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Une femme tient une canne à pêche en plein air.
Articles de fond
Magazine Pivot

Une CPA ouvre une nouvelle voie pour les femmes

Guide de pêche à la mouche, créatrice de bijoux et chef des finances de la Première Nation We’koqma’q, Gioia Usher aide les femmes à apprivoiser la pêche et offre ses compétences à sa communauté.

Une femme tient une canne à pêche en plein air.Gioia Usher, CPA, a choisi de retourner vivre à l’Isle Madame, en Nouvelle-Écosse, en 2017. (Avec l’autorisation de Gioia Usher)

En pleine saison de pêche, vous la trouverez immergée jusqu’à la taille dans la rivière Margaree de l’île du Cap-Breton, à jouer du poignet et à relancer sa canne à mouche, dans l’espoir d’attraper un superbe saumon. Originaire de l’Isle Madame, en Nouvelle-Écosse, Gioia Usher raconte que, toute petite, elle sillonnait déjà les côtes en compagnie de son père. Aujourd’hui parmi les rares femmes à exercer le métier de guide de pêche, la CPA de 29 ans invite les femmes à chausser les cuissardes, dans un univers qui reste l’apanage des hommes. D’ailleurs, l’été dernier, cette passionnée a organisé des séjours de pêche à la mouche réservés aux femmes, pour les initier à ce sport et dissiper les préjugés. De quoi offrir aux novices un encadrement qui les met à l’aise.

Son site Metal + Mayflies affiche ses deux passe-temps favoris, la pêche à la mouche et la joaillerie, artisanat qu’elle a appris toute seule. Hors saison, inspirée par la faune et la flore, elle crée dans son studio bagues et pendentifs en argent ornés de turquoise, aux contours qui rappellent les côtes de son île. « J’adore le côté créatif et méditatif de la pêche comme de la joaillerie, qui me ressourcent en profondeur », explique Gioia Usher, qui a entamé sa carrière chez EY à Halifax. Tandis que ses camarades s’installaient dans des métropoles, elle a choisi de retourner dans sa petite ville natale comme chef de mission chez Grant Thornton, en 2017.

Et ce n’est pas tout. Gioia Usher est chef des finances de la Première Nation We’koqma’q. Dans cette communauté micmaque de l’île du Cap-Breton, aussi appelée Unama’ki, elle trouve son bonheur à mettre en œuvre un plan stratégique qui privilégie la qualité de vie de tous, en étroite collaboration avec le Conseil et la cheffe Annie Bernard-Daisley. « C’est un travail où je m’épanouis. » Et, loin de la trépidation urbaine, elle s’adonne à son activité de prédilection dans ses moments de loisir, en compagnie d’autres mordus de la pêche.

PIVOT : Vous montrez le chemin à des clientes qui débutent. Expliquez-nous.
GIOIA USHER (GU) : Je suis la seule femme guide de pêche sur l’île, et on l’a su. Il faut comprendre que, dans le créneau de la pêche à la mouche, la clientèle se féminise à vive allure. Les femmes viennent à moi, convaincues qu’elles pourront apprendre librement, poser toutes leurs questions, sans crainte ni hésitation, et se jeter à l’eau, si j’ose dire. Quand on débute, on cherche à se rapprocher de celles avec qui on partage des affinités.

Dans le milieu, les femmes sont loin d’être nombreuses, mais les choses commencent à changer, petit à petit, et la pêche m’a permis de me faire de bonnes amies. Maintenant, nous allons pêcher ensemble, en toute simplicité, mais une certaine gêne nous habitait auparavant. Alors, on s’épaule, on se serre les coudes, ce qui vient raffermir la confiance.

PIVOT : Avez-vous noué des liens avec vos clientes?
(GU) : Je garde contact avec chacune d’elles, et on m’appelle à propos de tout et de rien : « J’ai fait une belle prise aujourd’hui! » Ou bien : « J’ai une nouvelle canne à pêche, quelle soie me recommandes-tu? » Oui, elles peuvent toujours consulter leur guide. On se rencontre pour une journée, mais la relation continue par la suite.

Expédition de pêche à la mouche en 2021 dans la rivière Margaree de l’île du Cap-Breton (Avec l’autorisation de Gioia Usher)

PIVOT : Pourquoi êtes-vous devenue CPA? Quels atouts vous apporte le titre?
(GU) : C’est mon parrain et ma marraine qui m’ont encouragée. Ils pensaient que le titre professionnel et les compétences acquises me permettraient de trouver ma place dans tous les types d’organisation, et pas forcément en comptabilité. C’est plutôt l’analyse stratégique et la mobilisation pour réaliser des projets porteurs qui m’occupent, et non pas uniquement un travail théorique, axé sur les chiffres. Je suis dans mon élément, et c’est exactement ce que je désirais.

PIVOT : Racontez-nous la journée d’une directrice des finances, qui endosse toutes sortes de responsabilités.
(GU) : Dans la matinée, je lis mes courriels, j’examine les derniers chiffres, je me consacre à des réflexions indépendantes sur les dossiers de l’heure. Mes compétences de CPA m’aident à affiner l’analyse et à orienter mes décisions. Le reste de la journée se passe en rencontres. Je pense aux réunions périodiques avec la cheffe de bande et le Conseil, aux entretiens avec des partenaires pour lancer des projets, et aux rencontres entre nous, pour faire le point sur un sujet donné.

C’est un privilège de mettre mon savoir-faire au service de ma communauté. Confiance, écoute et apprentissage sont les maîtres mots dans mes échanges avec les membres de notre groupe, qui nourrissent un dynamisme remarquable. L’assise de la culture micmaque, c’est l’entraide. On fait équipe, on se donne un coup de main pour concrétiser les objectifs partagés. Chacun assume ses responsabilités en toute solidarité et apporte son bagage de compétences. J’ai une grande estime pour notre cheffe, première femme choisie pour endosser de telles fonctions dans la communauté. Annie Bernard-Daisley fait figure de modèle pour les femmes amenées à tenir le gouvernail.

PIVOT : Quel chemin vous a menée à la joaillerie?
(GU) : J’ai toujours aimé travailler de mes mains. J’ai pris exemple sur mon père, qui sculptait le bois et qui travaillait des morceaux de métal. Au bout d’un moment, j’ai progressé et j’en suis arrivée, étape par étape, à la joaillerie. Je n’avais pas vraiment envie de fabriquer une hache, mais plutôt de créer des bijoux à porter.

La pêche m’occupe d’avril à octobre, mais j’ai tout le loisir de réaliser mes créations en hiver. Faire des bijoux, c’est un joli passe-temps pour me détendre, méditer et oublier les soucis d’une semaine chargée.

PIVOT : Et la conciliation travail-famille, difficile à gérer?
(GU) : Elle me donne parfois du fil à retordre. Quand je pars en excursion avec mes clientes, c’est après le travail, en fin de semaine et durant mes vacances, et c’est vrai qu’on peut se laisser déborder. Il m’arrive même de songer à abandonner la joaillerie, mais je me ravise. J’y trouve tellement de plaisir que c’est exclu. C’est une question d’équilibre.

Je savais que ma vie changerait radicalement si je revenais au Cap-Breton. Mais, en ville, les semaines de 60 heures ont fini par m’épuiser. J’ai alors pensé qu’un retour à la nature me permettrait de renouer avec mes racines, de faire ce que je rêvais de faire. Certains m’envient, ils se disent : « J’aimerais pouvoir m’adonner à mes passe-temps. » Cela dit, j’adore mon métier et je travaille fort, le soir et le week-end s’il le faut. Mais sinon, j’essaie de décrocher. De sorte que le lundi, je suis fraîche et dispose pour reprendre le collier.

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