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Une maison imprimée en 3D dans une clairière luxuriante entourée de verdure
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Construction de logements : l’impression architecturale 3D pourrait-elle régler une partie du problème?

Face à la crise de l’accessibilité au logement, la fabrication additive pourrait bien venir à la rescousse des constructeurs d’habitations qui doivent répondre à une forte demande.

Une maison imprimée en 3D dans une clairière luxuriante entourée de verdureLa maison Fibonacci, imprimée en 3D et située à Procter (C.-B.), peut être louée sur Airbnb. (Avec l’autorisation de Twente Additive Manufacturing)

C’est en 2018 que Ian Comishin se lance dans l’impression architecturale 3D aux Pays-Bas, en compagnie de quatre associés. Le rêve à réaliser? Imprimer des maisons. « On a foncé tête baissée », d’expliquer l’entrepreneur de Kimberley (C.-B.). C’est ainsi qu’est née la maison Fibonacci en 2020, première structure architecturale imprimée en 3D au Canada, nichée dans le pittoresque village de Procter (C.-B.). Offerte en location sur Airbnb, la maisonnette (400 pi2) servira de modèle pour de futurs logis.

L’entreprise d’Ian Comishin, Twente Additive Manufacturing (TAM), voit en l’impression 3D une piste à explorer en contexte de crise du logement abordable.

Présente en Europe, à Dubaï et au Canada, TAM poursuit son travail de développement d’imprimantes architecturales 3D, et dans bien des pays, on en redemande. Économie de temps, économie de coût aussi, la construction par impression 3D l’emporte sur les méthodes d’hier. De quoi pallier la pénurie de logements dans le monde, d’après Ian Comishin.

La technologie émergente repose sur un procédé intuitif. Une grande imprimante 3D pousse un mélange de béton spécial à travers une buse (un peu comme on presse sur le tube pour faire sortir le dentifrice), érigeant, couche par couche, les murs de la structure. C’est moins cher que les méthodes classiques et, sans contredit, étonnamment rapide. Il a suffi de cinq semaines pour fabriquer, imprimer et installer la maisonnette Fibonacci. Construire en 3D réduit les coûts de 15 % à 25 %, fait valoir Ian Comishin.

L’argument massue? La vitesse. TAM collabore avec des organisations internationales qui aident les sans-abri et les mal-logés, évincés d’un marché inaccessible, à trouver un toit. D’où des partenariats avec l’organisme World Housing de Vancouver, pour bâtir cinq maisons à deux chambres qui accueilleront des familles à Nelson (C.-B.), et avec l’Université de Windsor et Habitat pour l’humanité, pour réaliser un projet résidentiel à Windsor-Essex (Ontario) dans les prochains mois.

Tournée vers l’international, TAM, qui regroupe des divisions de génie et de direction aux Pays-Bas, une filiale à Dubaï, un centre de recherche-développement en Allemagne et deux établissements en Colombie-Britannique, fabrique ses imprimantes à Hemmingford, au Québec. Ian Comishin souligne que la demande monte, nourrie par des projets de logement abordable au Japon, au Moyen-Orient et en Amérique du Sud.

TAM, qui vend ses imprimantes 3D de pointe et offre elle-même des services d’impression 3D, utilise ses propres machines et en assure l’évolution technologique accélérée. À la vente et aux services d’impression, les deux piliers de son chiffre d’affaires, s’ajoutent les services de génie-conseil et de consultation, sans oublier les licences logicielles, qui alimentent les bénéfices, précise Ian Comishin.

Nemkumar Banthia, professeur en génie civil, titulaire d’une Chaire de recherche du Canada à l’Université de la Colombie-Britannique, considère qu’en plus de son potentiel en construction résidentielle, l’impression 3D favorise la durabilité. Le recours à la robotique et aux TI élimine environ le tiers des déchets de construction. Une imprimante 3D peut servir à répétition, et pour modifier le projet, il suffit de reprogrammer le logiciel de commande. La facilité de mise à jour du logiciel autorise la personnalisation des habitations. « Et n’oublions pas la fonctionnalité qu’offre la construction accélérée en 3D en situation d’urgence, par exemple, pour réinstaller une population après une catastrophe », ajoute-t-il.

D’après Scott Dunham, vice-président à la recherche au cabinet-conseil en impression 3D SmarTech Analysis, établi aux États-Unis, malgré la rapidité d’exécution de certaines étapes de la construction, des pierres d’achoppement demeurent.

« Entre autres difficultés inhérentes, la plupart des structures 3D exigent une approche échelonnée afin d’intégrer à l’intérieur même de l’ouvrage les dispositifs de branchement aux services publics et autres. » L’imprimante fabrique les murs de béton en un rien de temps, mais les corps de métiers doivent intervenir pour l’électricité, la plomberie, l’isolation.

Le hic, c’est que le Canada accuse du retard du côté de la formation des travailleurs spécialisés appelés à dessiner les structures et à manier les imprimantes, selon Ian Comishin. « Dans les écoles européennes, les étudiants apprennent à piloter les outils matériels et logiciels au cœur de la technologie. Le Canada doit presser le pas. » D’ailleurs, en Colombie-Britannique, le campus Trail du collège Selkirk, à Nelson, n’a pas tardé à intégrer la construction par impression 3D et la méthode de TAM à son programme de fabrication numérique. « Les jeunes se présentent dans le laboratoire et y dessinent des pièces que nous imprimons pour leur donner une idée des capacités de la technologie. »

L’impression 3D, c’est l’avenir du logement durable et abordable, pense le professeur Banthia, qui évoque la Chine, les États-Unis et Singapour, où des quartiers entiers ont été bâtis à partir de cette technologie. On estime que d’ici 2027, le secteur de l’impression 3D pèsera quelque 55,8 G$ US à l’échelle mondiale.

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