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Comptabilité
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Opérations à déclarer ou à signaler : des propositions qui pourraient aller trop loin

Bruce Ball, FCPA, vice-président, Fiscalité, à CPA Canada, explique que les nouvelles règles pourraient donner lieu à des obligations différentes de ce qui était souhaité au départ, et présente d’autres préoccupations à leur sujet.

Une femme d’affaires consulte sa tabletteDe nouvelles règles concernant les obligations d’information ont été introduites dans le budget fédéral de 2021. (Getty Images/EmirMemedovski)

Des propositions législatives publiées au Canada viennent imposer des obligations de déclaration qui ciblent des stratégies de planification fiscale à caractère agressif. Au cours d’une période de consultation de 60 jours (qui a commencé le 4 février 2022, au moment de la publication de l’avant-projet de loi), le gouvernement fédéral a consulté les contribuables et d’autres parties prenantes au sujet des modifications proposées. Bien que les règles n’aient pas encore été mises au point, il est impératif que les CPA comprennent les propositions publiées.

OPÉRATIONS À DÉCLARER : CE QU’IL FAUT SAVOIR

Parmi les règles annoncées, l’exigence qui pourrait avoir la plus grande incidence sur les contribuables et leurs conseillers est celle concernant les opérations à déclarer.

« Beaucoup diraient que les règles ont un champ d’application trop vaste, constate Bruce Ball, FCPA, vice-président, Fiscalité, à CPA Canada, et que les déclarations demandées ne correspondent pas à ce qui avait été annoncé dans le budget et qu'elles ne sont pas conformes aux lignes directrices de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). »

Selon les règles actuelles, pour déterminer si une opération doit être déclarée, il faut réaliser une analyse en deux étapes : l’opération doit être une « opération d’évitement » au sens de la règle générale anti-évitement et elle doit comporter au moins deux des trois marqueurs conçus pour relever des opérations d’évitement fiscal pouvant avoir un caractère abusif. (Les marqueurs concernent les honoraires, le droit à la confidentialité et la protection contractuelle.) [Pour en savoir plus, voir Nouvelles déclarations obligatoires en fiscalité : problèmes et solutions.]

Parmi les modifications, deux sont fondamentales. « Premièrement, l’opération sera définie comme une opération d’évitement lorsque l’obtention d’un avantage fiscal est l’un de ses principaux objets », explique Bruce Ball. Or, une telle définition peut englober des situations faisant intervenir des avantages fiscaux ordinaires, qui n’ont rien d’abusif.

Deuxièmement, l’obligation de déclarer existe dès qu’un seul marqueur s’applique. Le Comité mixte sur la fiscalité de l’Association du Barreau canadien et de Comptables professionnels agréés du Canada s’est montré préoccupé du fait que l’obligation de déclarer soit principalement tributaire des marqueurs et que des opérations commerciales légitimes puissent correspondre à au moins un marqueur et donc donner lieu à une exigence de déclaration.

L’obligation vise les contribuables et leurs conseillers, et le délai de déclaration est généralement de 45 jours.

La définition vaste du terme « conseiller » constitue une autre source de préoccupation : des professionnels qui ne sont pas les principaux conseillers au dossier pourraient ne pas savoir qu’ils ont une obligation de déclarer (de nombreuses situations font intervenir plusieurs conseillers aux compétences diversifiées).

La date d’application proposée étant fixée au 1er janvier 2022, il semble que les obligations entreront en vigueur avant même l’adoption des propositions législatives.

OPÉRATIONS À SIGNALER : MODIFICATIONS IMPORTANTES

La notion d’opération à signaler, introduite dans le budget fédéral de 2021, correspond à une opération identique ou sensiblement semblable aux opérations désignées (généralement des planifications fiscales agressives). Une opération ou une série d’opérations est « sensiblement semblable » à une opération ou à une série d’opérations désignée si l’opération ou la série d’opérations donne lieu à l’obtention d’un « attribut fiscal » identique ou semblable ou si elle est soit apparentée sur le plan des faits, soit fondée sur la même stratégie fiscale ou une stratégie fiscale semblable. Ainsi, si une opération correspond à cette définition, elle doit être signalée; rappelons que le délai pour effectuer ce signalement est de 45 jours et que la date d’entrée en vigueur a été fixée au 1er janvier 2022.

Les décisions concernant ces opérations à signaler seront prises par le ministre du Revenu national, avec l’accord de la ministre des Finances.

Un document d’information a été publié avec l’avant-projet de loi. On y trouve six exemples d’opérations à signaler (pour en savoir plus, consulter notre blogue sur la fiscalité).

Dans son mémoire présenté au ministère des Finances, le Comité mixte a exposé plusieurs problèmes concernant les propositions au chapitre des obligations à déclarer et des obligations à signaler.

NOUVELLES EXIGENCES POUR LES TRAITEMENTS FISCAUX INCERTAINS

« Un traitement fiscal incertain est un traitement fiscal qu’on utilise, ou qu’on prévoit utiliser, dans les déclarations de revenus d’une société lorsqu’il y a une incertitude quant au fait de savoir si ce traitement fiscal sera accepté et que cette incertitude se reflète dans les états financiers audités de la société (ou de son groupe) pour l’exercice », précise Bruce Ball.

Les sociétés touchées par ces dispositions seront tenues de produire des renseignements concernant chacun de leurs traitements fiscaux incertains pour les années d’imposition commençant après 2021.

« Dans le contexte de leurs obligations en matière d’information financière, il est essentiel que les sociétés communiquent l’ensemble de leurs risques fiscaux à leurs auditeurs externes pour permettre à ces derniers de s’acquitter de leurs responsabilités dans l’intérêt du public canadien », rappelle Bruce Ball. Ces règles s’avèrent préoccupantes si les nouvelles obligations viennent miner les communications entre une société et son auditeur. En plus de présenter des préoccupations d’ordre général dans son mémoire sur le sujet, CPA Canada a exposé plusieurs problèmes techniques.

Dans le cas de chacun des trois régimes, des pénalités considérables peuvent s’appliquer si les déclarations ne sont pas faites en temps voulu.

Bien qu’il soit important que l’ARC ait toute l’information nécessaire pour favoriser l’administration fiscale, il est aussi important que les exigences additionnelles en la matière soient ciblées et qu’elles n’engendrent pas de coûts de conformité déraisonnables.

POUR RESTER AU COURANT

Approfondissez vos connaissances sur ces modifications et les préoccupations à leur sujet. Nous publierons également d’autres nouvelles à ce propos dans notre blogue sur la fiscalité et sur notre page consacrée aux nouvelles récentes sur la fiscalité.