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Photo d’un mur de galerie d’art avec une reproduction de la Joconde, à laquelle est superposé un code binaire
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Jetons non fongibles : le point sur les NFT

Un nouveau type de cryptoactif fait les manchettes, les NFT, pour non-fungible tokens. Réalité de demain ou engouement passager?

Photo d’un mur de galerie d’art avec une reproduction de la Joconde, à laquelle est superposé un code binaire.Les jetons non fongibles fournissent un moyen sûr de faire valoir et de protéger la propriété d’un actif numérique. (GettyImages)

Les jetons non fongibles (les NFT, de l’anglais non-fungible tokens) ont récemment pris d’assaut le monde des cryptoactifs. Au début des échanges de nouveaux actifs virtuels en ligne, l’incertitude régnait; mais aujourd’hui, la valeur numérique associée aux NFT atteint des hauteurs vertigineuses. Certains actifs numériques inédits prennent figure d’objet de collection qu’on s’arrache.

Ces prix stratosphériques reflètent le caractère unique d’un marché en expansion, où les actifs numériques s’achètent et se vendent tout comme des objets de collection tangibles. Parmi les opérations qui ont fait la une, mentionnons la mise aux enchères du tout premier tweet de Jack Dorsey, chef de la direction de Twitter, qui a trouvé preneur à 2,9 M$, ainsi qu’une vidéo du joueur de basketball LeBron James, adjugée à 200 000 $ sur la plateforme de cartes à collectionner numériques NBA Top Shot.

Mais de quoi parle-t-on au juste?

QU’EST-CE QU’UN JETON NON FONGIBLE?

Les NFT sont des jetons qui représentent la propriété d’actifs numériques. Ces actifs sont créés, signés et vendus par l’intermédiaire de la chaîne de blocs, qui atteste leur caractère unique.

Celui qui possède un objet de valeur tel qu’une voiture ou une œuvre d’art a en général des preuves à l’appui, qui attestent ses droits de propriété, rappelle Andreas Park, professeur agrégé de finance à l’Université de Toronto. Dans le cas d’une voiture, il s’agit du certificat d’immatriculation. Il en va de même pour les NFT, mais la forme que prend la preuve de propriété et l’endroit où celle-ci se trouve se sont transformés.

« Un jeton non fongible, c’est un certificat de propriété numérique, explique-t-il. Il s’agit simplement d’une entrée dans la chaîne de blocs, entrée tout à fait unique. »

Les NFT peuvent représenter n’importe quel objet immatériel, comme une vidéo, un objet de collection numérique, un morceau de musique ou encore un habillage de jeu vidéo (comme un fragment de code supplémentaire qui personnalise l’apparence d’un personnage). « Le NFT existe, à l’image de l’objet physique », explique Aws Al-Hasani, consultant en technologie financière et cofondateur d’Auxiun, une société montréalaise d’opérations en cours de jeu. « Mais tandis que l’un peut être tenu en main, l’autre est virtuel. »

Hrish Lotlikar, cofondateur et propriétaire de SuperWorld, une entreprise de réalité augmentée, y va d’une explication similaire. « Ces produits ne sont pas tangibles comme dans la réalité physique, mais ils existent bel et bien dans la mesure où l’on dépense de l’argent pour les posséder », dit-il.

LA NOTION DE NON-FONGIBILITÉ

L’opposition entre la fongibilité et la non-fongibilité est à la base des NFT. Un objet fongible a la même valeur qu’un autre objet : il peut être échangé, car sa valeur est égale. Par exemple, les bitcoins sont fongibles du fait qu’un bitcoin est échangeable contre un autre bitcoin.

Les articles non fongibles, eux, ne sont pas interchangeables, car ils ont des propriétés exclusives. « Ils sont uniques, comme des œuvres d’art originales, qui n’existent qu’en un seul exemplaire », explique M. Al-Hasani.

COMMENT ÇA MARCHE?

Chaque NFT s’accompagne d’un contrat unique, dont les conditions sont souvent stipulées par le créateur du contenu. Si le créateur conserve les droits sur le NFT, il peut recevoir des redevances chaque fois que ce NFT change de propriétaire. Dans le cas du premier tweet de Jack Dorsey, celui-ci a attesté l’authenticité du NFT, fournissant en fait une sorte d’autographe virtuel qui imprime sur l’actif numérique une marque permanente, faisant valoir son identité propre. Ce faisant, le PDG de Twitter en a probablement fait augmenter la valeur.

« Tout revient à la question suivante : quels sont les droits sur ce NFT? Que peut-on en faire? », résume M. Al-Hasani.

Récemment, la première maison virtuelle, créée par Krista Kim, une artiste numérique canadienne, a été vendue en tant que NFT sur le marché de l’art numérique SuperRare pour 288 ethers, soit environ 650 000 $ (une valeur à revoir, au gré des cours fluctuants). Aux termes du contrat, Krista Kim a conservé les droits de sa demeure virtuelle, qui sont intégrés à la chaîne de blocs.

Étant donné que les NFT existent dans un grand livre public (comme tous les cryptoactifs), l’historique de la propriété du produit est de notoriété publique, explique Aws Al-Hasani. Le marché de l’art traditionnel, sur Internet et ailleurs, est truffé de copies frauduleuses, mais la contrefaçon est tout simplement impossible dans le cas des jetons non fongibles. « Impossible de dupliquer un NFT », soutient l’expert. La vérification sur la chaîne de blocs permet de distinguer un original d’un duplicata. Bien qu’il soit possible de créer des copies contrefaites d’un objet, tout comme dans le monde de l’art, l’original attesté sera toujours là – et le propriétaire du jeton sera assuré de son véritable statut.

Malik Datardina, CPA, directeur principal, Innovation en audit, à Deloitte Canada et bénévole au Comité consultatif sur la gestion de l’information et les technologies de l’information de CPA Canada, estime que l’absence d’un intermédiaire fiable, qui serait à même de distinguer un original d’un faux, constitue un problème potentiel.

« Comme pour tout autre marché de l’art, il doit y avoir un intermédiaire de confiance », croit-il. Or, pour l’instant, dans cet univers, il n’y en a pas.

Essentiellement, les NFT exercent le même attrait que les cartes de baseball ou les bandes dessinées, ajoute M. Datardina; ils sont vus comme des objets de collection. Le fait que le marché soit décentralisé (comme c’est le cas pour toutes les cryptomonnaies) est un facteur supplémentaire à prendre en compte. « Ce n’est pas comme le marché boursier, où la réglementation s’applique à des sociétés cotées. Pour les NFT, en l’absence de modèle structuré, on échange un actif pur. » Tout comme il n’existe pour ainsi dire aucune réglementation dans l’exemple du marché des bandes dessinées de collection, il en va de même pour les fameux jetons non fongibles.

LES NFT, POUR QUOI FAIRE?

En fin de compte, l’attrait des NFT relève de ce que M. Al-Hasani appelle « la psychologie de la propriété » : les gens aiment savoir que quelque chose leur appartient.

Et, disons-le, c’est parfois une question d’ego. Tout comme on aime s’offrir une belle voiture ou une œuvre d’art, on peut vouloir se tourner vers un actif numérique convoité. Ceux qui ont choisi les actifs virtuels délaisseront peut-être un jour les plateformes comme Zoom pour plutôt tenir des réunions dans des espaces virtuels sur mesure, où leur collection d’actifs numériques sera mise en valeur.

« Imaginez : vous venez dans mon monde numérique et vous pouvez y admirer toutes mes œuvres d’art; de quoi faire des jaloux », poursuit M. Al-Hasani.

Nos vies s’imbriquent dans le numérique et dans de nouveaux méta-univers. Les experts s’accordent à dire que les ventes de NFT vont se généraliser. « Le plus beau de l’affaire, c’est que tout ce domaine évolue, constate M. Lotlikar. Ce sera passionnant de voir l’univers se développer, de voir où nous arriverons. »

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