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Un portrait de Nancy Wilson
Articles de fond
Magazine Pivot

« Les problèmes systémiques exigent des solutions systémiques. » – Nancy Wilson, CPA

Nancy Wilson a fondé la Chambre de commerce des femmes canadiennes pour s’attaquer aux disparités entre les genres en affaires.

Avant d’inaugurer la toute première chambre de commerce des femmes au pays, Nancy Wilson avait gravi les échelons en finances et en comptabilité dans différentes entreprises. Vers la fin de ce chapitre de sa vie professionnelle, elle a constaté le contraste entre les membres du service à la clientèle d’une petite société en démarrage – de jeunes femmes, en grande partie racisées –, et l’équipe des ventes, à prédominance masculine. L’atmosphère misogyne l’a motivée à changer de voie. 

La CPA s’est battue pour que les employées du service à la clientèle obtiennent une rémunération équitable de leurs heures supplémentaires. Faisant preuve d’une détermination inébranlable, elle a refusé de céder malgré les pressions organisationnelles. « La direction aurait aimé une femme CPA qui la fasse bien paraître devant le conseil tout en acceptant le sexisme », constate-t-elle. Résolue à changer les choses, elle a fondé un petit cabinet comptable au service de propriétaires d’entreprise qui s’identifient comme des femmes, mais a vite constaté que le problème du sexisme, qu’elle avait vu sous diverses formes au fil de sa carrière, était aussi un frein à l’entrepreneuriat. 

Ses clientes se butaient en effet à des obstacles qui dépassaient les difficultés ordinaires de l’entrepreneuriat, notamment le mal inouï à obtenir un prêt. C’est dans ce contexte qu’elle a appris qu’il n’y avait pas au Canada de chambre de commerce représentant spécifiquement les intérêts des femmes entrepreneures, contrairement aux États-Unis, à de nombreux pays européens et à quelques pays d’Afrique. Elle s’est donc tournée vers Google pour savoir comment en fonder une. 

Ainsi, Nancy Wilson a constitué la Chambre de commerce des femmes canadiennes en vertu de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif en 2017. Elle a ensuite tenu des groupes de discussion pour en orienter les priorités. Au début, elle et l’autre bénévole œuvraient à temps partiel, mais en 2020, le temps plein est devenu nécessaire. Aujourd’hui, l’équipe compte dix personnes en plus d’un conseil consultatif et travaille à la réalisation d’ambitieuses campagnes s’adressant au gouvernement. 

Son parcours lui avait déjà montré que les problèmes systémiques exigent des solutions systémiques. Nancy Wilson mise sur son titre de CPA pour les appliquer. 

Avez-vous été surprise par les discussions tenues après la création de la Chambre de commerce? 

J’ai été étonnée de voir que la nature et les activités d’une chambre de commerce (et à plus forte raison d’une chambre de commerce des femmes) sont méconnues. De nombreuses personnes pensent à tort que ces entités, pourtant présentes au Canada depuis plus d’un siècle, font partie de l’appareil gouvernemental. Elles savent généralement qu’il s’agit d’institutions ayant un certain pouvoir, sans plus. Fait moins surprenant : la question de l’accès aux capitaux revenait souvent dans les discussions. 

Pourquoi l’accès au capital est-il beaucoup plus ardu pour les femmes? 

Les entreprises qui appartiennent à des femmes peinent généralement à obtenir des capitaux. Dans les secteurs qui se prêtent aux investissements fondés sur les capitaux propres, la situation s’explique en partie par des préjugés inconscients : les investisseurs – sociétés de capital-risque et anges investisseurs – ne posent pas les mêmes questions aux fondatrices d’entreprises qu’aux hommes en affaires, ce qui est un problème en soi, mais les chiffres sont révélateurs. Dans les meilleures années, les entreprises appartenant à une femme reçoivent de 3 à 4 % des investissements en capital-risque; en moyenne, il s’agit plutôt de 2 %, et, dans le cas des femmes racisées, d’environ 0,2 %. Le financement par emprunt, seule option pour la majorité des entreprises appartenant à une femme (principalement des entreprises de services ou de commerce électronique et non du secteur des technologies), est aussi limité par divers préjugés. Et les prêteurs voient ces secteurs comme étant particulièrement à risque.

Que fait la Chambre de commerce des femmes canadiennes pour changer entre autres ces aspects?

Nous ciblons différents publics, selon l’enjeu : nous envoyons des notes de synthèse aux élus et organisons des campagnes publiques. Comme les politiques gouvernementales demeurent le principal moteur du changement, même les campagnes publiques visent à exercer des pressions sur le gouvernement pour qu’il modifie ou adopte certaines politiques.

Qu’est-ce qui est au programme à l’heure actuelle?

Nous formons une alliance de différentes organisations (notamment d’autres groupes d’entrepreneuriat, des groupes d’artistes et le Congrès du travail du Canada) pour amener le gouvernement à adopter des politiques de soutien aux travailleurs autonomes. Les politiques qui ciblent les entrepreneures concernent généralement les PME, alors qu’environ un million de travailleuses autonomes participent à l’économie; c’est un groupe essentiellement ignoré. Un autre projet vise à faciliter l’accès des entrepreneures aux prêts bancaires et au capital-risque : nous leur montrons comment répondre aux questions des investisseurs – des questions différentes de celles posées aux hommes – pour favoriser l’obtention du financement.

Mis à part le soutien aux propriétaires d’entreprises qui s’identifient comme des femmes ou des personnes non binaires, qu’est-ce qui distingue la Chambre de commerce des femmes?

Structurée comme les autres organisations analogues, la Chambre de commerce des femmes canadiennes a aussi pour rôle principal de défendre les intérêts de ses membres, mais se distingue par sa mission. Toutes nos activités visent l’équité économique, pour nos membres et pour la population générale. Nous sommes d’avis que l’équité économique relève des droits de la personne, et que les intérêts du milieu des affaires et de la collectivité ne sont pas mutuellement exclusifs.

LE LEADERSHIP DE L’AVENIR

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Légende : Nancy Wilson se bat contre le sexisme au travail et pour l’équité économique. (May Truong)