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Profil de Shane Saltzman, PDG des centres de traitement des dépendances Trafalgar
Articles de fond
Magazine Pivot

« Les occasions d’aider autrui, ces temps-ci, ne manquent vraiment pas. »

Shane Saltzman, CPA, mise sur la force de la thérapie pour traiter des gens aux prises avec une dépendance ou un problème de santé mentale.

Profil de Shane Saltzman, PDG des centres de traitement des dépendances TrafalgarLe réseau de centres de réadaptation en dépendance Trafalgar, que Shane Saltzman a cofondé et dirige, est venu en aide à plus de 2 200 clients qui y ont suivi un programme de désaccoutumance. (Erin Leydon)

L’aventure a commencé en 2014, année où le réseau de centres de réadaptation en dépendance Trafalgar voyait le jour à Toronto. Depuis, environ 2 200 clients y ont suivi un programme de désaccoutumance. Et pour Shane Saltzman, cofondateur et directeur, voir l’optimisme et la résilience réapparaître chez une personne qui a traversé l’enfer reste un émerveillement.

« Au 30e jour du parcours, quand j’observe cette transformation chez un client, les larmes dans ses yeux, l’enthousiasme au seuil de sa nouvelle vie, je suis ému », explique M. Saltzman, CPA, qui a commencé sa carrière chez Deloitte en 1999 et qui a aussi travaillé pour Pitney Bowes Canada.

Le groupe Trafalgar Addiction Treatment Centres, qui affiche une hausse du chiffre d’affaires de 846 % sur cinq ans, figurait au palmarès Growth List 2020 de la revue Canadian Business, qui recense les entreprises en croissance accélérée. Mais quand la pandémie a frappé, mettant en péril ses programmes de consultation externe, il a fallu prendre le virage, et vite.

Dans les 48 heures suivant le confinement, Trafalgar a créé un protocole de traitement de quatre semaines en distanciel et une série d’outils en ligne, notamment des ressources de suivi et des questionnaires d’autoévaluation pour aider les clients à faire le point sur leur qualité de vie et leurs symptômes de dépression ou d’anxiété.

« L’essentiel, pour vaincre la dépendance? La motivation et la participation. Nous avons élaboré ces ressources virtuelles pour favoriser l’adhésion. Pour nous, pas de rétablissement sans responsabilisation : de quels outils le client a-t-il besoin pour se prendre en main quand l’urgence se fait sentir? »

PIVOT : Votre parcours est singulier : commencer chez Deloitte pour ensuite créer et diriger Trafalgar. Comment en êtes-vous arrivé là?
Shane Saltzman (SS) :
Ce que je souhaitais, au-delà du titre de CPA, c’était acquérir un bagage de compétences pour en arriver à des résultats. Je voulais que ma vie, mon travail aient du sens. Vendre des gadgets pour vendre des gadgets, c’est quelque chose qui ne m’a jamais intéressé. Je travaille avec cœur, j’aime franchir les obstacles et me dépasser. Un de mes associés a lutté pendant des années pour retrouver l’équilibre, et, du côté des traitements, on a constaté que le Canada accusait du retard. On s’en remettait à la démarche en 12 étapes et aux consultations de groupe en toxicomanie, mais le volet thérapie laissait à désirer. Pas grand-chose sur la santé mentale. C’était l’occasion de créer quelque chose d’unique, de combler un vide, et ce que nous envisagions comme un projet complémentaire lancé pour tendre la main à quelques personnes a fini par prendre de l’ampleur.

PIVOT : Considérez-vous ce travail comme une sorte de vocation?
(SS) :
J’aime mon travail parce qu’il a un sens. Cet aspect a toujours été primordial, tandis que les chiffres, eux, étaient accessoires. Pour tel produit, vous avez vendu 20 boîtes en plus cette semaine? Très bien, et alors? Ce chiffre est sans grand intérêt pour moi. En revanche, que puis-je apporter à la société? Comment changer les choses? Si je peux aider les autres et assurer ma subsistance, celle de ma famille, et faire vivre mon équipe, tout le monde y gagne. C’est ma vision. J’ai toujours cherché à faire mieux.

PIVOT: Vous dirigez une entreprise, donc les résultats comptent, mais votre activité a des répercussions réelles pour les clients. Comment faire la part des choses?
(SS) :
Dans une entreprise à but lucratif classique, qu’est-ce qui importe, le client ou le profit? Ou serait-ce la même chose? Nous nous occupons de la vie des clients. Ce sont des personnes, pas des numéros. Nous les accueillons comme des membres de la famille, nous les épaulons de notre mieux, avec intégrité, en prenant nos responsabilités, pour leur offrir un espace sûr où ils pourront se rétablir. C’est un peu comme le karma : faire le bien aujourd’hui pour que demain le bien arrive en retour. On parle ici d’un encadrement rigoureux et d’un engagement envers le personnel. Je prends soin des intervenants pour qu’ils puissent prendre soin des clients. Ces derniers auront vite repéré les employés pour qui c’est un simple gagne-pain, contrairement à ceux qui travaillent dans l’empathie. Prenons un exemple. Il est 17 h, c’est le changement de quart, un client traverse une crise. Certains soignants diront : « Dommage, mais je dois m’en aller. » D’autres vont plutôt aider la personne en détresse à surmonter l’épreuve. Nous tenons à embaucher des intervenants présents, dévoués, qui travaillent dans la compassion.

PIVOT : Comment sont nés les programmes de télétraitement en mode virtuel?
(SS) :
À cause de la COVID, dès le premier jour du confinement, on a dû se résoudre à fermer le service de consultation externe. Il a fallu accélérer et mettre l’ensemble des programmes en ligne en 48 heures. On accueillait environ 5 personnes dépendantes par mois, et bien vite, on est passé à une moyenne de 20 par mois. Des clients d’autres provinces s’inscrivent à nos programmes, en raison de leur accessibilité, et cette nouvelle approche se fait connaître.

PIVOT : En quoi les programmes de télétraitement ont-ils changé votre activité?
(SS) :
J’évoquerai l’analogie de l’entreprise en démarrage. Les horizons s’élargissent pour mieux tendre la main à ceux qui souffrent. Notre mission consiste à leur faire prendre conscience qu’il n’est pas obligatoire de quitter leur foyer pour recevoir un traitement. Trop souvent, ils vivent des difficultés et ignorent comment faire pour trouver de l’aide. Pourtant, où que vous soyez, si vous avez un ordinateur et une bonne connexion Internet, les soins sont à votre portée.

PIVOT : Avez-vous effectué des suivis pour pouvoir comparer les programmes de télétraitement aux programmes de traitement en personne?
(SS) :
Les résultats sont comparables. Les taux d’achèvement dépassent les 94 %. Les clients travaillent à domicile, alors, il y a toutes sortes de choses qui pourraient les déconcentrer, comme Netflix par exemple. S’ils ne veulent pas participer à des groupes, parler à des inconnus, rien de plus facile que de s’esquiver. Pourtant, ils sont là, présents, motivés. Et ils s’impliquent. Ces programmes s’adressent donc à des clients qui ont pris conscience de leurs difficultés et qui souhaitent aller plus loin. C’est une nouvelle formule souple, prometteuse, qui devient un modèle de prévention. Vous êtes dans une impasse et vous voulez vous en sortir? Votre vie professionnelle ou familiale est bien remplie? Vous pouvez avoir accès à de l’accompagnement sans quitter la maison, ni perdre votre emploi, ni nuire à vos relations familiales, en toute discrétion, sans craindre d’être jugé.

PIVOT : Comment décrire l’année écoulée? On a souvent lu que la pandémie allait exacerber les ravages de la toxicomanie et de l’alcoolisme.
(SS) :
Je crois que la vague n’a pas encore déferlé. Les soldats sont au front, redoublent d’efforts, se battent pour tenir bon. Il y a le télétravail, l’école à la maison. Et puis, les troupes reviennent de guerre, les choses se tassent. Et les combattants démobilisés se rendent compte qu’ils sont au bout du rouleau. Ils pensaient que tout irait mieux après la trêve, mais est-ce bien le cas? Il est vrai que certains sont épargnés, mais ce qu’il faut comprendre, c’est que les troubles de santé mentale frappent au hasard. Il y a tant d’événements particuliers dans l’existence de chacun, et nous avons tous vécu tellement de choses; chacun réagit à sa manière.

PIVOT : Préférez-vous dresser le bilan du chemin parcouru en huit ans ou vous tourner vers l’avenir?
(SS) :
Je ne suis pas du genre à ruminer des doutes. Il faut trancher et se décider, en affaires et dans la vie. Je me dis : Voilà ce que je voulais accomplir, voilà le résultat. Tant que j’ai la certitude d’avoir fait de mon mieux pour atteindre mes objectifs, je suis serein. Il n’y a pas de regrets à ressasser, mais plutôt des pistes à explorer. Je ne suis pas peu fier de ce que l’équipe a accompli en huit ans. Tant de clients accompagnés, tant de chemin parcouru! De quoi avoir la satisfaction du devoir accompli.

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