Passer au contenu principal
soignant réconfortant homme senior à table dans sa maison
Canada
Fraude

Aînés exploités par des proches : trois indices à surveiller

Les aînés doivent rester prudents avant de partager leur avoir avec des êtres chers – et ne pas craindre de demander conseil.

soignant réconfortant homme senior à table dans sa maisonSelon la CARP (Canadian Association for Retired Persons – Association canadienne des individus retraités), les deux tiers de tous les cas d’abus de personnes âgées sont le fait des proches (membres de la famille ou amis); et les délits de dépouillement financier font partie du lot. (Getty Images/Hero Images)

Entre les générations d’aujourd’hui, voilà qu’une vague de transfert de richesse déferle, d’une ampleur sans précédent. Peu surprenant, donc, que les cas d’exploitation financière des aînés atteignent un sommet, selon les experts.

Un total de quelque mille milliards de dollars aura été transmis d’une génération à l’autre au Canada, entre 2016 et 2026. Et environ 70 % de ce patrimoine se présente sous forme d’actifs financiers, selon la firme de recherche torontoise Strategic Insight.

« La maltraitance financière figurera parmi les crimes marquants du XXIe siècle », soutient Laura Tamblyn Watts, agente principale en politiques publiques à la CARP (Canadian Association for Retired Persons – Association canadienne des individus retraités). « C’est en effet un problème de taille, qui va en augmentant. » Le Réseau FADOQ (Fédération de l’âge d’or du Québec) a lui aussi pris la mesure du problème et offre des ressources.

Selon la CARP, les deux tiers de tous les cas d’abus de personnes âgées sont le fait des proches (membres de la famille ou amis); et les délits de dépouillement financier font partie du lot.

Un sondage mené en 2015 (Into the Light) par l’Initiative nationale pour le soin des personnes âgées a permis de constater que 2,6 % des Canadiens âgés interrogés (soit l’équivalent de 244 176 aînés, sur l’ensemble de la population) avaient déjà été la cible d’une forme d’abus financier. Mais les chiffres réels sont probablement plus élevés, croit Mme Tamblyn Watts, car on excluait les résidents des centres d’hébergement avec services et des établissements de soins de longue durée, ainsi que les aînés aux prises avec un trouble cognitif.

« Selon nous, la maltraitance financière touche plutôt un aîné sur quatre », ajoute-t-elle.

Mais comment définir l’exploitation financière par les proches, et comment expliquer sa prévalence? Voici trois situations dont les personnes âgées – et leur entourage, espérons-le, honnête – doivent se méfier.

1) LE PROCHE DEMANDE À RECEVOIR UN HÉRITAGE ANTICIPÉ

L’adulte mal intentionné (enfant, neveu ou nièce, petit-enfant) est peut-être d’avis qu’il a droit aux fonds qu’il entend soutirer et que sa requête n’a rien de condamnable, après tout, du simple fait qu’il est un héritier probable ou certain, de toute façon.

Mme Tamblyn Watts poursuit : « Mis devant une obligation financière pressante, comme des réparations à leur maison, ces proches sans scrupules se disent que c’est une bonne idée de tâcher d’obtenir de l’argent tout de suite. Souvent, ils usent de subterfuges pour parvenir à leurs fins, d’abord en siphonnant des liquidités, avant de passer un jour à des choses plus graves. Je pense à un prêt adossé à une hypothèque ou à l’encaissement des placements. »

Les exploiteurs peuvent même pousser l’audace jusqu’à faire croire que l’argent soutiré est destiné à des soins pour leurs enfants ou leur animal de compagnie. Ou encore, ils brandissent la menace de restreindre les visites ou de mettre fin aux soins à prodiguer, affirme la porte-parole de la CARP.

« Une tactique courante, c’est de dire à un parent âgé “donne-moi de l’argent, sinon, tu ne verras plus jamais tes petits-enfants”. Du pur chantage. Quand ils n’ont pas d’enfant, ils mentionnent leur chien. »

« Voilà une manigance souvent mise à profit. »

2) LE PROCHE ENTRETIENT UNE CO-DÉPENDANCE

Il n’est pas rare qu’un proche aidant se double d’un exploiteur. Le fait de prodiguer des soins fort appréciés par l’aîné procure au proche aidant un capital de sympathie qu’il n’hésitera pas à faire jouer, parfois, en vue d’obtenir des avantages pécuniaires.

Le quart des personnes qui exploitent une personne âgée vivent sous le même toit qu’elle, selon Kathy Majowski, présidente du conseil d’administration du Réseau canadien pour la prévention du mauvais traitement des aînés (RCPMTA). « C’est donc le conjoint ou la conjointe, un enfant ou un petit-enfant; bref, un être cher qui assume un rôle de proche aidant, à des degrés divers. »

Le proche malhonnête peut avoir des problèmes de toxicomanie ou des troubles psychologiques, ce qui exacerbe sa dépendance financière, explique Mme Tamblyn Watts.

« L’un des grands mythes du vieillissement, c’est que l’aîné est dépendant de ses proches plus jeunes. Or, dans les cas de maltraitance financière, on voit que c’est plutôt les jeunes qui vivent aux crochets d’un parent vieillissant et vulnérable. »

Ce genre de dépendance a bien sûr des répercussions sur les victimes : isolées, elles n’ont aucune idée qu’on les dupe. Et si elles souffrent d’un trouble cognitif, les victimes tombent dans un état de vulnérabilité totale, renchérit Mme Tamblyn Watts.

« Souvent, les exploiteurs s’insinuent subtilement dans la vie de leur proie. Ils s’emploient à l’isoler et à réduire ses contacts avec l’extérieur. Madame Unetelle aimait tant recevoir de la visite! Autrefois si active au sein du club des tricoteuses, elle se referme sur elle-même, pour toutes sortes de raisons. Impossible de la joindre, elle est toujours au lit. »

« Il se peut que les victimes âgées n’aient même pas conscience qu’on les trompe. »

Autre complication : étant donné la relation étroite entre l’abuseur et sa cible, les aînés au fait de leur problème n’osent pas le signaler à qui que ce soit, explique Mme Majowski. « Ils ne veulent pas avoir de soucis, ressentent de la honte ou ont tout simplement peur. »

3) L’EXPLOITEUR DÉPLOIE DES FAUX-FUYANTS ET MANIGANCES

Si l’exploiteur se voit un jour contraint d’avouer ses malversations, il invoquera des problèmes physiques, psychologiques ou émotifs dus à un épuisement découlant de sa charge d’aidant naturel, affirme Mme Majowski.

« C’est le genre d’excuses qu’on entendra parfois pour justifier les gestes malhonnêtes. »

D’autres tactiques encore? Rejeter la faute sur d’autres proches, qui auront l’air d’être les auteurs du méfait, tandis que l’exploiteur se donnera le rôle de sauveur auprès de l’aîné, explique Mme Tamblyn Watts. Elle mentionne le scénario où l’exploiteur manipule la victime et la persuade que les autres membres de l’entourage n’ont pas ses intérêts à cœur.

« Fins stratèges, ils font appel à des techniques de détournement cognitif. Crédule, la victime sombre dans la détresse; elle se retrouve plus que jamais isolée. »

Qui pis est, l’abuseur qui constate que son stratagème fonctionne avec maman se dit que tante Rose pourrait bien elle aussi tomber dans le panneau, avance Mme Tamblyn Watts.

RENSEIGNEZ-VOUS

Visant à outiller les aînés aussi bien que les proches ou le conseiller financier d’un aîné, l’atelier de littératie financière Aider les aînés à déjouer les fraudeurs de CPA Canada leur permet de se prémunir contre la fraude.

Par ailleurs, informez-vous sur les trucs des fraudeurs et les moyens qu’ils prennent, à l’ère des percées technologiques, pour cibler et arnaquer les personnes âgées.

Que faire, comme CPA?

Peut-être avez-vous comme clients des personnes âgées vulnérables, susceptibles d’être exploitées par des proches. Sachez qu’il existe des signes à surveiller, et, pour les aînés, des façons de se prémunir contre ce fléau, nous rappelle la CARP. Le Réseau FADOQ propose aussi des conseils sur la fraude et des informations de littératie financière.

LA PUCE À L’OREILLE – INDICES À SURVEILLER :
• Les activités financières du client ou sa situation financière générale ont changé.
• Vous éprouvez de la difficulté à entrer en contact avec votre client.
• Il y a une nouvelle personne dans la vie de votre client (ami, membre de la famille). Il se peut même qu’elle soit allée vivre avec lui.
• Le comportement général de votre client a changé : il est devenu timide, il hésite, il fuit votre regard.
• Votre client a changé, sur le plan physique; il a l’air débraillé.
• Si vous avez l’habitude de lui rendre visite chez lui, vous remarquez une certaine désorganisation; la maison est mal entretenue.
• Votre client répugne à prendre des engagements; par exemple, il ne tient pas à prendre rendez-vous avec vous, son comptable.

MESURES À PRENDRE POUR SE PROTÉGER COMME AÎNÉ :
• S’informer sur les signes et les symptômes de l’exploitation financière (ou d’autres types de mauvais traitements).
• Parler à un proche à qui on fait confiance et lui faire part de certaines appréhensions; inviter cette personne de confiance à jouer un rôle de chien de garde, dans les années à venir.
• Nommer un mandataire, ou reconsidérer l’à-propos d’avoir nommé telle ou telle personne comme mandataire (le client doit comprendre qu’il peut changer d’avis et nommer quelqu’un d’autre s’il le désire).
• Se tourner vers un travailleur social, un conseiller ou un médiateur, au besoin.
• Collaborer avec un conseiller en services financiers digne de confiance.
• Envisager de nommer une société de fiducie comme liquidateur (qui sera chargée de gérer la succession).