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Image d’une pièce de monnaie d’un dollar canadien

Bulletin économique – Mars 2022 : Marché du travail et inflation

CPA Canada lance une nouvelle série de bulletins d’information sur l’économie, signés David-Alexandre Brassard, économiste en chef. L’auteur traite du statut de l’économie canadienne et fait la lumière sur des enjeux qui touchent le milieu des affaires au pays.

Mars 2022

À mesure que la vague Omicron s’essouffle, nous explorons son incidence sur le marché du travail canadien, ainsi que la situation générale de l’économie. Bien que les problèmes de chaîne d’approvisionnement persistent et que l’inflation devrait rester élevée, le produit intérieur brut (PIB) du Canada a rebondi aux niveaux d’avant la pandémie et les indicateurs du marché du travail sont encourageants. La principale préoccupation est maintenant l’incertitude géopolitique. 

Découvrez ce que cela signifie pour les entreprises. 

Le Bulletin économique – version condensée

Le marché du travail devrait rebondir après Omicron. Avant la dernière vague de COVID-19, le marché du travail affichait un faible taux de chômage et le nombre de femmes sur le marché du travail avait atteint des proportions historiques. Le Canada affiche un taux de roulement élevé pour les emplois des secteurs durement touchés par la pandémie, puisque les travailleurs ont favorisé des secteurs moins affectés. La rareté de la main-d’œuvre a considérablement augmenté pendant la pandémie, mais semble avoir plafonné. 

Le niveau de croissance économique demeure incertain. Le PIB avait atteint le niveau prépandémique à la fin de 2021. La croissance économique au Canada a été affectée par Omicron et le conflit entre la Russie et l’Ukraine nuira à la croissance en 2022. 

Les perturbations de la chaîne d’approvisionnement se feront sentir en 2022. La vague Omicron a continué à mettre de la pression sur les chaînes d’approvisionnement mondiales en causant notamment beaucoup d’absentéisme de courte durée. Le conflit géopolitique viendra accroître les enjeux actuels d’approvisionnement en énergie et en marchandises. 

La Banque du Canada a commencé à augmenter les taux d’intérêt pour contrôler l’inflation. Sous l’effet des problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement et de la forte demande, l’inflation devrait demeurer élevée en 2022, et on peut s’attendre à plusieurs hausses de taux d’intérêt par les banques centrales en 2022 et 2023. Espérons que cela suffira pour calmer la hausse des prix. 

La leçon à retenir

Bien que le Canada semble avoir atteint un plateau au chapitre de la raréfaction de main-d’œuvre, celle-ci représentera une préoccupation constante pour les entreprises canadiennes. Le marché de l’emploi est à la faveur des employés. Cela met en lumière l’importance de la fidélisation des travailleurs et de la capacité d’attraction pour répondre aux besoins en main-d’œuvre.
Des salaires et avantages sociaux concurrentiels demeurent essentiels pour attirer et fidéliser les employés, et les formules de travail hybrides et flexibles jouent un rôle plus important que jamais. Il devient crucial pour les entreprises de réduire le taux de roulement du personnel, y compris de garder les travailleurs plus âgés sur la liste de paie. La rotation du personnel est coûteuse pour l’organisation, tant du point de vue de la formation que de la perte de capital humain. 

En atteignant ses objectifs ambitieux en matière d’immigration pour 2021 et en mettant en œuvre les ententes pour les services de garde d’enfants avec les provinces, le Canada ajoute de nouveaux travailleurs potentiels, ce qui fera partie des solutions pour réduire les impacts de la rareté de main-d’œuvre. 

Le Bulletin économique – version longue

Le marché du travail canadien

La croissance de la pénurie de main-d’œuvre pendant la pandémie semble avoir plafonné

Les données les plus récentes montrent que près de 896 000 postes sont vacants au Canada, soit 300 000 de plus qu’avant la pandémie, mais moins que le million de postes vacants enregistrés en septembre 2021. Pour mettre les choses en perspective, les postes vacants représentent 5,2 % des postes de tous les employés, soit l’équivalent d’un poste vacant par 19 employés. Plus de 60 %de ces postes vacants exigent au plus un diplôme d’études secondaires. Sans surprise, les secteurs où les salaires sont moins élevés comptent une plus grande part de postes vacants, les services de restauration et d’hébergement dominant le palmarès. Les postes vacants dans la production ou les services essentiels ainsi que les postes hautement spécialisés sont généralement plus problématiques pour notre économie.

Cette hausse importante des postes vacants est en partie attribuable au taux d’immigration le plus faible en 30 ans observé au début de la pandémie. Non seulement moins d’immigrants sont arrivés au Canada, mais un plus grand nombre de résidents non permanents ont quitté le pays en 2020. En 2021, la spirale descendante a été inversée : le Canada a accueilli 401 000 nouveaux résidents permanents. Comparativement à celle des États-Unis, la stratégie du Canada en matière de travail met davantage l’accent sur l’immigration, de sorte que la rareté de main-d’œuvre est généralement moins ressentie chez nous. 

L’intensité de la rareté de main-d’œuvre, mesurée en fonction du nombre de chômeurs par poste vacant, varie d’un bout à l’autre du pays. La moyenne canadienne est de 1,4 chômeur par poste vacant, mais ce ratio est moins élevé en Colombie-Britannique et au Québec. Les provinces maritimes et l’Alberta ont les ratios les plus élevés, ce qui indique une plus grande friction sur leurs marchés du travail respectifs. Cela pourrait être associé à un décalage entre les compétences des chômeurs et les besoins des employeurs.

L’impact d’Omicron sur la rareté de main-d’œuvre et le chômage sera important mais de courte durée, et on peut s’attendre à voir les nouveaux chômeurs ou les personnes infectées retourner au boulot ou se trouver un nouvel emploi relativement vite. 

Les marchés du travail ont ralenti avec Omicron, mais ils devraient se redresser rapidement

Le Canada compte environ 60 000 emplois de plus qu’avant la pandémie. La croissance de l’emploi était beaucoup plus élevée avant la propagation d’Omicron, qui a entraîné la perte de 200 000 emplois et une hausse du taux de chômage de 0,5 point de pourcentage pour atteindre 6,5 % en janvier. Les pertes d’emploi récentes sont fortement liées au travail à temps partiel, ce qui a une incidence plus grave sur les jeunes travailleurs et les femmes. L’impact d’Omicron sur l’absentéisme est particulièrement visible en janvier 2022 : un travailleur sur dix était absent pour cause de maladie ou d’invalidité. Le travail à distance continue d’occuper une place très importante : 25 % de la main-d’œuvre travaille exclusivement à domicile. 

Par ailleurs, le taux d’emploi des 25 à 54 ans demeure plus élevé qu’en 2019, ce qui dénote une main-d’œuvre plus active – et cela s’applique également aux femmes de cette tranche d’âge. Omicron aura probablement une incidence à court terme sur le marché du travail, et nous devrions revenir au sommet historique de l’emploi pour les femmes atteint au début de décembre 2021. C’est encourageant, surtout dans le contexte du financement accru des services de garde qui est mis en œuvre dans de nombreuses provinces et qui pourrait faire augmenter davantage le taux d’emploi chez les femmes. 

La reprise demeure inégale d’un secteur à l’autre 

Le Canada ne semble pas vivre ce qu’on appelle la « Grande Démission », parce que les travailleurs demeurent généralement actifs. Le terme « Grand Roulement » serait plus approprié pour décrire l’expérience canadienne. 

Comme l’indique le graphique suivant, les travailleurs ont principalement quitté les secteurs les plus durement touchés par les restrictions liées à la COVID-19. Le graphique affiche le nombre d’emplois et les différences de postes vacants par rapport à l’hiver 2020. Les services de restauration et d’hébergement ont connu la pire baisse, soit 332 500 emplois de moins dans l’ensemble dont 69 800 qui sont devenus des postes vacants, ce qui a entraîné une perte nette de 262 700 postes. D’autre part, les services professionnels et techniques ont connu une forte croissance : 168 700 nouveaux emplois et 20 900 nouveaux postes vacants. Certains secteurs affichent une croissance de l’emploi ainsi qu’une hausse de postes vacants, ce qui montre que la demande de main-d’œuvre y a été particulièrement vigoureuse. Avec la propagation d’Omicron et les restrictions gouvernementales, les services de restauration et d’hébergement ont connu des baisses additionnelles alors que les services de santé ont enregistré une légère augmentation des postes vacants.

La reprise et la croissance économique du Canada

La croissance économique sera affectée en début 2022 et l’amplitude du rebond est incertaine

En novembre 2021, l’activité économique (exprimée en PIB) a augmenté de 0,2 % par rapport à février 2020, ce qui témoigne d’une reprise complète de l’économie canadienne. Un examen plus approfondi démontre que la reprise a été inégale. Certains secteurs sont en croissance, d’autres – notamment les services de restauration et d’hébergement, le divertissement et les arts – demeurent durement touchés. Les restrictions liées à Omicron ont nui davantage à la reprise de ces secteurs, qui pourraient demeurer sous les valeurs prépandémiques en 2022. 

La croissance économique sera ralentie au début de 2022, mais nous pouvons nous attendre à ce qu’Omicron ait peu d’incidence économique passé le premier trimestre. 

L’incidence de la pandémie a été remplacée par l’incertitude géopolitique 

Le conflit entre la Russie et l’Ukraine a maintenant remplacé la COVID-19 comme principale préoccupation du Canada. Même si les économies de la Russie et de l’Ukraine sont concentrées dans les ressources naturelles et l’agriculture, les retombées pour le Canada et les économies européennes demeurent inconnues. Nous pourrions assister à une croissance plus lente que prévu pour le reste de 2022. 

Problèmes d’approvisionnement et inflation

Les problèmes d’approvisionnement ne risquent pas de s’améliorer au printemps 2022

Les restrictions associées à Omicron ont entraîné des répercussions sur les services en personne et contribué, une fois de plus, à une augmentation de la consommation de biens, ce qui continue à mettre de la pression sur les chaînes d’approvisionnement mondiales. Les enjeux d’approvisionnement proviennent notamment de la disponibilité et des prix des intrants et biens intermédiaires. Par exemple, la pénurie de puces à semi-conducteurs a créé des problèmes dans l’industrie automobile. L’indice des prix des matières premières a augmenté de 30 % en 2021, illustrant l’ampleur de cet enjeu. 

La forte demande de transport a entraîné d’importantes augmentations des prix du fret ainsi qu’une augmentation du trafic occasionnant des retards du transport par bateau, par avion et par camion. Cette situation a engendré un manque de disponibilité des biens de consommation finale et, dans certains cas, des augmentations de prix. Le ratio des stocks sur les ventes aux États-Unis montre que les entreprises américaines disposent de relativement peu de stocks.

Les répercussions d’Omicron sur les chaînes d’approvisionnement s’amenuisent, et on peut s’attendre à ce que le conflit entre la Russie et l’Ukraine perturbe les chaînes d’approvisionnement mondiales. Comme la Russie est souvent appelée la « station-service de l’Europe », nous pouvons nous attendre à ce que les prix du pétrole et de l’énergie demeurent élevés. Quant à l’Ukraine, la réduction des exportations de blé pourrait affecter l’approvisionnement alimentaire de ses partenaires commerciaux, notamment le Moyen-Orient. Encore une fois, les répercussions précises pour le Canada sont difficiles à prévoir, mais nous pouvons nous attendre à ce que les problèmes d’approvisionnement actuels ne disparaissent pas plus tôt que ce qui était prévu avant le conflit armé. 

Les enjeux d’approvisionnement vont faire pression sur l’inflation, qui demeurera élevée en 2022

L’inflation augmente rapidement après une stagnation en 2020, atteignant en janvier 2022 plus de 5 % par rapport à l’année précédente. Il est à noter que des hausses de cette ampleur n’ont pas été enregistrées depuis le début des années 2000. Les hausses découlent de la montée des coûts de l’énergie, de la nourriture et des biens. Il est important de noter que les hausses de prix en 2021, d’une année à l’autre, se sont produites dans la foulée de la stagnation des prix observée en 2020. On s’attend à ce que l’inflation demeure élevée tout au long de 2022, surtout dans le contexte du conflit entre la Russie et l’Ukraine. C’est la durée de la forte inflation en 2022 qui est préoccupante, car les hausses annuelles sont calculées sur les valeurs de 2021, qui étaient déjà nettement supérieures aux valeurs de 2020. Cela augmentera encore l’inflation au-dessus du taux cible à long terme de la Banque du Canada de 2 %.

GRAPHIQUE 3 : INDICE DES PRIX À LA CONSOMMATION (IPC), 2002=100

La Banque du Canada a commencé à hausser le taux directeur pour contenir l’inflation

L’économie s’étant essentiellement redressée et le marché du travail étant très actif, la Banque du Canada a commencé à hausser les taux d’intérêt pour contrôler l’inflation. La Réserve fédérale devrait également relever ses taux d’intérêt sous peu, car l’inflation est encore plus élevée aux États-Unis. Les institutions financières du Canada s’attendent à ce que le taux directeur augmente à plusieurs reprises pour atteindre au moins 1 % en 2022 et possiblement 1,75 % d’ici la fin de 2023. Remarque : Le taux directeur est le taux auquel les grandes institutions financières peuvent emprunter et prêter des fonds à court terme entre elles. Il fait augmenter les taux d’intérêt au Canada pour les consommateurs et les entreprises. 

GRAPHIQUE 4 : PRÉVISIONS DU TAUX DIRECTEUR DE LA BANQUE DU CANADA (EN %)

L’augmentation des intérêts tiendra compte du niveau d’endettement sans précédent au Canada

Le soutien aux ménages et aux entreprises pendant la pandémie a été relativement coûteux, surtout pour le gouvernement fédéral. Les provinces et les territoires ont également dû composer avec une baisse des recettes et une hausse des coûts des soins de santé, ce qui a fait en sorte que les gouvernements au Canada ont augmenté leur niveau d’endettement. 

La dette des ménages a aussi augmenté de façon constante depuis le début des années 2000, hausse associée à des hypothèques plus élevées en raison de la hausse des prix des maisons. Le niveau de la dette des ménages (en pourcentage du PIB) est comparable à celui des ménages américains avant la récession de 2008. Cela signifie que la Banque du Canada a peu de marge de manœuvre pour augmenter les taux d’intérêt afin de contrôler l’inflation au cours des prochaines années. 

GRAPHIQUE 5 : DETTE DES GOUVERNEMENTS ET DES MÉNAGES (EN % DU PIB) Gouvernements

La croissance du marché de l’habitation au Canada est à tout le moins préoccupante

Le prix des maisons a augmenté significativement en 2021 et continue d’augmenter en 2022. En janvier 2022, le coût des habitations avait augmenté de 21 % par rapport à janvier 2021. Les prix dans les régions métropolitaines sont un facteur déterminant de l’augmentation moyenne du prix des maisons au Canada. Cependant, les faibles taux d’intérêt et la progression du travail à distance donnent lieu à des hausses de prix semblables dans les régions non métropolitaines. Les provinces maritimes font face à des hausses de prix inquiétantes. Même si les prix se stabilisent à leur niveau actuel, l’abordabilité du marché de l’habitation continuera d’être une préoccupation dans une grande partie du Canada.

La construction de logements est en plein essor depuis le début de la pandémie, à des niveaux jamais vus depuis les années 1980. Malgré ces stocks supplémentaires, les prix des nouvelles constructions a augmenté de 14 % annuellement, ce qui témoigne des besoins des Canadiens en matière de logements. À l’avenir, la hausse des prix de la construction fera partie de l’équation. Il faudra attendre pour voir si le Canada peut maintenir le taux actuel de construction résidentielle, surtout avec la hausse des taux d’intérêt et la pénurie de travailleurs de la construction.

TABLEAU 1 : STATISTIQUES DU MARCHÉ DE L’HABITATION AU CANADA

Sources 

Graphique 1 : Statistique Canada, Tableaux 14-10-0355-02 et 14-10-0372-01

Graphique 2 : FRED Economic Data

Graphique 3 : Statistique Canada, Tableau 18-10-0004-13

Graphique 4 : Prévisions des institutions financières, consultées en janvier 2022

Graphique 5 : Statistique Canada, Tableaux 36-10-0222-01, 11-10-0065-01 et 36-10-0467-01

Tableau 1 : CREA, https://www.crea.ca/fr/housing-market-stats/national-price-map/