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Jeune femme discutant avec ses parents au moyen d'un téléphone intelligent, assise sur un îlot de cuisine à la maison
Canada
Littératie financière

« Oui, on est différents », disent les X et les Y, qui exposent deux visions contrastées des finances

L’économie évolue et les priorités, mentalités et comportements des jeunes changent. Pour en témoigner, voici notre entretien avec deux CPA issues de deux générations.

Jeune femme discutant avec ses parents au moyen d'un téléphone intelligent, assise sur un îlot de cuisine à la maisonLes jeunes maîtrisent souvent bien les technologies, ce qui a un impact sur leur façon de concevoir la littératie financière. (Getty Images/Maskott)

Ce qui nous vient à l’esprit pour différencier les X (nés entre 1965 et 1980) et les Y (nés entre 1981 et 1996), c’est bien souvent l’attitude par rapport au travail. Les Y sont en général vus comme moins axés sur la carrière que leurs aînés.

Mais qu’en est-il des finances? Comment ces deux générations se distinguent-elles? Nous avons fait enquête auprès de deux CPA. L’une, Carolyn Goodwin, de la génération X, exerce les fonctions de gestionnaire principale, Fonctionnement, à la division Responsabilité sociétale de CPA Canada. L’autre, Stephanie D’Souza, de la génération Y, dite aussi génération du millénaire, travaille comme gestionnaire des finances à ACTO Technologies.

Voici un aperçu des principales différences intergénérationnelles qui ressortent de notre échange.

CPA CANADA : Côté finances, quel élément caractérise le mieux votre génération et la distingue de la norme générationnelle précédente?
Carolyn Goodwin (CG) : Je dirais que la plus grande différence réside dans l’accès aux ressources financières. Pour la génération X, décrocher un emploi, rembourser les dettes d’études, devenir propriétaire étaient les facteurs premiers qui motivaient les parcours professionnels. Les membres de la génération Y, eux, sont moins portés à miser sur leur carrière. Ils se disent que, de toute manière, ils n’auront probablement jamais la même qualité de vie que leurs parents. Et, en général, il leur faudra de l’aide de leur famille (p. ex., la garantie d’un cosignataire) pour devenir propriétaires.

Stephanie D’Souza (SDS) : C’est vrai. Je crois aussi que l’accession à la propriété n’est pas autant une priorité pour les Y, qui ont soif de liberté. Ils veulent explorer des pistes à leur gré et parcourir le monde.

Les jeunes veulent profiter de la vie, et, surtout, éviter de passer 30 ans à rembourser leur prêt hypothécaire. Je pense que ce qui a changé en réalité, c’est la manière d’envisager l’objectif d’ensemble.

CPA CANADA : Comme les jeunes maîtrisent les technologies et ont accès à une masse d’informations en ligne, leur mode de pensée a évolué, n’est-ce pas?
CG : Avec les nouvelles technologies viennent de nouvelles façons de trouver des conseils financiers. À mon époque, on se renseignait autrement. On cherchait dans des livres ou on demandait des conseils à ses parents et à ses proches. Mais de nos jours, les parents sont parfois trop occupés, et les jeunes suivent plutôt les recommandations d’influenceurs financiers sur le Web.

SDS : L’accès à autant de ressources change aussi les habitudes d’investissement. Quand la pandémie a frappé, la génération Y s’est vite tournée vers les robots-conseillers et les placements automatisés. Les générations précédentes n’auraient sans doute pas été prêtes à choisir ces outils. Mais les jeunes aiment bien faire les choses eux-mêmes. C’est pour cette raison qu’on les considère parfois comme « la génération du moi », qui privilégie l’autonomie, l’indépendance.

Et puis, il y a les coûts. Les Y sont moins prêts que leurs parents à payer pour s’offrir les services d’un planificateur financier.

Portraits de CPA Carolyn Goodwin et de CPA Stephanie D’Souza Carolyn Goodwin, CPA (à gauche), gestionnaire principale, Fonctionnement, Responsabilité sociétale, CPA Canada. Stephanie D’Souza, CPA, gestionnaire des finances, ACTO Technologies.

CPA CANADA : L’âge moyen du mariage augmente et on a des enfants plus tard, voire jamais. Quels sont les effets de ces changements sur les objectifs d’épargne?
SDS : Pour le mariage, il en va de même que pour tout le reste. La génération montante s’écarte de la norme qui prévalait. En fait, nous sommes assez rebelles. Nous essayons d’aller à l’essentiel de la vie, et nous avons compris que le bonheur ne passe pas nécessairement par le mariage.

Aussi, de nos jours, beaucoup de femmes font le choix de congeler leurs ovules, pour pouvoir reporter et planifier leur grossesse. Les jeunes se sont fixé des objectifs d’avenir, et l’épargne devient le moyen de les atteindre. C’est une démarche à rebours, en quelque sorte.

Cela dit, je crois que nous sommes divisés. Certains d’entre nous sont bien préparés, d’autres non… ils éparpillent leurs placements.

CG : J’ai des amis dont les enfants, du même âge que les miens, passent leur temps à faire de longs voyages à travers le monde, aux frais de leurs parents, naturellement.

Résultat? Ces jeunes ont déjà 30 ans, et sont sans diplôme, ou bien ils ont entamé des études supérieures, mais n’ont pas encore intégré le marché du travail.

Je me demande bien à quoi ressemblera leur univers… Peut-être attendent-ils de toucher leur héritage? Après tout, au cours des prochaines années, on nous dit que les baby-boomers transmettront à leurs enfants des milliards de dollars.

CPA CANADA : Pour vos deux générations, quand on pense aux régimes de retraite, aux avantages qu’offre l’employeur, les attentes ont changé, non?
SDS : Aujourd’hui, avec le coût de la vie qui a bondi, les jeunes valorisent l’accès aux liquidités, et l’idée de bloquer des fonds dans des placements à long terme n’a rien pour les séduire. Les employeurs, heureusement, commencent à faire preuve de plus de souplesse. Ainsi, ils proposent à l’embauche autre chose que l’habituel régime enregistré d’épargne-retraite (REER), par exemple, une aide au remboursement du prêt étudiant. J’espère que la pratique se répandra.

CG : Je suis d’accord. Pour la première fois, nous avons quatre générations réunies sur le marché du travail. Les mêmes solutions ne peuvent s’appliquer à tous. Idéalement, pour chaque recrue, l’employeur devrait organiser une rencontre avec un planificateur financier, pour faire le point : « Vous arrivez à telle ou telle étape de la vie. Voici ce que nous vous proposons. C’est ce qui conviendrait le mieux pour quelqu’un dans la vingtaine, dans la trentaine. »

Il reste que certains employeurs n’offrent ni régime de retraite ni assurances collectives. Mon fils, qui travaille pour un entrepreneur, n’a pas accès à ces avantages. Je l’ai encouragé à souscrire une assurance vie et une assurance invalidité à toute épreuve. Il m’a écoutée, et s’est procuré une excellente protection en cas d’imprévu.

Sans attendre, j’ai fait lire à mes jeunes enfants un livre sur l’indépendance financière. En principe, à long terme, il faut tenter de ne plus dépendre de son emploi comme seule source de revenus. Idéalement, il s’agit de bâtir un portefeuille de placements. De cette manière, un jour, au salaire viennent s’ajouter d’autres sources de revenus. Il faut du temps, mais on peut y arriver.

CPA CANADA : En fin de compte, l’accès à l’information a-t-il aidé les jeunes à prendre en main leurs finances, à s’outiller?
SDS : Pas nécessairement. C’est un phénomène à double tranchant. Il est vrai que les jeunes ont accès à énormément d’informations, mais il reste difficile de toutes les assimiler.

Les X me semblent être plus compétents que nous, sur le plan des finances, peut-être parce qu’ils ont été obligés d’apprendre toutes ces choses. Les Y, eux, ont comme premier réflexe de se renseigner sur le Web.

CG : Pour ma part, je répondrais oui et non. Avec autant de renseignements à portée de la main, jusqu’à quel point peut-on s’y fier? On doit faire attention et vérifier si l’information provient d’une source canadienne, si elle respecte la Loi de l’impôt sur le revenu, par exemple. On trouve tout et n’importe quoi en ligne, et il faut se méfier. Et, justement, c’est là où les ressources en littératie financière de CPA Canada  sont utiles. Destinées à tous les Canadiens, elles présentent l’avantage d’avoir été validées par des CPA.

CPA CANADA : Que dire du rôle de l’employeur en littératie financière? Quelles sont les nouveautés apportées, ou souhaitées, par la jeune génération?
SDS : J’estime que les Y sont ceux qui ont le plus besoin d’outils en littératie financière. Il est rare que les jeunes aient pu discuter de finance avec leurs parents. Ils comptent parfois sur leur employeur pour combler leurs lacunes.

CG : J’ajoute que les jeunes qui intègrent le monde du travail ne doivent pas avoir peur de se renseigner sur les enjeux financiers. L’apprentissage se fait peu à peu, par petites touches. Il est inutile aussi de leur donner de longues explications sur les prix de l’immobilier et les taux hypothécaires, quand l’achat d’une maison ne figure pas encore dans leurs projets. Mieux vaut leur parler des REER et CELI, puisque ce sont des véhicules d’épargne qui leur correspondent mieux.

EN QUÊTE DE CONSEILS?

Certains CPA prodiguent des orientations sur les finances et les affaires dans des forums comme TikTok, YouTube  et LinkedIn. Aussi, notre article sur les influenceurs financiers pourra aider les lecteurs à y voir plus clair.

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