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Illustration d’un avion survolant un graphique
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Magazine Pivot

Les agences de voyage utilisent l’IA et les données pour aider leurs clients

Les voyagistes s’attaquent à un riche filon, les données, et misent sur l’IA, nouvelle arme de planification et de service à la clientèle, pour gagner la bataille de la rentabilité.

Illustration d’un avion survolant un graphiqueJusqu’à présent, le secteur du voyage est plutôt resté à la traîne des autres industries en ce qui concerne l’utilisation de l’intelligence artificielle. (Illustration Matthew Billington)

Terre inexplorée pour le secteur du voyage, l’intelligence artificielle? Oui, répond Bryan Baker, vice-président, analytique et perspectives, à Fresh Tracks Canada, qui a taillé ce poste sur mesure en février 2022. « L’industrie est en période de rattrapage, et notre PDG, Sushant Trivedi, a pour priorité d’intensifier nos efforts en analytique et en données pour exploiter de nouveaux filons. »

Fresh Tracks, agence de voyages établie à Vancouver depuis 1996, entend tirer parti des montagnes de données qu’elle a recueillies auprès de quelque 25 000 clients pour mieux les fidéliser. L’intelligence artificielle (IA) lui permet aussi d’y voir plus clair. Quels visiteurs du site Web s’apprêtent à se décider? Un algorithme élaboré à l’interne en collaboration avec un partenaire répond à la question. Quand une cliente demande un prix, Fresh Tracks peut voir combien de brochures elle a téléchargées au préalable, combien de courriels promotionnels elle a ouverts. L’algorithme détermine quelle combinaison d’actions aboutit à une réservation. « On se fonde sur les gestes précédents, mais comme les interactions changent tous les jours, une mise à jour en temps réel s’impose », précise Bryan Baker.

Un nouvel outil qui aide l’organisation à répartir stratégiquement le temps de travail des agents et à bonifier l’expérience client. « Nous voulons être là quand le client est prêt à réserver son voyage, pas avant. »

Le recours aux algorithmes et l’adoption d’un nouveau programme de fidélisation par Fresh Tracks début octobre 2022 portent déjà leurs fruits. Pour l’exercice en cours, le nombre de réservations des clients fidélisés est passé de 0,4 % à 6 %. Bryan Baker se dit optimiste quant aux retombées à long terme. « Au lieu de considérer que les voyageurs souhaitent réaliser tous leurs objectifs d’un coup, mieux vaut nouer une relation avec eux et leur proposer d’autres voyages complémentaires. »

Fresh Tracks n’est pas la seule agence à compter sur l’IA et les données pour développer ses activités. En 2020, Jacques Bulchand-Gidumal, professeur en activités numériques et tourisme à l’Institut universitaire du tourisme et du développement économique durable de l’Université de Las Palmas, aux îles Canaries, faisait le point sur les données fournies par les touristes avant, pendant et après leur voyage, classées sous cinq rubriques : activités en ligne; activités hors ligne; biométrie, y compris données émotionnelles; dispositifs portables; et contenus générés par l’utilisateur. En combinant ces sources, on dresse un profil du client, qui servira à lui recommander des produits et services adaptés. Les avantages ne se limitent pas à une simple hausse du nombre des réservations. Améliorer l’expérience client, définir les préférences des voyageurs, abaisser les coûts de main-d’œuvre, faciliter la gestion de la marque grâce au suivi des commentaires négatifs, ainsi se déclinent les mérites de l’IA.

On le devine, les grands acteurs qui ont su tirer le meilleur parti de l’IA sont les sites de réservation comme Airbnb et TripAdvisor, qui recourent à l’apprentissage machine pour déterminer quel voyage souhaite réserver l’internaute, à partir de ses réservations antérieures ou même de son adresse IP. « La démarche repose essentiellement sur une analyse et une approximation des probabilités », explique Robert Cole, consultant en stratégie marketing et en technologie du voyage.

Certains intervenants, dont les chaînes hôtelières, restent néanmoins à la traîne, observe-t-il. Pourtant, les données des séjours précédents les renseignent sur les desiderata des clients. L’un ne jure que par les oreillers synthétiques, mais l’autre n’aime pas que la femme de chambre lui prépare le lit au coucher. À chacun ses marottes.

Il va de soi que la personnalisation est pratique courante dans les hôtels de luxe, où le personnel consigne les moindres préférences d’une clientèle huppée dans un profil d’utilisateur. Cela dit, grâce à l’analyse des données et à l’IA, les établissements de gamme intermédiaire seraient en mesure d’offrir des services comparables à grande échelle, sans alourdir les coûts de main-d’œuvre. Le problème, d’après Robert Cole? La désuétude des systèmes de réservation et d’exploitation, archaïques, mais fiables. « Certaines préférences sont centralisées, mais, sur le plan opérationnel, il s’avère compliqué de transmettre l’information à l’établissement lui-même, au moment critique. »

Certains hôtels intermédiaires s’emploient à offrir un tel raffinement dans la personnalisation, aidés par des applications comme le système Marriott Bonvoy. « Dans l’appli, je peux cocher tout ce que je veux : arrivée en avance, brosse à dents, trousse de rasage et couvertures supplémentaires », souligne Jason Schenker, futurologue en finances, qui dirige le Futurist Institute à Austin, au Texas. Les applications proposent une expérience personnalisée « à demi », même s’il incombe encore aux voyageurs de faire les demandes.

Malgré tout, la plupart des entreprises tardent à pleinement exploiter le potentiel de l’IA, faute de données adéquates, de qualité suffisante, précise Robert Cole. « L’IA exige de grands ensembles de données épurées. Or l’industrie du voyage – notamment de l’hôtellerie – est fragmentée et n’a pas assez de données enrichies engrangées à grande échelle pour que l’IA dégage des résultats fiables. »

Bien sûr, les agences sont tenues de prendre certaines précautions avant de commencer à éplucher les données. « Chaque intermédiaire de la chaîne de réservation détient des données sur les établissements où vous avez séjourné, poursuit Jason Schenker. Comme toute entreprise, les agences de voyages sont obligées de préserver la sécurité des données, autant que possible, surtout parce qu’on y trouve des renseignements d’identification. »

À l’heure où l’automatisation, l’IA et les données ouvrent la voie de l’avenir, d’après Jason Schenker, ces précautions sont essentielles. Pour rester concurrentiels, les acteurs de l’industrie du voyage devront prioriser la technologie. « Compte tenu de l’importance croissante des données, dans les décennies à venir, toute organisation qui entend se tailler une place de choix devra se tourner vers le numérique. »

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