RS&DE : 3 questions à se poser avant de demander un encouragement fiscal
De nouveaux encouragements fiscaux à mener des activités de RS&DE sont offerts aux entreprises canadiennes de toutes les tailles et de tous les secteurs, mais attention, des règles strictes encadrent l’admissibilité des projets. (Getty Images/Hero Images)
Le programme de la Recherche scientifique et du développement expérimental (RS&DE) mise sur des encouragements fiscaux pour inciter les entreprises canadiennes de toutes les tailles et de tous les secteurs à mener des activités de RS&DE au pays. Excellente nouvelle. Toutefois, des règles strictes encadrent l’admissibilité des projets. Pour éclaircir la question, nous nous sommes entretenus avec le fiscaliste David Douglas, chef de la pratique canadienne, RS&DE, au cabinet Ryan.
Selon M. Douglas, l’Agence du revenu du Canada (ARC) tient principalement compte de trois questions pour déterminer si un projet donne droit à des crédits d’impôt sur les dépenses de la RS&DE.
1) Existe-t-il une incertitude scientifique ou technologique?
Disons qu’une entreprise veut élaborer un processus de triage du plastique à recycler. Pour ce faire, elle acquiert et assemble du matériel conçu à d’autres fins (appareil de reconnaissance optique, outils d’IA, transporteurs…). Une solution ingénieuse, mais qui ne sera peut-être pas considérée comme un projet de RS&DE, met en garde M. Douglas. Pourquoi pas? « Si l’atteinte de l’objectif, soit mettre en place un système fonctionnel, correspond aux capacités techniques de l’entreprise, il n’y a pas nécessairement d’incertitude technologique. À moins que l’entreprise puisse démontrer avoir rencontré une inconnue, un défi ou un obstacle qui n’ont pas pu être résolus sans expérimentation. »
Si l’assemblage des pièces donne immédiatement un système fonctionnel, l’entreprise peut se réjouir du résultat, mais ne peut pas demander un crédit d’impôt pour des travaux de RS&DE. En effet, aucune expérimentation n’a été nécessaire et aucune incertitude technologique ne s’est présentée. « L’échec, non souhaitable pour une entreprise, est une bonne chose quand il est question de RS&DE. »
2) Y a-t-il eu une investigation systématique ou une expérimentation pour résoudre l’incertitude technologique?
Ici, l’approche scientifique est votre alliée : formulez une hypothèse, testez-la, analysez les résultats, effacez et recommencez. Les échecs, en plus de mettre l’accent sur l’incertitude technologique, vous obligent à réviser votre hypothèse et à faire de nouveaux essais. Comme a déjà dit Thomas Edison au sujet de ses nombreux revers dans la conception d’une ampoule fonctionnelle : « Je n’ai pas échoué. J’ai simplement trouvé 10 000 solutions qui ne fonctionnent pas. »
Mais attention, pour l’ARC, l’approche par « essais et erreurs » est considérée comme non systématique : aucun problème résolu de cette façon ne sera reconnu comme un projet de RS&DE.
« Les entreprises qui se lancent dans de grands projets comportant des risques techniques peuvent mettre en place diverses stratégies pour démontrer qu’elles utilisent une approche systématique, souligne M. Douglas. En plus de porter attention aux détails et de prendre des notes, elles devraient avoir des procès-verbaux de leurs réunions et des plans décrivant leurs réflexions et les résultats précis envisagés à chaque étape. Ainsi, si des éléments changent, échouent, sont omis ou repris, le dossier aidera à faire la preuve du processus difficile suivi, qui est l’objet de la RS&DE. Le programme de la RS&DE récompense, en fait, les difficultés. »
3) Y a-t-il avancement technologique?
Le programme de la RS&DE soutient les entreprises qui souffrent pour réussir, rappelle M. Douglas. Or, les organisations qui ont une base de connaissances et des capacités supérieures à la moyenne sont pénalisées, d’une certaine manière, car l’ARC préconise l’amélioration progressive. Et il n’est pas naturel, pour une société, de se concentrer sur les activités où ses capacités sont faibles.
« Les entreprises doivent dresser un portrait réaliste et précis de leurs capacités de base à l’égard des travaux à réaliser, conseille M. Douglas. C’est ce qui permet d’établir le risque technique, de définir que le projet va au-delà de l’expertise actuelle de l’entreprise et s’éloigne des méthodes, approches et techniques qu’elle emploie habituellement. Si c’est le cas, l’expérimentation sera nécessaire au progrès technologique. »
Trouver le bon niveau où ancrer un projet de RS&DE dans une vaste initiative commerciale est un autre facteur important. Aux niveaux de base, où tout s’apparente à des activités courantes, il est difficile de faire reconnaître l’admissibilité d’un projet. Au contraire, à un niveau trop élevé, l’incertitude technologique ne sera pas assez précise. « Nous ne savons pas comment faire » ou encore « nous ne l’avons jamais fait » ne sont jamais de bonnes justifications, prévient M. Douglas.
La documentation est la clé. Plus l’information est précise, plus le dossier sera solide. Et la qualité l’emporte sur la quantité. Notez le plus de choses possible touchant les activités liées au projet de RS&DE. M. Douglas recommande la création d’une boîte de courriel propre au projet afin de regrouper en un seul endroit tous les messages pertinents.
« Rassemblez les journaux des activités, les photos et toutes les pièces justificatives concernant les participants, leur rôle, le moment et l’étendue de leur contribution, leur apport analytique et autre élément utile, énumère M. Douglas. Si des feuilles de temps ont été liées au projet, vous aurez une meilleure idée des ressources humaines qui y ont contribué et, par conséquent, des dépenses engagées. »
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