5e sommet annuel sur le leadership des femmes. (Photo avec l’autorisation de Jenny Okonkwo)

PIVOT : En quoi votre titre de CPA vous aide-t-il comme spécialiste des enjeux d’EDI?
(JO) : Forte de mon parcours de professionnelle issue de l’immigration, je connais une partie des obstacles systémiques propres à la profession comptable et présents dans le monde du travail. Mon titre m’a aidée à les surmonter, et j’applique les leçons que j’en ai tirées à l’avancement de l’EDI. On parle ici de diverses facettes du prisme, parfois sous-jacentes, au-delà du genre et de la race : capacités, appartenance ethnique, orientation sexuelle, lieu de naissance, pays où l’on a fait ses études et travaillé, statut d’immigration, âge, état civil sont parmi les axes en jeu.

PIVOT : Quelles embûches persistent pour les femmes des collectivités autochtones, noires et de couleur qui évoluent en comptabilité et en finances?
(JO) : Elles restent sous-représentées dans quelques domaines, d’où plusieurs problèmes, notamment un sentiment d’isolement, voire d’insécurité au travail. Pour prêter main-forte à ses membres, le BFAN pallie le déficit de représentation. Il s’agit de favoriser le sentiment d’appartenance professionnelle, de cultiver les interactions avec les consœurs, et de faire connaître des personnalités qui évoluent aux échelons supérieurs et qui joueront un rôle de mentor, de marraine.

PIVOT : Donc, les initiatives du BFAN et de SherOpportunity favorisent l’équité et donnent un coup de main aux femmes CPA qui veulent gravir les échelons?
(JO) : Les femmes CPA issues de la diversité raciale ont besoin d’accompagnement pour décrocher un poste qui leur permettra de s’illustrer. Le BFAN donne à ses membres bénévoles des occasions d’acquérir des savoir-faire utiles, convoités par les employeurs. Bien des membres ont tiré parti de leur travail bénévole pour élargir leur gamme de talents et apporter aux autres des retombées positives. Il peut être question de présenter des femmes à des forums de leadership où elles participeront, de créer des groupes de ressources pour les employées et de siéger à un comité sur l’EDI en milieu de travail.

Grâce au climat de bienveillance que le BFAN instaure, aux relations qu’il entretient et à l’aide que ses membres établies procurent, les immigrantes et les non-immigrantes sont accompagnées pour cheminer vers l’obtention du titre de CPA. Ces femmes ont accès à du mentorat, des conseils d’orientation professionnelle et des renseignements sur les postes à pourvoir.

Pour son cinquième sommet annuel sur le leadership des femmes, le BFAN a eu le privilège d’accueillir comme conférencière d’honneur Pamela Steer, présidente et chef de la direction de CPA Canada. C’est dire l’importance qu’attache l’organisation aux enjeux d’EDI dans la profession et dans les milieux où elle intervient.

Le programme SherOpportunity accueille des femmes CPA des communautés autochtones, noires et de couleur en milieu de carrière et déjà arrivées aux échelons supérieurs, qui veulent aller encore plus loin. Il s’agit de les guider pour les amener à présenter une candidature convaincante, dans leur organisation ou ailleurs. Nous les orientons aussi pour qu’elles puissent rester en poste, une fois nommées. Au fil d’activités de groupe, elles tissent des liens étroits, et s’outillent afin de progresser et de réaliser leurs objectifs.

PIVOT : Quel sera le prochain jalon de votre parcours dans l’univers de l’EDI?
(JO) : Le 1er décembre dernier, j’ai cédé les rênes du BFAN à deux coprésidentes, une Ontarienne et une Saskatchewanaise. Je serai notamment appelée, de concert avec l’équipe sortante à la vice-présidence, à les épauler pour qu’elles apprivoisent leurs fonctions, qui les amèneront à propulser l’organisme vers de nouveaux sommets en 2023. Comme panéliste et conférencière, je continuerai d’apporter mon éclairage et de sensibiliser le public aux enjeux de l’EDI, autour des thèmes de l’appartenance raciale, du genre, de l’intersectionnalité et de l’immigration. Le tout s’inscrit dans mon désir de rehausser l’inclusivité de la profession comptable. En 2023, afin de poursuivre le travail engagé, je m’exprimerai à l’occasion d’activités organisées pour souligner le Mois de l’histoire des Noirs et la Journée internationale des femmes. Je suivrai aussi avec attention le déroulement d’un projet auquel j’ai participé, à savoir la création, de concert avec l’Université de Toronto, d’une collection d’études de cas en EDI qui s’adressent aux CPA d’aujourd’hui et de demain.

DES LECTURES SUGGÉRÉES PAR JENNY OKONKWO

Lisez ce que Jenny Okonkwo conseille sur la façon d’étendre la portée du Mois de l'histoire des Noirs au travail. Découvrez quels défis uniques elle a dû relever en tant que femme noire dans la profession et pourquoi elle pense que la création d’un milieu de travail inclusif exige une mobilisation générale.