Passer au contenu principal
Randonneur masculin se reposant et utilisant un ordinateur portable sur un rocher près d'un lac dans la montagne.
Articles de fond
Magazine Pivot

Implications fiscales du télétravail généralisé : un pensez-y bien

Bruce Ball, vice-président, Fiscalité, à CPA Canada, présente ses réflexions sur les implications fiscales à long terme du télétravail.

Randonneur masculin se reposant et utilisant un ordinateur portable sur un rocher près d'un lac dans la montagne.Selon un récent sondage, 48 % des répondants travailleront probablement à distance au moins en partie après la pandémie. (Getty Images/Todor Tsvetkov)

À l’évidence, quand nous en serons venus à bout, la COVID nous aura amenés à adopter le télétravail à long terme, et ce virage aura des incidences fiscales notables pour les employeurs.

Selon un récent sondage de Gartner, grand cabinet de services-­conseils, 48 % des répondants travailleront probablement à distance au moins en partie après la pandémie, comparativement à 30 % avant celle-ci. Pour les employeurs, cette mobilité accrue de la main-d’œuvre s’accompagne d’un éventail de nouveaux risques et obligations en matière fiscale, particulièrement si les salariés quittent la province, voire le pays.

La montée du télétravail a déjà donné du fil à retordre aux fiscalistes et aussi aux équipes de l’ARC, qui, au printemps, ont dû traiter des millions de premières demandes de déduction de frais de bureau à domicile (voir « Confinement imposé », Pivot, Mars-Avril 2021). L’ARC a simplifié les règles pour l’année d’imposition 2020, mais la situation démontre combien elles se sont compliquées.

Visiblement, les difficultés que soulèvent les déductions pour travail à domicile ne sont qu’une facette des nombreux risques fiscaux dont devront tenir compte les employeurs. Comme autre corollaire de la pandémie, il se peut qu’on s’interroge enfin sur le labyrinthe des dispositions fiscales, un questionnement qui n’a que trop tardé (reste à voir s’il sera mené à bien). Ce serait l’occasion d’actualiser et de simplifier les règles, au terme d’un examen mené par le gouvernement fédéral.

TRAVAIL HORS PROVINCE

Quand l’employé et l’employeur exercent leurs activités au même endroit, les deux suivent les mêmes règles fiscales, et les arrangements habituels ne soulèvent généralement aucune question qui sort de l’ordinaire.

Les choses se corsent si le salarié travaille dans une autre province. L’ARC précise notamment que l’employeur doit effectuer les retenues sur le salaire en fonction de la province ou du territoire où l’employé se présente pour travailler. Mais où est-ce, en contexte de télétravail? Et qu’en est-il des salariés de multinationales qui collaborent avec des collègues de plusieurs pays? 

S’il n’est pas simple de déterminer où l’employé se présente pour travailler, l’ARC préconise de se tourner vers la source du paiement. Or, ce critère n’est pas toujours limpide : dans un monde où le numérique domine, l’administration de la paie, parfois centralisée pour l’ensemble des établissements, sera éventuellement confiée à des employés présents dans différents lieux d’imposition.

Les règles sont plus simples pour le salarié, qui acquitte l’impôt de la province ou du territoire où il vit. Les retenues à la source peuvent s’avérer incorrectes si l’employeur relève d’un autre lieu d’imposition, mais le salarié recevra un remboursement d’impôt ou paiera les impôts exigibles, à la fin de l’année; il pourra également demander une modification des retenues, par anticipation.

Pour l’employeur, cependant, la question des retenues d’impôt n’est pas la dernière à régler.

Les entreprises doivent notamment déterminer comment répartir leur chiffre d’affaires entre les provinces et les territoires où elles exercent leurs activités, de façon à établir la part attribuable à chaque lieu d’imposition. Généralement, il faut calculer la proportion du chiffre d’affaires et de la masse salariale qui correspond aux « établissements stables » dans chaque lieu d’imposition. Le fisc adopte ici une définition large : on pourrait notamment juger que l’entreprise a un établissement stable dans une province si l’employé ou l’agent a l’autorité d’y passer des contrats au nom de l’employeur.

Et si un tel employé travaille à domicile, sa résidence pourrait constituer un établissement stable. Une partie de la masse salariale et du chiffre d’affaires de l’entreprise serait alors affectée à la province de résidence de l’employé. Il est possible que les montants affectés aux différents lieux d’imposition ne varient guère, mais l’entreprise pourrait se voir obligée de produire des déclarations fiscales en Alberta ou au Québec (si elle n’y est pas déjà assujettie à des obligations fiscales).

CPA Canada et d’autres parties prenantes abordent régulièrement ces questions avec l’ARC et lui ont suggéré d’adapter les règles à la mobilité de la main-d’œuvre. Nous avons également demandé à l’Agence des précisions sur le télétravail, notamment quand l’employeur ne sait pas nécessairement où ses salariés s’acquittent de leurs tâches, ou quand ils travaillent dans plusieurs lieux d’imposition.

TRAVAIL À L’ÉTRANGER

Des questions analogues surgissent dans un contexte international où, une fois de plus, la pandémie a fait ressortir la complexité du système. [Pour en savoir plus sur des implications fiscales du télétravail depuis l’étranger, consultez cet article.]

Prenons l’exemple d’un habitant de la ville frontalière de Windsor qui travaillait à Détroit avant la pandémie. Selon les règles habituelles, les États-Unis imposeraient son revenu d’emploi, qui serait aussi inscrit sur sa déclaration fiscale au Canada, mais qui ne serait pas imposé de nouveau, puisque l’employé demanderait un crédit d’impôt pour revenu de source étrangère. 

La situation se complique considérablement quand l’employé en question travaille à domicile en raison des confinements. L’employeur américain a maintenant un salarié à l’étranger et doit déterminer ses obligations en matière de déclarations fiscales au Canada. Le salarié canadien doit s’assurer que son employeur étranger procède aux retenues d’impôt adéquates. L’employeur américain pourrait se retrouver avec un établissement stable au Canada et, partant, serait astreint à de nouvelles obligations fiscales.

L’ARC a publié des politiques et des lignes directrices visant à assouplir certaines règles pendant la pandémie, mais une solution à long terme s’impose à l’heure où le travail à distance se généralise. (Vous trouverez à la page L’ARC et la COVID-19 des précisions sur les exemptions liées à la COVID-19 pour les employés transfrontaliers.)

En attendant la solution, l’employeur doit faire preuve de vigilance et déterminer où travaillent ses salariés pour tenir compte des considérations fiscales dans ses politiques de télétravail, en particulier si certains traversent les frontières.

Nouvelles fiscales

Tenez-vous informé des nouvelles récentes sur la fiscalité et la COVID-19 et consultez notre Blogue sur la fiscalité pour des informations pratiques et des perspectives nouvelles.