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Gros plan sur des branches d'arbre avec des billets de vingt dollars accrochés dessus
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De nouvelles dispositions placent le Canada en meilleure position dans la lutte mondiale contre le blanchiment d’argent

Avec l’entrée en vigueur de modifications aux règlements de lutte contre le blanchiment d’argent, le régime canadien s’harmonise désormais davantage avec les normes internationales.

Gros plan sur des branches d'arbre avec des billets de vingt dollars accrochés dessusLes nouveaux règlements mis en place le 1er juin 2021 aident le Canada à se hisser au niveau des régimes internationaux de lutte contre le blanchiment d’argent. (Getty Images/mathieukor)

À titre de membre fondateur du Groupe d’action financière (GAFI), le Canada joue depuis longtemps un rôle actif dans les efforts de la communauté internationale pour lutter contre le blanchiment d’argent. Récemment, le régime canadien a été mis à jour pour correspondre davantage aux pratiques et avancées internationales.

« Le Canada a dû renforcer son régime pour faire face à l’évolution d’enjeux tels que la monnaie virtuelle et d’autres pratiques internationales », indique Michele Wood-Tweel, vice-présidente aux Affaires réglementaires à CPA Canada. « Depuis quatre à cinq ans, les choses ont beaucoup bougé et nous nous rapprochons maintenant des normes internationales. »

UNE APPROCHE AMÉLIORÉE

En juin 2021, de nouvelles dispositions fédérales en matière de lutte contre le blanchiment qui touchent directement les comptables sont entrées en vigueur. « Jusqu’alors, certaines obligations de tenue de dossiers, de déclaration et de connaissance du client applicables aux entreprises et professions autres que financières, notamment aux comptables, étaient en place dans d’autres pays, mais pas au Canada. Des modifications ont maintenant été apportées pour combler ces écarts notables », explique Mme Wood-Tweel.

L’une de ces mises à jour – qui fait partie des nouvelles exigences sur la connaissance du client – se rapporte à la vérification de l’identité des dirigeants d’organisations internationales et des personnes politiquement vulnérables dans certaines situations. Ces individus présentent des risques en raison des gens qu’ils rencontrent et parce qu’ils pourraient être pris pour cible par des personnes ayant des objectifs illicites. Par exemple, un membre d’un comité sportif ou d’un organisme international pourrait être exposé au chantage ou à d’autres activités frauduleuses. « Si des produits de la criminalité sont reçus et introduits dans le système financier, alors il y a blanchiment d’argent », dit Mme Wood-Tweel.

PLUS DE POURSUITES?

Bon nombre d’observateurs sont d’avis qu’il faudrait apporter d’autres améliorations, notamment sur le front des poursuites.

Ainsi s’est exprimé le professeur Jason Sharman, spécialiste de la lutte en matière de blanchiment d’argent à l’Université de Cambridge, dans un rapport déposé devant la Commission d’enquête publique sur le blanchiment d’argent en Colombie-Britannique (Commission Cullen) : « Certains problèmes propres au Canada en matière de déclaration ainsi que l’obligation de conclure les procédures dans des délais précis pourraient, en pratique, empêcher de porter devant les tribunaux les affaires de grande corruption au Canada. Les affaires internationales de recouvrement d’avoirs s’étendent parfois non pas sur des années, mais sur des décennies, une fois engagée l’action en justice initiale. Il faudra donc peut-être changer ces délais pour garantir le succès de ces poursuites. »

Certaines modifications apportées récemment pourraient néanmoins faire une différence. Comme le souligne Mme Wood-Tweel, l’ajout de la notion d’insouciance à la définition du blanchiment d’argent dans le Code criminel abaisse le seuil permettant aux forces de l’ordre et aux procureurs de déposer des poursuites dans les affaires de blanchiment d’argent.

DES CHANGEMENTS DEMANDÉS CONCERNANT LA PROPRIÉTÉ EFFECTIVE

Dans son rapport, M. Sharman mentionne aussi que pour accroître l’efficacité globale de la lutte contre le blanchiment d’argent, le Canada doit faire preuve d’une plus grande transparence en ce qui a trait à la propriété effective, notamment dans le secteur immobilier. « En 2019, on a estimé que 28 milliards de dollars du marché immobilier de Vancouver étaient détenus par l’entremise de structures d’entreprises opaques », précise-t-il.

M. Sharman ajoute que les experts à l’origine du rapport Combatting Money Laundering in BC Real Estate (2019) ont endossé la position désormais répandue selon laquelle « la divulgation des renseignements sur la propriété effective est la mesure la plus importante pour lutter contre le blanchiment d’argent ».

Selon Jennifer Fiddian-Green, CPA, associée nationale, Services de juricomptabilité et de règlement des litiges chez Grant Thornton, la propriété effective est un aspect auquel il faut continuer d’accorder de l’importance. « Nous n’avons pas encore de liste ni de base de données publique des propriétaires effectifs [réels] de toutes les entités au Canada, même si cette information existe dans certaines provinces. D’autres pays ont maintenant une base de données nationale; nous accusons donc du retard. »

Cela dit, les nouvelles exigences favorisent une plus grande transparence. La Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (LRPCFAT) oblige les entités déclarantes (qui comprennent maintenant les comptables et les cabinets d’expertise comptable) à tenir des registres d’information sur les propriétaires effectifs dans certaines circonstances, lorsqu’elles traitent avec des entités, dont les personnes morales et les fiducies. « Le gouvernement fédéral exige aussi que les fiducies fournissent davantage de renseignements à l’ARC », poursuit Mme Wood-Tweel. Une transparence accrue est essentielle aux activités de lutte anti-blanchiment d’argent à l’échelle nationale et mondiale, ajoute-t-elle.

LE RÔLE DES COMPTABLES

Le régime canadien diffère encore de ceux d’autres pays à un autre titre : son champ d’application relativement à la profession comptable. Au Canada, seuls les CPA sont visés par les exigences en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, pas les comptables non réglementés. En revanche, au Royaume-Uni, les comptables non réglementés doivent rendre compte au gouvernement en matière de lutte contre le blanchiment d’argent. Ainsi, des milliers de comptables non réglementés peuvent aussi contribuer à contrer le fléau.

« Au Canada, le régime n’a pas été conçu de cette manière, explique Mme Wood-Tweel. Le système serait plus complet si on le modifiait pour imposer aux comptables non réglementés qui exercent des activités entraînant des exigences les mêmes règles que celles qui s’appliquent déjà aux CPA. »

CE QUE DOIVENT SAVOIR LES CPA

Dans l’ensemble, on note une certaine incompréhension des exigences en matière de lutte contre le blanchiment chez les CPA canadiens, affirme Mme Fiddian-Green. « Selon moi, nous ne sommes pas suffisamment sensibilisés au Canada comparativement à d’autres pays. Nous devons nous demander comment ces mesures s’appliquent à notre profession, dans le milieu des affaires. »

Le gouvernement fédéral s’emploie à renforcer le régime et à diffuser de l’information sur le blanchiment d’argent. « Ce travail ne se fait pas exclusivement par la législation sur le blanchiment d’argent. D’autres textes de loi et règlements y contribuent aussi », poursuit Mme Wood-Tweel. De plus en plus, les CPA doivent être au fait des risques associés au blanchiment d’argent, et du régime visant à prévenir, à détecter et à décourager ces activités.

Des événements récents ont suscité un regain d’intérêt pour la question du blanchiment d’argent au Canada. Comme le fait observer Mme Fiddian-Green, les CPA doivent s’efforcer de mieux comprendre le potentiel de risques lié au blanchiment d’argent sur notre territoire et son incidence sur le travail des comptables.

« Cela nous permettrait de consacrer notre temps et notre énergie aux sociétés, organisations et entrepreneurs canadiens qui ont vraiment besoin de notre aide pour bâtir la collectivité que nous voulons », conclut-elle.

EN SAVOIR PLUS SUR LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT D’ARGENT

CPA Canada propose une mine de ressources sur les règles et les nouveautés en matière de lutte contre le blanchiment d’argent, y compris au sujet de la Commission Cullen, des nouvelles exigences concernant la connaissance du client ainsi que des nouvelles exigences de tenue de dossiers et de déclaration au CANAFE.

Suivez le cours en ligne intitulé Lutte contre le blanchiment d’argent et éthique : Perspectives canadiennes et mondiales pour apprendre quels renseignements, outils et stratégies permettent de mieux comprendre les enjeux éthiques associés à la lutte contre le blanchiment d’argent et au financement des activités terroristes.