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Image du livre de Robert Bryce A Question of Power
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Magazine Pivot

Demande d’électricité : le nucléaire, la seule solution? 

Pour Robert Bryce, auteur de l’ouvrage A Question of Power, ce serait le seul moyen de répondre aux besoins des pays en développement, sans affecter le climat. 

Image du livre de Robert Bryce A Question of PowerVu la demande, la production mondiale d’électricité devrait doubler d’ici quelques décennies, au mépris des coûts et des répercussions sur l’environnement, constate Robert Bryce.

Qui dit électricité dit pouvoir et richesse, avance le journaliste Robert Bryce, pour qui les questions énergétiques n’ont plus de secret, dans son ouvrage A Question of Power: Electricity and the Wealth of Nations. Une analyse incisive et enlevée, qui court-circuite les idées reçues, à l’ère où les changements climatiques s’accentuent et où les inégalités se creusent. Un exemple? Après l’ouragan Maria, Porto Rico, privé d’électricité, a peiné à se relever.

L’électricité, c’est l’énergie reine. Elle dévore les autres combustibles. Certes essentiels pour assurer le chauffage et les transports, les hydrocarbures sont aussi, pour une large part, transformés en électricité. D’où deux constats que martèle le journaliste. De un, la production d’électricité, au cœur des changements climatiques, dégage davantage de CO2 que le chauffage au mazout ou les voitures. De deux, l’électricité va de pair avec la prospérité, et les pays riches, insatiables, en font une consommation effrénée. Aux États-Unis, pour que les guirlandes de Noël scintillent de mille feux l’espace de quelques semaines, on consomme autant d’électricité que l’Albanie en un an. Une demande qui explose, donc, au mépris des coûts et des répercussions sur l’environnement : la production mondiale d’électricité devrait doubler d’ici quelques décennies.

Ironie du sort, un facteur clé de la lutte contre le réchauffement climatique, le passage aux voitures électriques, ne fait que renforcer la tendance. De surcroît, selon l’Agence internationale de l’énergie, d’ici 2050, la demande mondiale d’électricité pour la climatisation équivaudra (ou presque) à la consommation actuelle totale de la Chine. Surtout, nos sociétés reposent sur des secteurs d’activité et réseaux avides d’électricité : communications, informatique, éducation, santé, finances, tous la dévorent. M. Bryce évoque le cas des cinq géantes qui dominent la nouvelle économie. Apple, Amazon, Alphabet/Google, Facebook et Microsoft, qui consomment des quantités phénoménales d’électricité, consacrent des dizaines de milliards de dollars à la création de réseaux électriques privés ultrasécurisés. Tous confondus, ils produisent trois fois plus d’électricité qu’Austin Energy, qui alimente tout de même un million de Texans.

Pour M. Bryce, il n’est en rien surprenant que les cinq géantes aient créé leurs propres systèmes de paiement, l’électricité et l’argent étant plus que jamais indissociables. D’ailleurs, Visa (imaginez, 3,3 milliards de cartes dans le monde entier) refuse de révéler où se trouve son centre opérationnel aux États-Unis, entouré de douves, dit-elle.

Et si l’énergie nucléaire était le seul moyen de répondre aux besoins des pays en développement?

Et puis, faute d’électricité, si les pannes se prolongent, il en va de la santé de la population. Après l’anéantissement du réseau électrique irakien par l’armée de l’air américaine en 1991, lors de la première guerre du Golfe, la pénurie d’eau potable et la paralysie des systèmes d’égouts ont entraîné des éclosions de choléra et d’autres maladies qui auraient emporté 70 000 Irakiens. Dans un autre ordre d’idées, paradoxalement, quand la pandémie de COVID-19 a frappé le Canada début mars et que les autorités ont décidé de confiner les citoyens, la demande en électricité a chuté. La hausse de la consommation résidentielle n’a pas compensé la baisse causée par la fermeture des entreprises et l’annulation des événements sportifs et culturels. Et les pointes de consommation ont changé de plage horaire, en raison du confinement. L’Ontario a réagi en appliquant le tarif heures creuses en permanence.

Pas étonnant qu’au sein des États que M. Bryce appelle « les non-raccordés », où la consommation d’électricité par habitant est inférieure à 1 000 kilowatt-heures par an (moins d’un quart de celle des Canadiens), on cherche à produire de l’électricité coûte que coûte. Électricité polluante? Ou pas d’électricité du tout? Évidemment, ces pays en développement n’ont guère le choix et se tournent vers l’électricité polluante, étant donné que les énergies renouvelables ne font pas le poids. Éolien, solaire? On ne peut s’y fier. Coûteuses, les installations exigent de larges superficies. C’est pourquoi les centrales au charbon, un combustible bon marché et fiable, fournissent 40 % de l’électricité mondiale. En Inde, où 300 millions de personnes vivent encore sans électricité, cette part grimpe à 75 %. Et ce seront bientôt 36 000 mégawatts supplémentaires qui y seront produits grâce au charbon. D’autres pays assoiffés d’électricité emboîtent le pas au colosse indien.

M. Bryce entrevoit une solution à ce casse-tête, mais il sait qu’elle lui attirera les foudres. L’auteur ose vanter les mérites de l’énergie nucléaire. Pour lui, c’est le seul moyen de répondre aux besoins des pays en développement sans accélérer les changements climatiques. Quadrature du cercle? Pour appuyer son argument, le journaliste cite l’exemple de la centrale nucléaire d’Indian Point, près de New York. Ses deux réacteurs, qui n’occupent qu’un kilomètre carré, produisent chaque année 16,4 térawatts d’électricité sans émissions de carbone. Pour générer autant d’énergie propre, il faudrait ériger des centaines d’éoliennes sur 1 335 kilomètres carrés. Malgré ses deux précieux atouts (zéro carbone et superficie restreinte), la centrale compte parmi les quinze installations nucléaires américaines dont la fermeture anticipée a été annoncée. L’auteur s’insurge et n’y voit qu’une forme de paranoïa. Irrationnel, dit-il. Il faudrait au contraire en construire davantage. C’est un plaidoyer difficile à faire entendre à l’heure de l’antinucléaire, mais, dans son ouvrage, M. Bryce le livre avec vigueur. 

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