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Contenants à emporter empilés avec étiquettes de prix
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Des repas gratuits au bureau… imposables?

Les employeurs des TI rivalisent de générosité pour séduire les meilleurs candidats, mais la note est salée quand le fisc s’en mêle.

Contenants à emporter empilés avec étiquettes de prix« Dans le monde des TI, on offre volontiers au personnel des collations et le repas à midi faciles, » constate David Rotfleisch, avocat et CPA de Toronto. (iStock)

Lunch gratuit le vendredi! Trop beau pour être vrai? Les employés de la plateforme torontoise de marketing en ligne ScribbleLive l’ont appris à leurs dépens, le fisc n’est jamais rassasié. L’automne dernier, 200 d’entre eux ont constaté qu’il faudrait payer la note : on leur offrait le repas, mais l’ARC, vigilante, y voyait un avantage imposable. Sur Glassdoor, site Web d’évaluation des employeurs, un ancien développeur donne libre cours à son amertume : « L’ARC m’a réclamé 400 $ pour les lunchs gratuits. »

Les avantages offerts aux travailleurs sont loin d’être une idée nouvelle. Néanmoins, le foisonnement des jeunes pousses des technos – et leur distribution à l’envi de collations bio et autres tickets pour courses Uber – peut multiplier les erreurs de paie. Et donner lieu à des vérifications inopinées.

« Les avantages imposables ont toujours été des proies faciles », constate David Rotfleisch, avocat et CPA de Toronto qui conseille les sociétés émergentes. « La loi est claire et elle n’a pas changé; c’est plutôt la nature des incitatifs qui évolue. » L’équipe des communications de l’ARC le confirme, le traitement des avantages imposables comme les repas n’a pas été modifié, et l’Agence n’a pas intensifié ses vérifications en la matière.

En fait, c’est tout de même aux entreprises d’évaluer les incidences fiscales des avantages offerts et de donner l’heure juste aux employés. L’ARC a publié son guide sur les avantages et allocations imposables pour aider les services de la paie à déterminer les conséquences de toute largesse envisagée. Une chose est claire : comme la loi prévoit un assujettissement assez vaste (il faut inclure dans le calcul du revenu « la valeur de la pension, du logement et de tout autre avantage que reçoit ou dont jouit le contribuable ») et que les avantages se diversifient, les organisations devront redoubler de prudence.

« Dans le monde des TI, on offre volontiers au personnel des collations et le repas à midi, explique M. Rotfleisch. Quelques entreprises vont jusqu’à lui donner accès à une garderie ou à un centre de conditionnement physique sur place. » (Et certains de ces avantages sont effectivement exonérés d’impôts; l’ARC l’indique sur son site Web.) L’affaire se corse quand un vérificateur de l’Agence s’en mêle. Il ne sera pas jugé raisonnable par le fisc de s’en prendre au moindre petit avantage, explique M. Rotfleisch. « L’ARC doit-elle s’occuper du café gratuit, que certains ne boivent même pas? » Alors, l’Agence laissera peut-être tomber la dose de caféine, ajoute-t-il, mais pour tout bienfait plus considérable, il sera judicieux de consulter un professionnel pour éviter les pièges.

« Des sommes minimes mais cumulées font boule de neige, rapportées à un nombre élevé de salariés », explique Bruce Ball, FCPA et vice-président, Fiscalité, à CPA Canada. 

« La prudence est le mot d’ordre », poursuit M. Ball. Il recommande vivement aux entreprises de consulter les guides mis à leur disposition par l’ARC et l’Association canadienne de la paie, entre autres, qui proposent des pratiques exemplaires. En agissant avec précaution, on évitera une situation délicate quand viendra le temps de payer les pots cassés. « Ce serait bien simple si l’employeur pouvait déclarer son erreur et régler tous les comptes, constate M. Ball. Hélas, l’ARC, qui écarte de telles solutions, traite plutôt tous les cas séparément. »

Parce qu'elle y voyait un avantage imposable, l’arc a réclamé 400 $ à des employés pour les « lunchs gratuits ».

Rappelant qu’il y a somme toute « peu d’avantages non imposables », M. Ball encourage les employeurs à faire le point sur leurs motivations au lieu de prodiguer des largesses par automatisme. « Qui sera le principal bénéficiaire de la mesure proposée? Les règles sont complexes, que ce soit pour une prime au rendement de 500 $ ou une carte-cadeau. » Il faut aussi repérer les cas assujettis aux cotisations au RPC ou au RRQ (majoritaires) et à l’assurance-emploi (surtout pour les avantages en espèces).

Certaines entreprises généreuses versent une somme complémentaire pour compenser l’impôt supplémentaire, surtout quand les montants en jeu sont élevés, précise M. Ball. « Elles prennent des dispositions pour que les employés bénéficient vraiment de l’avantage offert. » Le complément versé sera lui aussi imposé, mais le choc sera amorti.

Il faut donc toujours penser à la part du gâteau que réclamera l’ARC.