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Jeune famille ayant des problèmes d’endettement, incapable de rembourser son prêt. Couple, étudiant, papier, banque, tout, gérer, budget domestique, ensemble, dans, cuisine
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Examen du régime fiscal : vital pour les entreprises et les particuliers

CPA Canada recommande une révision, voire une refonte, du régime fiscal canadien. Très complexe, celui-ci prive notamment de nombreux citoyens de prestations sociales dont ils ont grandement besoin.

Jeune famille ayant des problèmes d’endettement, incapable de rembourser son prêt. Couple, étudiant, papier, banque, tout, gérer, budget domestique, ensemble, dans, cuisine« Malgré les mesures prises par l’ARC, de nombreux contribuables à faible revenu et d’autres personnes vulnérables ne reçoivent toujours pas les prestations sociales offertes par l’intermédiaire du régime fiscal auxquelles ils ont droit », explique Doretta Thompson, directrice, Responsabilité sociétale, à CPA Canada. (WAYHOME Studio)

Le régime fiscal actuel nuit aux particuliers, aux entreprises et à la compétitivité du pays dans l’économie mondiale, selon un rapport récent de CPA Canada.

Dans le deuxième d’une série de trois rapports sur l’approche « complexe » du Canada en matière fiscale – intitulé Le régime fiscal canadien : Ses problèmes majeurs et l’importance de les régler –, CPA Canada demande une révision, voire une refonte, de ce régime dépassé. Le dernier examen exhaustif dont il a fait l’objet a eu lieu dans les années 1960, soit à une époque où les entreprises et la société étaient bien différentes.

Dans le premier rapport, paru en décembre, après la publication de l’énoncé économique de l’automne par le ministre des Finances du Canada, Bill Morneau (lire notre article Énoncé économique de l’automne 2018 : plus de 17 G$ en nouvelles dépenses sur six ans), CPA Canada examine les préoccupations les plus importantes, au moyen d’études de cas qui illustrent l’incidence de ces problèmes sur les particuliers et les entreprises.

« Les nouvelles mesures annoncées dans l’Énoncé économique de l’automne visant à accélérer l’investissement des entreprises ont été bien accueillies par les groupes du milieu des affaires, mais il s’agit de mesures provisoires qui ne sauraient remplacer un examen approfondi de l’ensemble du régime fiscal, précise Bruce Ball, vice-président, Fiscalité, à CPA Canada. Sans un bon régime fiscal, le Canada ne peut pas être compétitif. »

L’IMPORTANCE D’AGIR SANS PLUS ATTENDRE

La compétitivité du Canada sur la scène mondiale est en jeu, car l’état actuel du régime fiscal a une incidence négative sur l’investissement étranger et le positionnement des entreprises canadiennes.

S’éloignant des tendances observées dans les autres pays, le Canada maintient des taux d’imposition des sociétés au-dessus des recommandations de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Il accuse ainsi un retard par rapport aux autres pays du G7, dont le Royaume-Uni, les États-Unis et la France, qui ont abaissé leurs taux d’imposition ces dernières années.

En outre, la retenue d’impôt sur les dividendes fait fuir les investisseurs étrangers, conclut le rapport. En 2016, le Conference Board du Canada a estimé que cette retenue coûtait au Canada jusqu’à 2,6 G$ en investissements chaque année. Une donnée alarmante quand on sait que les sociétés étrangères emploient deux millions de travailleurs canadiens et sont à l’origine de la moitié des exportations canadiennes environ.

Même avant la baisse récente de l’impôt des sociétés aux États-Unis, les investissements américains au Canada avaient régressé, passant de 40,6 G$ en 2013 à 23,1 G$ en 2017. Les investissements des entreprises canadiennes au sud de la frontière ont, au contraire, bondi, passant de 25,7 G$ à 81,9 G$ pendant la même période. Selon le dernier sondage CPA Canada Tendances conjoncturelles, l’économie canadienne suscite toujours de l’incertitude chez les comptables professionnels occupant des postes de direction.

« Au pays, les petites et moyennes entreprises (PME) – dont les activités représentaient plus de 30 % du PIB de leur province en 2014 et qui employaient plus de 70 % des travailleurs du secteur privé au Canada en 2015 – font les frais d’un régime fiscal excessivement complexe », constate M. Ball.

Même si le régime a pour objectif de stimuler l’activité économique, la création d’emplois et la croissance, la modification, récemment, des modalités d’imposition des PME et de leurs propriétaires a accru la complexité du système et, partant, les coûts d’observation. Parmi les nouvelles difficultés que connaissent les PME et les fiscalistes qui les conseillent, on souligne dans le rapport les modalités d’imposition des sociétés privées et les règles anti-évitement ajoutées aux règles relatives à la déduction accordée aux petites entreprises (DAPE).

Rappelons qu’il faut aussi revoir les incitatifs fiscaux, dont la DAPE et le programme de la recherche scientifique et du développement expérimental (RS&DE), principal investissement du Canada en soutien à la R et D. Sont-ils efficaces compte tenu du contexte actuel et des autres solutions possibles?

Toujours selon le rapport, le programme de la DAPE représentera une dépense de plus de 6,3 G$ en 2019. Et on estime par ailleurs que le total des montants versés au titre du crédit d’impôt pour la RS&DE a quant à lui diminué de 5,3 G$ entre 2009 et 2016. Au vu de l’adoption de la réforme fiscale aux États-Unis, le Canada doit revoir ces programmes et d’autres mesures pour s’assurer qu’ils appuient toujours l’innovation et la commercialisation et qu’ils aident le pays à demeurer concurrentiel de façon efficiente.

« Notre rapport souligne qu’il est temps d’approfondir la discussion et de mettre l’accent non plus sur la nécessité d’un examen à grande échelle, mais sur les moyens de le réaliser », précise M. Ball.

De façon générale, un régime fiscal simplifié accroîtrait le capital et les possibilités d’investissement dont pourraient profiter les entrepreneurs, permettrait aux entreprises de tirer pleinement parti des crédits dont elles peuvent bénéficier et améliorerait la compétitivité du pays, conclut le rapport.

LES INCIDENCES SUR LE CONTRIBUABLE CANADIEN

Un régime moderne, formé de règles plus simples et assorti de lignes directrices plus claires, inspirerait confiance et favoriserait l’observation, souligne le rapport. Il serait ainsi possible de combler l’écart fiscal, d’augmenter les recettes et de réduire la surveillance et les coûts connexes.

L’Agence du revenu du Canada (ARC) a déjà simplifié le processus de déclaration des revenus par les particuliers grâce à l’automatisation (production et paiement électroniques). Cela dit, le régime favorise toujours les contribuables dont la situation fiscale est simple (rémunération et crédits peu complexes).

De plus, l’inefficacité des pratiques de vérification (qui se traduit, par exemple, par l’obligation de produire des reçus pour dons de bienfaisance et frais médicaux dans un délai serré) et le manque de fiabilité des services de soutien (engorgement constant du centre d’appels de l’ARC) posent souvent problème.

Selon le vérificateur général, les centres d’appels de l’ARC n’ont pas répondu à 64 % des appels reçus entre mars 2016 et mars 2017, et les agents ont fourni des renseignements erronés ou incomplets dans 30 % des cas. Lorsque la complexité sera réduite et que le respect des règles par les contribuables et leurs conseillers sera facilité, la confiance et la conformité s’accroîtront, ce qui réduira l’écart fiscal au Canada.

En 2014, l’ARC évaluait à 8,7 G$ l’écart fiscal du gouvernement fédéral, c’est-à-dire la différence entre les impôts qu’il aurait dû percevoir et ceux qu’il a réellement prélevés, relatif à l’impôt des particuliers (soit 6,4 % de ces recettes).

Autre problème : « Malgré les mesures prises par l’ARC, de nombreux contribuables à faible revenu et d’autres personnes vulnérables ne reçoivent toujours pas les prestations sociales offertes par l’intermédiaire du régime fiscal auxquelles ils ont droit », explique Doretta Thompson, directrice, Responsabilité sociétale, à CPA Canada. « De nombreux programmes sont mis en œuvre au moyen d’un ensemble de mesures fiscales fédérales et provinciales assorties de règles et de processus différents et parfois complexes. »

Ainsi, d’après des estimations prudentes, plus de 1,2 G$ de prestations fédérales (Supplément de revenu garanti, Bon d’études canadien et Allocation canadienne pour enfants) destinées à des ménages à faible revenu ne sont pas réclamés chaque année, selon le rapport. D’autres problèmes découlent du fait que certains crédits et avantages fiscaux, comme le montant pour époux ou conjoint de fait, le montant en raison de l’âge et le crédit pour aidant naturel, sont assujettis à des seuils et à des dispositions de récupération établis en fonction du revenu familial net.

Le crédit d’impôt pour personnes handicapées (CIPH) fait aussi partie des prestations sociales pour lesquelles le nombre de personnes admissibles est beaucoup plus élevé que le nombre de bénéficiaires. Selon une étude publiée en 2018 par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, sur plus de 1,8 million d’adultes qui déclarent une incapacité les rendant admissibles au crédit, moins de 40 % en ont fait la demande en 2012.

L’admissibilité au CIPH est assortie de restrictions. Seuls certains handicaps sont visés, et le contribuable doit produire une déclaration de revenus (pour prouver qu’il respecte les seuils fixés) et, généralement, une attestation d’un professionnel de la santé. Pour les enfants de moins de 18 ans, le montant du CIPH dépend d’autres crédits d’impôt, comme les frais de garde d’enfants et les frais médicaux.

Le CIPH est de plus un crédit d’impôt non remboursable, qui doit faire périodiquement l’objet d’une nouvelle demande et qui est associé à un processus d’appel coûteux et compliqué. Ces facteurs limitent son utilité et constituent des obstacles importants pour les personnes ayant de graves handicaps.

« Un soutien accru et la simplification des règles et des processus d’application augmenteraient la probabilité que les prestations sociales soient versées aux bénéficiaires qui en ont le plus besoin », conclut Bruce Ball. Dans l’état actuel du régime, les contribuables ont de la difficulté à obtenir des réponses et du soutien, ce qui engendre de la méfiance et se traduit par l’inobservation. Ces éléments ont une incidence négative sur la santé économique et la prospérité du Canada.

« En résumé, le régime fiscal doit permettre au Canada de maintenir la création d’emplois, de continuer d’attirer des investissements et de s’assurer que l’économie demeure concurrentielle. Malheureusement, le régime actuel ne sert pas ces fins vitales. »

LIRE LE PREMIER RAPPORT

CPA Canada réclame depuis longtemps une révision exhaustive du régime fiscal canadien afin d’en éliminer l’inefficience et d’en rehausser l’équité et la compétitivité. Lisez le premier des trois rapports, intitulé Tendances internationales en matière de réforme fiscale – Le Canada perd du terrain.