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Jeune homme faisant un vlogging avec une caméra à la maison
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Déferlante d’influenceurs prompts à prodiguer des conseils financiers

De plus en plus de personnalités du Web offrent des conseils financiers sur les réseaux sociaux. Le temps est-il venu d’y prêter l’oreille?

Jeune homme faisant un vlogging avec une caméra à la maisonLes influenceurs qui donnent des conseils financiers en ligne rejoignent les internautes sur des plateformes où ceux-ci sont déjà bien à l’aise. (Getty Images/Oscar Wong)

Non, sa famille ne roulait pas sur l’or. Et quand Parween Mander, fille aînée d’immigrés d’Asie du Sud, s’est posé des questions sur l’état de ses propres finances, il y a 12 ans, elle s’est heurtée à des difficultés. Dans son entourage, il n’y avait pas grand-monde à même de lui apporter des réponses. La barrière de la langue avait empêché ses parents de s’outiller pour maîtriser les rouages de la finance. Ils n’avaient pas non plus, à plus forte raison, été en mesure de faire appel à un professionnel qui les aurait guidés.

Parween Mander a donc décidé de se spécialiser dans le domaine. Aujourd’hui Accredited Financial Counselor, elle a fondé sa propre plateforme en ligne en avril 2020, au tout début de la pandémie, plateforme où elle propose des orientations à son public. Sur TikTok, elle raconte son vécu à quelque 22 000 abonnés. La jeune femme, qui n’hésite pas à aborder des sujets délicats, porte un regard lucide sur les rapports conflictuels à l’argent, hérités de génération en génération. Elle publie aussi des capsules vidéo pour décrypter le jargon financier.

Disons-le, toute une galerie de personnages sont montés sur l’estrade des réseaux sociaux pour prodiguer mille et un conseils sur les finances. Des gags hilarants aux pas de danse comiques, à chacun son influenceur! Ne vous étonnez pas si l’un d’entre eux surgit sur votre fil d’actualité pour vous présenter son palmarès des fonds négociés en bourse ou ses trucs pour tenir un budget serré à l’approche de la récession. Il y a de tout. Charlatans ou professionnels de confiance? À vous de juger.

Photo de Parween Mander travaillant sur son ordinateur portable, assis sur le canapé.Parween Mander dirige une plateforme de conseils financiers pour femmes de couleur. (Image fournie)

La popularité des réseaux sociaux ne se dément pas, et il peut s’avérer difficile d’avoir accès à un conseiller en services financiers, en particulier pour ceux qui viennent d’un milieu modeste ou marginalisé. Le tout a suscité maintes vocations d’influenceur. À présent que la récession menace, les internautes inquiets affluent comme jamais sur Reddit, TikTok, Twitter et autres. Les thèmes abordés sont variés : comment tirer parti du CELI, comment déclarer au fisc les plus-values sur les opérations en cryptomonnaie… Toutefois, l’absence de contrôle des contenus et le mirage de l’enrichissement facile exposent les lecteurs à certains risques. Il est donc impératif de faire le tri.

C’est un fait, quand il s’agit de finance, les influenceurs ont la cote. Il est désormais facile d’apprendre en ligne, que ce soit sur Instagram ou sur TikTok. Pour Cristie Ford, directrice du Centre de droit des affaires de l’Université de la Colombie-Britannique, la transition s’explique par la nature des plateformes. « Les influenceurs diffusent leur contenu sur des canaux que les utilisateurs connaissent déjà, mais la recherche d’un conseiller en services financiers relève parfois du parcours du combattant. »

Coreen Sol, gestionnaire de portefeuille et autrice du guide Unbiased Investor: Reduce Financial Stress and Keep More of Your Money, est convaincue que l’instinct grégaire joue aussi en faveur des influenceurs en finance. « Il faut prendre conscience de certains comportements. On veut faire partie d’un groupe, suivre le mouvement, et on a tendance à croire quiconque s’exprime avec assurance, surtout quand de nombreux abonnés lui font déjà confiance. »

Elle rappelle, à titre d’exemple, l’engouement pour l’action GameStop, en janvier 2021. « L’envolée du cours, de 4 à 80 $, n’avait rien à voir avec les changements constatés dans l’activité de GameStop. Les rumeurs couraient, et tout le monde s’est rué sur les actions, à cause d’un effet de mode. Les actionnaires suivaient le mouvement, dans l’espoir de doubler leur mise sans délai. »

Selon Cristie Ford, le phénomène a été renforcé par les confinements successifs. « Nous sortions de l’isolement, et quelques grands noms des réseaux, comme Roaring Kitty, en ont profité. Ils ont tablé sur le fait que certains voulaient à tout prix participer à des discussions en ligne, et on a ainsi créé un faux sentiment d’appartenance. » Précisons que c’est l’analyste américain Keith Gill qui a fondé la chaîne YouTube Roaring Kitty, montrée du doigt pour avoir alimenté l’emballement.

« Évidemment, si on s’adresse à un conseiller en service financiers, la donne change », ajoute Cristie Ford. Tout comme Parween Mander, Jim Chuong a découvert TikTok pendant la pandémie, grâce à sa fille. « J’étais absent des réseaux sociaux, mais la plateforme TikTok m’a frappé par sa simplicité », explique ce multimillionnaire autodidacte, conseiller et mentor à ses heures, qui s’est exprimé sur NBC et CBC, et dans le Globe & Mail. « Au début, j’avais quelques vues par vidéo, puis j’en ai eu des centaines, des milliers, des centaines de milliers, des millions. » Deux ans et demi plus tard, il a 344 000 abonnés, et ses capsules informatives ont déjà recueilli 5,7 millions de « J’aime ». [Si vous avez besoin de conseils en matière de budget et de fiscalité, voyez comment ces CPA partagent leurs conseils sur TikTok].

Photo de Jim Chuong, regardant son téléphone portable dans sa voiture.Jim Chuong est coach financier autodidacte et multimillionaire. (Photo Joshua Best)

Dans les années 1980, bien avant que les réseaux sociaux aient réponse à tout, les bibliothèques proposaient une multitude d’ouvrages et de revues sur les finances. Jim Chuong les a dévorés pour apprendre à cheminer vers l’indépendance. « Le problème reste le même qu’à l’époque : il y a trop d’information brute à digérer, si bien qu’on est intimidé par l’ampleur de la tâche. C’est comme si quelqu’un se retrouvait dans une salle d’entraînement remplie de centaines de machines et qu’on lui disait : “Vas-y. À toi de jouer.” » [Consultez les ressources de CPA Canada en littératie financière].

Devant l’incertitude, on se rapproche alors de ceux qui ont rencontré les mêmes difficultés, et qui les ont surmontées. « C’est normal. On ne sait pas par où commencer et on tâtonne. Voilà exactement où j’en étais il y a 40 ans », conclut Jim Chuong.

C’est un peu le parcours qu’a suivi le CPA Bassem Zahili, au départ consulté par ses amis, ses collègues et sa famille. Mais le tout a fait boule de neige, et ses tutoriels sur les finances sont désormais publiés sur sa chaîne YouTube, qui compte plus de 17 500 abonnés.

Parween Mander, Jim Chuong et Bassem Zahili l’ont tous les trois remarqué, il y a fort à faire pour étancher la soif de connaissances en finance au Canada.

Digne de foi

Au départ, la chaîne de Bassem Zahili affichait 10 nouveaux abonnés par jour. Tout a changé en 2021. Spéculation, quand tu nous tiens! Soudain, des particuliers s’arrachaient les actions de GameStop et d’AMC Entertainment (et même de Bed Bath & Beyond). Et les cours ont flambé. Un feu de paille attisé par des réseaux sociaux, avec en tête de peloton, le forum r/WallStreetBets. GameStop a alors fait la une. « En une journée, une vague d’abonnements sans précédent a déferlé. Pourquoi? Parce que j’avais publié une vidéo sur GameStop », explique Bassem Zahili. Jour après jour, environ 150 abonnés s’ajoutaient. Il précise que les soubresauts du marché ont valu à un cercle restreint d’acteurs de se remplir les poches. Certains prétendus experts ont mangé la laine sur le dos des petits actionnaires et engrangé des millions.

Photo de Bassem Zahili, CPA, en train d'émettre à son bureauBassem Zahili, CPA, est agent immobilier à temps partiel et youtubeur. (Photo Erin Laydon)

« Avant de jouer gros jeu, il faut faire des recherches. N’allons pas croire aveuglément les rumeurs qui circulent sur Internet. »

Les formules miracles pour s’enrichir en un clin d’œil sont alléchantes. On fait miroiter des rendements faramineux à grand renfort de publicités racoleuses, et certains tombent dans le panneau. Parween Mander et Bassem Zahili soulignent qu’il faut se méfier des belles paroles. Bassem est même catégorique. Certaines chaînes YouTube lancent des déclarations fracassantes, et l’argent entre à flots pour elles, en un temps record. Pour sa part, il ne promet pas mer et monde et s’insurge contre les pièges à clics. « Évoquer un rendement de 10 %, c’est déjà excellent. Interrogeons-nous sur les résultats mirobolants. Si c’est trop beau pour être vrai, c’est sans doute faux. »

Quand le doute s’installe, Parween Mander recommande de vérifier les titres de compétences et affiliations des créateurs de contenu. Elle conseille de ne pas se limiter aux réseaux sociaux pour apprendre. Il s’agit, certes, d’un bon outil, mais qui doit être complété par d’autres ressources (livres, conseils de professionnels, entre autres).

Jim Chuong lance une mise en garde et suggère de douter de tout ce qu’on voit sur les réseaux sociaux. « Ne tenez rien pour acquis et discutez-en avec un conseiller de confiance. »

Vive la diversité

En septembre 2022, on comptait environ 17 000 planificateurs financiers au Canada. Au Québec, d’après l’Institut québécois de planification financière (IQPF), on en retrouvait à peu près 5 000. Mais combien d’entre eux maîtrisent le mandarin, le cantonais, l’hindi, le pendjabi, voire l’italien? Bien peu, selon un sondage réalisé en 2021 par FP Canada. Femme de couleur, Parween Mander parle le pendjabi, et c’est ce qui inspire confiance à certains groupes qui se tournent vers elle.

« La discrimination systémique s’exerce à différents niveaux, et de nombreux obstacles bloquent l’accès aux ressources et au savoir. Et puis, il y a les mentalités. Mes parents s’inquiétaient du lendemain, et comme jeune adulte, j’ai d’emblée tenu mon budget avec soin. » Dans cette logique, Parween Mander accompagne les femmes de couleur dans leurs démarches pour prendre en main leurs finances.

Présente en ligne, Parween Mander crée des contenus qui donneront confiance à sa clientèle et à son public, peu importe le parcours en jeu. Elle leur donne les moyens d’agir, en somme, et c’est ce qui lui plaît le plus.

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