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Cadrage sur une rangée de cubes en bois déposé en croissance et avec une flèche verte qui pointe vers le haut sur le dernier de chaque pile

Une approche judicieuse en matière de fiscalité pour la relance

Alors que le gouvernement fédéral s’emploie à relancer l’économie, nous examinons les façons dont les grands thèmes et principes fiscaux peuvent contribuer à façonner les mesures de relance annoncées dans le discours du Trône et d’autres tribunes.

Depuis le début de la pandémie mondiale de COVID-19, le gouvernement du Canada agit avec célérité et détermination pour apporter une aide financière aux citoyens et aux entreprises. En tant que conseillère de confiance, CPA Canada a travaillé main dans la main avec le ministère des Finances du Canada, l’Agence du revenu du Canada et d’autres ministères fédéraux alors qu’ils apportaient des précisions sur ces mesures indispensables, formulant des recommandations et offrant son expertise pour que les prestations prévues soient versées de manière efficiente, équitable et efficace.

Le gouvernement commence maintenant à tracer la voie et à adopter des politiques qui pourraient avoir un effet décisif sur la rapidité et l’intensité avec lesquelles le pays recouvrera sa santé économique. CPA Canada estime qu’il est essentiel de jauger ces plans, lorsque ceux-ci reposent sur les politiques fiscales et sur leur application, par rapport aux principes d’un bon système fiscal, c’est-à-dire un système simple, équitable, prévisible et efficient, concurrentiel sur le plan international et axé sur la perception de recettes pour le bien public.

En tenant compte de ces principes, nous proposons que le gouvernement concentre son action sur les trois grands axes suivants :

  • simplification des règles fiscales;
  • analyse rigoureuse des hausses d’impôts envisagées;
  • mise en place d’un cadre décisionnel fondé sur des principes pour les modifications fiscales proposées.

Examinons chacun de ces axes ainsi que des exemples de la façon dont ils pourraient s’appliquer aux mesures de relance annoncées dans le discours du Trône de 2020, l’Énoncé économique de l’automne 2020 et d'autres tribunes. 

SIMPLIFICATION DES RÈGLES FISCALES

Les difficultés que des citoyens et des entreprises au pays ont connues en demandant certaines mesures d’aide d’urgence, comme celles du programme initial d’aide pour le loyer commercial (Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial), illustrent l’importance de concevoir des politiques simples. Même dans les meilleures conditions, les règles fiscales et les processus administratifs doivent viser à réduire au minimum le temps consacré par les particuliers, les entreprises et autres organisations à remplir leurs obligations fiscales ainsi que le temps écoulé avant de recevoir leurs prestations sociales. Aujourd’hui plus que jamais, notre système fiscal doit s’appuyer sur des politiques raisonnables de même que sur des processus et des technologies efficientes afin de rendre la production des déclarations de revenus, les opérations et les interactions aussi simples que possible pour tous.

Exemples : Soutien à la reprise économique du Canada

Production automatisée des déclarations de revenus (engagement énoncé dans le discours du Trône de 2020)

Le gouvernement s’engage à mettre en place un système de production automatisée de déclarations d’impôt pour les déclarations simples afin que les citoyens à faible revenu reçoivent les prestations qui leur sont destinées. Cet engagement est d’une importance vitale pour les plus vulnérables d’entre nous.

Des pays comme la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni disposent déjà d’un tel système, mais leur régime d’imposition des particuliers est beaucoup plus simple que le nôtre. Compte tenu de la grande complexité de la fiscalité canadienne, il reste à voir si ce système serait efficace ici.

En plus de permettre la production automatisée des déclarations de revenus, le gouvernement doit travailler à simplifier le système fiscal dans son ensemble. De fait, CPA Canada est d’avis que le régime d’imposition des particuliers doit d’abord être simplifié pour que cette proposition puisse porter ses fruits.

Admissibilité aux programmes destinés aux personnes handicapées (engagement énoncé dans le discours du Trône de 2020)

Le gouvernement propose d’améliorer les processus servant à déterminer l’admissibilité à ses programmes et d’instaurer une nouvelle prestation canadienne pour les personnes en situation de handicap, inspirée du Supplément de revenu garanti destiné aux aînés.

Dans le cadre de cet engagement, nous exhortons le gouvernement à s’attaquer à la complexité du processus visant à déterminer l’admissibilité au crédit d’impôt pour personnes handicapées et aux programmes connexes – un processus ardu par lequel les particuliers doivent répondre aux définitions souvent contestées de conditions d’admissibilité et fournir une attestation d’un professionnel de la santé.

Des règles plus simples et des lignes directrices plus claires permettraient de s’assurer que les personnes handicapées reçoivent les prestations auxquelles elles ont droit.

Examen des dépenses fiscales (engagement électoral pris en 2019)

Nous rappelons au gouvernement qu’il s’est engagé à entreprendre un examen exhaustif des dépenses fiscales dans le but d’éliminer les allégements fiscaux inéquitables dont bénéficient les Canadiens bien nantis. Nous recommandons toutefois qu’il élargisse le mandat de cet examen afin de rationaliser les déductions et les crédits d’impôt, d’éliminer les avantages fiscaux inefficients ou mal ciblés et d’accroître l’automatisation du système fiscal.

Nous soutenons depuis longtemps qu’une refonte en profondeur du système fiscal est nécessaire. Étant donné la situation actuelle et la priorisation immédiate de la relance économique, cette refonte peut attendre pour l’instant, mais devrait figurer en tête de liste des priorités gouvernementales à moyen terme. Un système fiscal plus simple, plus équitable, plus efficace et plus concurrentiel sera essentiel pour assurer la durabilité de la relance économique du pays.

ANALYSE RIGOUREUSE DES HAUSSES D’IMPÔTS ENVISAGÉES

Le gouvernement fédéral a indiqué qu’il n’envisage pas, à l’heure actuelle, de hausser les impôts pour assainir les finances publiques du pays. Nous sommes d’accord. Des hausses qui toucheraient les particuliers ou les sociétés seraient néfastes dans le contexte économique actuel. Si le gouvernement souhaite engranger davantage de recettes fiscales, il doit regarder au-delà des hausses des taux d’imposition et trouver de meilleurs moyens de le faire, notamment l’élargissement de l’assiette fiscale.

Exemples : Soutien à la reprise économique du Canada

Taxation des inégalités extrêmes sur le plan de la richesse (engagement énoncé dans le discours du Trône et dans l’Énoncé économique de l’automne 2020)

Le gouvernement a l’intention de chercher des moyens de taxer les « inégalités extrêmes sur le plan de la richesse ». Bien qu’il n’ait pas donné plus de précisions, différentes approches pourraient être envisagées, comme la hausse du taux d’imposition marginal maximum des revenus des particuliers, la modification de certains crédits d’impôt ou de certaines déductions ou règles fiscales, l’augmentation du montant des gains en capital assujettis à l’impôt et l’adoption d’un impôt successoral ou d’un impôt sur la fortune.

Le taux d’imposition le plus élevé étant supérieur à 50 % pour les particuliers dans la plupart des provinces, le gouvernement doit se prémunir contre les conséquences inattendues. Des mesures destinées à augmenter l’impôt des particuliers pourraient décourager certains, dont les mieux nantis, de gagner un revenu, et les inciter à transférer leurs revenus ou leurs capitaux à l’extérieur du Canada, voire à commettre une fraude fiscale ou à recourir à l’évitement fiscal abusif.

Le Bureau du directeur parlementaire du budget (DPB) s’est interrogé, dans une note sur l’évaluation du coût, quant à la manière dont la richesse pourrait être évaluée et mesurée annuellement avec exactitude si, par exemple, le Canada instaurait un impôt sur la fortune équivalant à 1 % du patrimoine net au-delà de 20 millions de dollars par année. Le DPB croit qu’il faut s’attendre à « une forte modification du comportement, en raison des stratégies d’évitement et d’optimisation du patrimoine employées par les familles à valeur nette élevée ».

Nous recommandons au ministère des Finances du Canada de réaliser un examen de l’impôt sur la fortune instauré dans d’autres pays et du niveau de succès obtenu. À titre d’exemple, l’Institut Fraser constate dans un rapport que huit des douze pays européens qui ont imposé un impôt sur la fortune en 1990 l’ont supprimé depuis.

Simplification et élargissement de la TPS

Le gouvernement pourrait décider d’augmenter le taux de TPS, mais, à l’instar d’autres parties prenantes, nous lui conseillons fortement de commencer par simplifier le régime de la TPS et élargir le panier de produits et services auxquels elle s’applique.

Le régime actuel comporte une abondance d’allégements et d’exonérations, qui rendent l’observation des règles excessivement complexe et fortement coûteuse, en temps et en argent.

En outre, il est impossible de déterminer si ces avantages atteignent leur but, à un coût optimal. Un rapport sur les dépenses fiscales publié par le ministère des Finances du Canada estime, par exemple, le coût de la détaxation des produits d’épicerie de base à quelque 4,89 milliards de dollars en 2019. Cependant, comme nous l’avons mentionné dans un rapport précédent, il a été démontré que, toutes proportions gardées, cette mesure est plus avantageuse pour les personnes à revenu élevé que pour les familles à faible revenu qu’elle est censée aider.

L’abolition de ces avantages, qui pourrait se faire dans le cadre de l’examen des dépenses fiscales du gouvernement, simplifierait le système et élargirait du même coup l’assiette fiscale. Parallèlement, le gouvernement pourrait, au besoin, intégrer au système des protections à l’intention des contribuables vulnérables et à faible revenu.

De manière plus générale, le recours accru aux taxes à la consommation plutôt qu’à l’impôt sur le revenu ferait en sorte que la composition des recettes fiscales du Canada se rapprocherait davantage de celle de nombreux pays à l’échelle internationale (pour plus de détails, consultez notre rapport).

MISE EN PLACE D’UN CADRE DÉCISIONNEL FONDÉ SUR DES PRINCIPES POUR LES MODIFICATIONS FISCALES PROPOSÉES

En période de prospérité comme en période difficile, il est nécessaire d’examiner attentivement toutes les modifications envisagées en matière de fiscalité pour s’assurer qu’elles seront bonnes pour l’économie, seront efficaces et limiteront les perturbations pour les particuliers et les entreprises. Les nouvelles mesures doivent être étayées par des données et bien ciblées; leur conception doit tenir compte des interactions avec les autres mesures fiscales et le système fiscal dans son ensemble. Elles ne doivent pas avoir de conséquences inattendues ni accroître inutilement la complexité.

Exemples : Soutien à la reprise économique du Canada

Imposition des activités économiques numériques à l’échelle mondiale (engagement énoncé dans le discours du Trône et dans l’Énoncé économique de l’automne 2020)

Les règles fiscales actuelles n’ont pas tenu compte de la valeur économique créée par l’intermédiaire d’opérations d’ordre numérique menées par des entreprises sans présence physique au pays. Par conséquent, le Canada, comme bien d’autres pays, perd des recettes fiscales.

Pour prendre en considération ces enjeux, nous estimons qu’il faut mettre les Canadiens sur un pied d’égalité avec les non-résidents et imposer les activités des entreprises numériques de manière équitable, efficiente et favorable à la croissance.

Dans l’Énoncé économique de l’automne 2020, le gouvernement propose de mettre en œuvre une taxe imposée aux sociétés offrant des services numériques, qui entrerait en vigueur le 1er janvier 2022, et précise que de plus amples informations seront données dans le budget de 2021. La taxe serait perçue jusqu’à l’adoption d’une approche multilatérale acceptable d’imposition des bénéfices numériques. Le Canada et quelque 140 pays participent à un projet d’envergure mondiale mené par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui vise à élaborer des principes d’imposition uniformes de ces activités.

Créer un cadre fiscal qui ne soit pas trop complexe et qui obtienne l’assentiment de toutes ces parties est un défi de taille. Il serait toutefois plus judicieux de s’entendre sur une approche mondiale qui favoriserait le plus l’efficience et l’équité dans tous les pays concernés, dont le Canada.

CPA Canada invite le gouvernement à continuer de souscrire à la démarche de l’OCDE et à y prendre une part active, afin d’en arriver à un cadre fiscal mondial fondé sur des principes, qui fait consensus, dans un univers numérique.

En attendant, soulignons que l’Énoncé économique de l’automne 2020 va dans le sens de la recommandation de CPA Canada, qui propose d’élargir l’application de la TPS/TVH aux fournisseurs de services numériques étrangers comme s’ils étaient des fournisseurs canadiens, en les obligeant notamment à s’inscrire aux fins de la TPS/TVH et à percevoir celle-ci sur leurs ventes taxables aux consommateurs canadiens. Il appert que les autres opérations faisant intervenir des fournisseurs non-résidents seront également assujetties à la TPS/TVH. Ces changements entreraient en vigueur le 1er juillet 2021.

Réduction de moitié du taux d’imposition des sociétés du secteur des technologies propres (engagement énoncé dans le discours du Trône de 2020)

Le gouvernement vise à orienter les mesures de relance vers les activités commerciales qui favorisent les technologies propres. En effet, il propose dans le discours du Trône de réduire de moitié le taux d’imposition des sociétés qui fabriquent des produits zéro émission.

Nous saluons l’objectif du gouvernement de favoriser l’essor d’une économie plus durable et recommandons la réalisation d’une étude approfondie et d’une vaste consultation sur cette mesure.

Pour pouvoir déterminer les conséquences éventuelles de cette approche, il nous faudra plus de précisions. Par exemple, la réduction s’appliquerait-elle à la totalité des bénéfices réalisés par l’entreprise ou uniquement à la part des bénéfices provenant de ses activités liées aux technologies propres? Le calcul doit être aussi simple que possible. Le gouvernement doit également avoir l’assurance que cette mesure incitera réellement les entreprises à modifier leurs activités et n’aura pas pour effet de récompenser des pratiques et des plans déjà en place. S’il souhaite obtenir les résultats escomptés, il doit prendre conscience du caractère crucial que revêt la définition de termes comme « produits zéro émission ».

De plus, le gouvernement doit déterminer si un incitatif fiscal est le meilleur moyen d’atteindre les objectifs qu’il s’est fixés. Pour ce faire, il devra évaluer les coûts et les avantages de différentes solutions afin d’établir lesquelles seront les plus bénéfiques pour l’environnement, l’économie, les finances publiques et le bien-être des Canadiens.

MAINTIEN DES MESURES D’URGENCE À COURT TERME SELON LES BESOINS

Bien entendu, comme le gouvernement l’a constaté dans l’Énoncé économique de l’automne 2020, les particuliers et les entreprises ont encore besoin d’aide pour faire face à leurs obligations financières jusqu’à ce que la reprise économique soit bien installée. La profession comptable comprend la nécessité de prendre des mesures maintenant pour soutenir les Canadiens, les entreprises et l’économie du pays, tout en étant consciente de l’ampleur de la tâche que représentera la gestion des finances du pays.

Ces mesures d’urgence doivent également faire l’objet d’un examen basé sur les trois grands axes décrits plus haut. En ce qui concerne la Subvention salariale d’urgence du Canada, par exemple, il est encore possible de simplifier les règles et l’accès aux fonds pour les entreprises en difficulté qui doivent payer leurs employés. Tandis que le gouvernement mettra en œuvre ces importants programmes, nous continuerons de lui faire part de nos observations.