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Michael Tremblay est assis à une table et tient un verre de saké à la main
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Le saké, prétendant au titre de spiritueux de choix?

Autrefois réservé aux seuls initiés, l’univers du saké s’ouvre peu à peu, vu l’intérêt croissant des amateurs et l’ingéniosité des producteurs du monde entier.

Sommelier spécialisé en saké, Michael Tremblay constate l’engouement pour cette boisson. (Kayla Rocco)

Les sakés ont la cote, c’est le moins qu’on puisse dire. Certains mûrissent dans les profondeurs marines, où la noirceur, la pression et la houle en bonifieraient le goût. D’autres sont infusés au yuzu (un agrume), à la pêche et à l’ume (l’abricot du Japon); d’autres sakés encore se marient avec la téquila. Pour leur part, les Foo Fighters ont mis en bouteille leur hymne à ce nectar. Même Nestlé suit le mouvement avec sa Kit Kat, qui joue la carte de l’innovation désinvolte. Si d’aucuns crient au marketing abusif, impossible de le nier : ce qui était autrefois un secret bien gardé n’en est plus un.

À l’origine, le saké était surtout l’apanage des cérémonies shinto, puis il s’est répandu dans la culture nippone jusqu’à se hisser au rang de boisson nationale. Aujourd’hui, cet alcool à base de riz fermenté traverse les frontières. En 2019, le marché mondial pesait 9,2 G$.

Bref, le saké coule à flots, fort d’un taux de croissance annuel composé estimé à 4,7 % entre 2020 et 2027. La tendance ne semble pas près de s’essouffler. Pour l’essentiel de ses 2 000 ans d’histoire, le saké, confiné dans un marché plutôt circonscrit, se consommait dans un rayon de 30 km de son lieu d’élaboration. Or, en huit ans, le volume des exportations a bondi de 53 %.

« On se rend compte, je dirais, de l’importance de la mondialisation dans la réussite et la croissance à long terme de ce marché », explique Nancy Matsumoto, coauteure, avec l’historien et sommelier Michael Tremblay, de l’ouvrage Exploring the World of Japanese Craft Saké: Rice, Water, Earth. « Chaque année surgissent de nouvelles brasseries de saké, que ce soit au Mexique, en Angleterre, en Espagne, en Nouvelle-Zélande, et j’en passe. »

L’Amérique du Nord est le premier moteur de l’accélération de la demande en saké japonais haut de gamme. Les États-Unis représentent 26 % du marché, et le Canada, 3 %. Étonnamment, la Chine n’est pas en reste. Les ventes y ont atteint un record de 258 M$, et la croissance estimée au cours des prochaines années se chiffre entre 4,7 % et 12,5 %. Les exportateurs portent désormais leur regard vers l’Europe et, plus particulièrement, vers le Royaume-Uni, où des marchés prometteurs émergent.

Sommelier spécialisé en saké au Ki Modern Japanese + Bar, à Toronto, Michael Tremblay a pu assister de visu à cet essor. Depuis cinq ans, il sert des plateaux de dégustation de saké qui remportent un franc succès, une tendance qui, constate-t-il, s’est accentuée avec la pandémie. « Les amateurs se laissent volontiers tenter par notre sélection hebdomadaire de sakés japonais et étrangers. Nous y voyons une occasion en or d’interagir avec nos clients, qui sont d’ailleurs de plus en plus nombreux à avoir soif de découverte. »

En Ontario, les ventes ont connu en 2021 un bond annuel de 10 % pour atteindre 11 M$. De quoi se tailler la part du lion de la collection Destination monde de la Régie des alcools de l’Ontario, devant les élixirs venus de France, d’Italie et de Californie. De la Colombie-Britannique à l’Ontario, on brasse désormais le saké, et la fermentation du riz n’a plus de secret pour Artisan SakeMaker, YK3 Sake Brewery et Spring Water Sake Company.

« Il y a quelques années, on a vu un engouement pour les bières artisanales, et aujourd’hui, c’est la même chose pour les sakés, fait remarquer Nancy Matsumoto. Des jeunes reprennent des entreprises centenaires et se lancent dans l’élaboration de créations inédites, haut de gamme, par exemple en combinant le saké et le vin ou la bière, en travaillant les levures. Il y a vraiment cette volonté d’expérimenter, d’innover. »

Darren Seifer, analyste de marché pour le NPD Group, établi aux États-Unis, abonde dans le même sens. Les consommateurs sont mûrs pour de la nouveauté, dit-il. « Ils sont à la recherche de variété. La bière et le vin demeurent les grands gagnants, mais dans de nombreux marchés, on constate que certains créneaux progressent au détriment des grands segments. »

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