Passer au contenu principal
Une femme âgée se tient à côté d'une girafe
Articles de fond
Magazine Pivot

La femme qui aimait les girafes et la CPA qui met en lumière son travail

Grâce à un documentaire sur Netflix et à d’autres projets, on rend enfin justice à une pionnière de la zoologie, la Canadienne Anne Innis Dagg.

Une femme plus âgée se tient à côté d'une girafeAnne Innis Dagg a été nommée à l’Ordre du Canada en 2019. (Elaisa Vargas)

En 1956, Anne Innis Dagg, 23 ans, fraîche émoulue de l’Université de Toronto, veut partir en Afrique pour étudier les us et coutumes des girafes.

Son projet inédit précédera de quatre ans la première étude de Jane Goodall sur les chimpanzés et devancera de sept ans les recherches de Dian Fossey sur les gorilles de montagne. Seul problème, la jeune femme, qui envoie moult demandes dans plusieurs pays d’Afrique, essuie refus après refus. Jusqu’au jour où elle a l’heureuse idée de signer « A. Innis ». Et voilà que, forte d’une identité neutre, la zoologiste sera accueillie à la ferme Fleur de Lys, qui cumule la culture des agrumes et l’élevage de bétail, non loin du parc national Kruger, au cœur de l’Afrique du Sud. L’infatigable chercheuse y passera un an à observer les girafes, et ses travaux révolutionnaires laisseront une empreinte durable sur la zoologie.

En 1958, Anne Innis Dagg publie son tout premier article scientifique sur un mammifère africain. En 1976, elle signe son traité Giraffe: Biology, Behaviour and Conservation, encore considéré comme la bible du comportement des géants au long cou. Puis, la chercheuse s’efface peu à peu de la vie publique. Elle a son doctorat en poche et des publications validées par ses pairs, notamment de premières observations en anglais sur l’homosexualité animale. Rien n’y fait. Trois universités ontariennes rejettent sa demande de permanence. Le sexisme sévit, et on refuse d’embaucher une femme mariée pour tout poste qui mène à la titularisation. Quand la zoologiste postule un emploi de biologiste à l’Université Wilfrid-Laurier, le comité de recrutement (où ne siègent que des hommes, il va sans dire) lui préfère un rival moins qualifié. La candidate éconduite porte l’affaire devant la Commission ontarienne des droits de la personne, mais elle sera déboutée. 

Pendant trente-cinq ans, cette passionnée travaillera comme personne-ressource au programme d’études indépendantes de l’Université de Waterloo, rédigera des articles de science participative, publiera des textes féministes et signera des ouvrages sur le comportement animal. Personne – pas même ses enfants – ne comprend alors à quel point elle fait figure de pionnière.

« C’est en voyant The Woman Who Loves Giraffes que j’ai mesuré ses exploits », avoue la fille d’Anne Innis Dagg, Mary, CPA de profession. Le documentaire de 2018 a ramené la zoologiste sous les feux de la rampe. 

Depuis la sortie du film, Anne Innis Dagg, nommée à l’Ordre du Canada en 2019, est courtisée par les journalistes. On parle d’elle dans la presse, à la télévision et à la radio. Elle a reçu des diplômes honorifiques et même des excuses des trois universités qui l’avaient écartée dans les années 1970. On l’inonde de questions pour savoir comment protéger les girafes, désormais plus menacées que les éléphants. « À chaque projection du documentaire, on me disait : “Quelle femme extraordinaire! Comment la soutenir?” Il fallait tirer parti de cette énergie », poursuit Mary.

C’est ainsi qu’est née la fondation Anne Innis Dagg. Le sourire aux lèvres, Mary dit que sa mère ne lui a pas légué sa passion pour la biologie. Et pourtant, l’an dernier, elle a décidé de renoncer temporairement à son travail de chef des finances dans un cabinet d’avocats de Toronto pour lancer la fondation. Puis, il y a quelques mois, elle a changé de cap et délaissé Bay Street pour l’univers des OSBL qui protègent la nature. 

Mary mène des campagnes de financement, organise des projections virtuelles et des activités pédagogiques, et rencontre même des producteurs, à qui elle présente une idée de série dramatique sur le parcours de sa mère. Tout cela pour mettre en pleine lumière le travail acharné de la zoologiste. 

« Ma mère était en avance sur son temps », explique Mary, qui évoque ses recherches en zoologie et sa lutte contre le sexisme en sciences. « Les préjugés dominaient, mais on voit bien qu’elle a défriché un territoire. » 

CHEMINS DE TRAVERSE

D’autres CPA suivent une voie différente. Découvrez celui qui embouteille de l’eau pétillante pour réaliser un noble objectif, cet autre qui exploite les bénéfices de l’agrotechnologie sur ses terres agricoles en Saskatchewan, et enfin cette contrôleuse générale de l’Ontario qui est devenue sous-ministre.