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Cinq personnes en caucus mettent leurs mains les unes sur les autres en signe de soutien mutuel.
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À faire ou à éviter pour être un bon allié au travail

Diversité : c’est le comportement de la direction et du personnel qui va faire bouger les choses, et non une simple politique écrite.

Cinq personnes en caucus mettent leurs mains les unes sur les autres en signe de soutien mutuel.En tant qu’allié(e) au travail, vous devez vous renseigner sur l’expérience de la personne que vous souhaitez défendre... et combattre vos propres préjugés. (Getty Images/People Images)

Les manifestations associées au mouvement Black Lives Matter, déclenchées au printemps par la mort de George Floyd, ont fait ressortir la manière dont les groupes minoritaires, notamment les personnes noires, sont traités au travail.

Les grandes entreprises sont à revoir leurs politiques de diversité et d’inclusion pour déterminer si elles font réellement quelque chose pour les groupes sous-représentés (p. ex. les Autochtones, les personnes noires ou autrement racisées, les femmes et les personnes LGBTQ2S+) ou si elles maintiennent des obstacles systémiques ou un statu quo peu équitable.

En cette matière comme en bien d’autres, les chiffres sont éloquents. Dans une enquête réalisée par Deloitte en 2019 sur l’inclusion, près des deux tiers des répondants ont déclaré avoir été victimes ou témoins de préjugés au travail. Ces personnes ont également déclaré que la situation avait eu une incidence négative sur leur productivité, leur bonheur, leur confiance et leur bien-être, mais aussi sur leur engagement au travail.

Le même sondage fait ressortir le rôle que peut jouer l’alliance inclusive pour qui souhaite bâtir une force de travail plurielle, accroître le niveau de sensibilisation, stimuler la participation de tous ou encore encourager des actions visant à modifier les pratiques et à faire évoluer les politiques.

Mais qu’entend-on au juste par « alliance inclusive »?

« Pour citer Simma Lieberman, consultante en diversité et en inclusion, un allié est une personne disposée à faire des gestes en appui à une autre personne, en vue d’abattre les obstacles externes qui gênent ses chances de faire pleinement valoir ses compétences et ses talents, dans le milieu du travail ou dans la collectivité », explique Jenny Okonkwo, CPA, fondatrice du Black Female Accountants Network (BFAN).

Dans cet esprit, voici cinq conseils utiles.

1) NE SOUS-ESTIMEZ PAS CE QUI SEMBLE ANODIN

Un commentaire ou une action qui peuvent vous sembler anodins risquent parfois d’avoir un effet durable sur une autre personne.

« Peut-être n’avez-vous pas vous-même vécu de situation de ce genre, mais ça ne veut pas dire que ceux et celles qui l’ont vécue – des personnes différentes –, ne l’ont pas trouvée dégradante, humiliante ou offensante », rappelle Karen Catlin, auteure du livre Better Allies: Everyday Actions to Create Inclusive, Engaging Workplaces. « On parle ici d’intersectionnalité... Il faut se rendre compte que l’accumulation de divers irritants pour nos collègues concernés finit par avoir une incidence sur eux; or, nous pouvons faire quelque chose. »

Au sondage de Deloitte, parmi ceux qui ont répondu avoir été victimes ou témoins de préjugés au travail, 84 % ont affirmé que cela s’était fait de façon indirecte ou subtile.

Les micro-agressions, qui prennent diverses formes (commentaires, questions, comportements), perpétuent des stéréotypes et des préjudices pernicieux. Vous présumez qu’une personne a moins d’ancienneté que vous? Vous vous adressez à un coéquipier d’une manière bien différente qu’avec les autres? Vous interrompez ou rejetez constamment les propos d’une collègue? Peut-être y a-t-il lieu de vous interroger... Le groupe dit privilégié omet souvent de dénoncer ces situations, ou feint carrément de ne pas les voir, même si les personnes de groupes sous-représentés y sont confrontées à répétition.

À titre d’allié(e), vous devez déceler ces micro-agressions et y réagir. Il existe plusieurs façons de le faire, selon le sondage précité. Par exemple, réagir sur-le-champ, pour faire cesser le comportement répréhensible; discuter ultérieurement avec la personne qui a mal agi pour lui faire prendre conscience de son comportement; parler à la personne qui a été l’objet du préjugé pour manifester votre soutien; ou encore faire part de la situation à un collègue ou à un supérieur en vue de faire changer les choses. [Voir La création d’un milieu de travail inclusif exige une mobilisation générale]

« Oui, on tombe dans les menus détails, parfois », concède Dynasti Hunt, mentore sur les questions de diversité, d’équité et d’inclusion et directrice générale de la gestion des talents chez Third Sector. Cet OSBL de San Francisco a pour mission d’améliorer les interventions sociales axées sur les occasions de perfectionnement, la stabilité du logement, la mobilité économique et la santé physique et psychologique.

« Vous, vous avez peut-être ce privilège de travailler dans un endroit où vous pouvez vous exprimer librement, sans craindre d’être congédié, jugé, “invité” à vous taire ou encore d’être perçu comme quelqu’un d’aigri ou de dérangeant », dit Mme Hunt.

Mme Catlin ajoute que des tournures telles que « J’aimerais entendre Martine finir d’exprimer sa pensée » ou « Je suis sûre que vous vous rappelez que Roger a déjà soulevé ce point » redonnent une voix à toute personne qui a été victime d’une micro-agression ou d’un préjugé.

« Il est important d’avoir des phrases du genre en réserve. Vous pouvez ainsi venir en aide à ceux dont les propos ont été interrompus ou dont les idées ont été “volées”. Évidemment, quand ça se produit, ces personnes ont peu envie de rabrouer elles-mêmes leurs collègues indélicats. »

2) AFFRONTEZ VOS MALAISES

Acceptez qu’il y aura parfois des conversations difficiles et malaisantes.

Vous et vos collègues devrez êtres conscients des comportements personnels, de la dynamique d’équipe ainsi que des pratiques et politiques de votre employeur potentiellement discriminatoires, et vous devrez composer avec tous ces facteurs, tout en étant animés d’un désir de changement.

« Oui, il risque d’y avoir de l’inconfort. Ça va exiger de vous pencher sur des aspects que vous aviez jusque-là laissés de côté, explique Mme Hunt. Vous devrez analyser chaque élément de votre comportement. »

Adopter une attitude défensive est une réaction courante. Mais n’oubliez pas qu’il ne s’agit pas de vous, de votre opinion, ni de votre expérience, mais de ceux dont vous prenez le parti.

« Il est important de se rappeler que cette notion d’alliance inclusive n’est pas une affaire de performance. Et on ne le fait pas pour se sentir mieux, dit Mme Catlin. Nous devons voir au-delà du sentiment que nous procure notre situation privilégiée et ne pas être sur la défensive, pour nous concentrer plutôt sur les expériences des autres, expériences qui ne sont pas toujours agréables, disons-le. »

Mme Okonkwo, du BFAN, encourage les alliés à trouver des liens émotifs entre eux et les combats dans lesquels ils veulent s’investir, lorsqu’ils se questionnent.

« Employez-vous à comprendre où vous vous situez sur cette échelle de privilèges, par rapport aux autres. Une fois cela fait, et en vous fondant sur cette évaluation, demandez-vous “Comment, compte tenu des privilèges dont je jouis, puis-je me comporter pour aider quelqu’un qui l’a moins facile à obtenir ces privilèges, à profiter d’occasions à saisir?” »

L’écoute est primordiale, de l’avis de Garry Round, président à l’Exploitation (Canada) chez Ryan, fournisseur mondial de services et de logiciels de fiscalité. En 2020, pour une troisième année de suite, cette entreprise figurait sur la liste des meilleurs lieux de travail au Canada en matière d’inclusion, selon Great Place to Work.

« Pour que l’écoute soit réelle, souligne M. Round, les dirigeants doivent être ouverts aux commentaires, et ils doivent éviter de se tenir sur la défensive, de nier les faits et de détourner la conversation quand un employé donne son avis. Chez Ryan, une culture qui encourage la rétroaction et la responsabilisation favorise l’écoute active. »

3) INFORMEZ-VOUS ET FORMEZ-VOUS

S’il y a une situation où il ne sied pas de s’informer auprès de « ceux qui le savent pour l’avoir vécu », c’est bien celle-là.

Les alliés doivent prendre le temps de se renseigner eux-mêmes sur l’expérience des personnes marginalisées, plutôt que de compter sur ces personnes pour avoir le portrait complet de ce qui n’est pas dit ou pas compris. Rappelez-vous : chaque personne, chaque groupe, a une expérience différente pour ce qui est des préjugés ou des décisions inéquitables dont ils ont été victimes. Cela exige donc de la sensibilité et de l’acceptation de la part de la personne alliée.

« Faites des recherches, informez-vous sur ce qui se passe, sur l’objet de cette lutte, sur son histoire... sur tout, conseille Mme Okonkwo. Vous ne pouvez pas vous attendre à ce que la personne qui fait face à un ensemble de défis le fasse pour vous. Il ne lui incombe pas de renseigner ses alliés. »

Dans un contexte professionnel, on pourra faire appel à des personnes désireuses de prendre la parole dans des webinaires ou des causeries, par exemple, pour raconter leurs expériences en matière d’iniquité et d’exclusion. Certes, un tel effort contribuera à sensibiliser les gens, mais il n’entraîne souvent que peu de changements du point de vue de l’équité au travail; au mieux, cela servira peut-être la réputation de l’organisation.

« C’est ce qu’on appelle le travail affectif, dit Mme Catlin. Affectif, parce que chaque fois qu’on nous demande de parler de nos expériences, nous revivons des situations difficiles. Ça peut être épuisant, à la longue, et ça peut être une énorme responsabilité. »

Même s’il vaut mieux ne pas demander aux personnes visées de nous renseigner, ayez tout de même le souci d’être une bonne oreille. Tâchez aussi d’être sensible aux micro-agressions et aux pratiques discriminatoires qui peuvent exister autour de vous.

« Bien important, aussi, de ne pas se contenter de s’auto-examiner, mais d’écouter activement, dit Mme Hunt. Si vous entendez quelque chose d’inapproprié, à vous d’y couper court sur-le-champ. Ne présumez pas que la personne lésée le fera d’elle-même ».

4) FAITES CONTINUELLEMENT UNE INTROSPECTION

Le racisme systémique et les préjugés inhérents sont profondément ancrés, intégrés dans toutes les couches de la société. Il ne suffit pas de croire en une cause ni de réécrire une politique pour que le problème disparaisse.

Mme Hunt insiste sur la nécessité, pour un allié, d’un examen de conscience perpétuel. Il n’y aura pas de révélation du jour au lendemain. Travaillez aux côtés de vos collègues en évoquant la prise de conscience, l’empathie et le changement, ensemble, plutôt que de vous démener seul, parfois même en donnant l’impression d’être celui ou celle qui pense s’y connaître mieux que les autres.

« Certains pensent qu’on fait un examen de conscience, pendant un temps, puis que c’est réglé... alors qu’en réalité, ce n’est jamais vraiment réglé, poursuit-elle. Dès que vous avez l’impression d’avoir compris, vous n’êtes peut-être plus un allié, parce que vous ne vous concentrez plus sur l’apprentissage... Vous perdrez de votre humilité et vous vous mettrez à transmettre vos connaissances sans continuer d’apprendre vous-même. »

Une partie de cette autoréflexion consiste à comprendre vos propres privilèges, le pouvoir qu’ils vous donnent en termes d’occasions et d’influence, et comment ces privilèges contribuent à l’inégalité au sein de votre organisation et dans la société, ajoute Mme Okonkwo.

« Lorsque vous aurez vraiment maîtrisé la situation et démontré que vous avez contribué à créer des opportunités pour les autres, vous serez en mesure de parler en toute confiance », dit-elle.

5) PRÊCHEZ PAR L’EXEMPLE

Qui ne dit mot consent, dit le proverbe. Alors on pourrait avancer que c’est l’obligation d’un allié non seulement de parler, mais aussi d’agir, pense Mme Okonkwo.

« Si vous prétendez être un véritable allié, exprimez-vous et soutenez la personne qui fait l’objet d’un préjugé. Et ça doit se faire immédiatement, car c’est là que la leçon portera; pas deux semaines plus tard, quand personne ne s’en souvient. »

Vos actions prendront différentes formes sur le lieu de travail.

Un allié peut agir en tant que parrain, par exemple en soutenant une personne pour sa contribution et ses réalisations, ou en soulignant celles-ci, ou encore en recommandant le collègue pour un poste qui se libère, pour la gestion d’un projet ou pour une présentation. Parfois, il suffit simplement d’y aller d’une observation pendant une réunion, ou d’un courriel dans lequel vous prendrez soin de mettre en copie une personne influente.

« Un parrain, c’est quelqu’un qui se porte garant de votre mérite, qui vous aidera à obtenir des choses alors que ces portes sont fermées pour vous », explique Mme Okonkwo.

L’allié peut également agir comme amplificateur de la voix d’un collègue, par exemple en l’invitant, dans une réunion, à faire valoir son expertise ou à faire un topo sur un projet en cours.

« Ça permet de rehausser la visibilité de l’employé et de faire prendre conscience à ses pairs et à ses supérieurs des compétences qu’il possède, poursuit Mme Okonkwo. Ça met aussi en lumière son apport aux résultats de l’entreprise, plutôt que d’enfouir ses bons coups dans le processus d’évaluation annuelle. »

Bref, être un allié exige un engagement et une action qui contribuent à rendre le milieu de travail plus équitable et plus inclusif, quel que soit l’apport de chacun.

« Les vrais alliés se mouillent; ils s’approprient une cause et la défendent sur-le-champ », conclut Mme Okonkwo.

AMÉLIOREZ LA CULTURE DE VOTRE MILIEU DE TRAVAIL

Votre entreprise souhaite devenir un milieu de travail plus inclusif? Suivez ces conseils d’experts. Voyez aussi nos sept conseils pour établir un milieu de travail accueillant pour les personnes trans. Enfin, lisez un article sur ce que font les Quatre Grands de la comptabilité pour favoriser la diversité et l’inclusion.