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Scientifique en laboratoire
Canada
Économie

L’innovation, puissant levier de développement stratégique

Nicole Barry, CPA, chef des finances du Centre MaRS à Toronto, qui accompagne les entreprises en démarrage, fait le point sur l’innovation au Canada.

Scientifique en laboratoireLe Centre MaRS, à Toronto, l’un des plus grands pôles d’innovation en Amérique du Nord. (Photo reproduite avec l’aimable autorisation du Centre District de la découverte MaRS.)

Audacieuse, Nicole Barry, CPA, a fait de l’innovation son cheval de bataille. Récompensée en début de carrière par un prix soulignant ses hauts faits, elle a occupé des postes de direction dans de grandes sociétés et dans le milieu universitaire. Elle a aussi fondé deux entreprises, dont la brasserie Half Pints Brewing Company à Winnipeg.

En février 2022, Nicole Barry a été nommée chef des finances et de l’administration du Centre District de la découverte MaRS, l’un des principaux pôles d’innovation en Amérique du Nord. Nous lui avons demandé de nous parler de l’innovation au Canada. Quelles approches recommander aux CPA pour favoriser l’intégration d’idées novatrices au cœur de leur organisation? Voici notre entretien.

CPA CANADA : Qu’est-ce qui vous a menée au Centre MaRS et quel rôle y jouez-vous?
Nicole Barry (NB) : J’admirais le travail que font les équipes de MaRS, qui mettent tout en œuvre pour aider les nouvelles entreprises à réussir. Quand j’ai eu l’occasion de me joindre à l’organisation, je n’ai pas hésité, même s’il m’a fallu quitter Winnipeg, ma ville natale, pour aller à Toronto.

Comme chef des finances, je suis au cœur de l’action positive du Centre MaRS. MaRS soutient les entreprises en démarrage et en développement à forte croissance, à l’échelle du pays, qui s’attaquent aux problèmes de l’heure. Je pense aux technologies propres, à la santé, à la « fintech » (les technologies financières) et aux logiciels. Les équipes des finances et de gestion opérationnelle que je dirige, moteurs de notre organisation, veillent à l’arrimage et à l’efficience de l’ensemble des activités. Nos partenaires ainsi soutenus sont à même d’axer leurs efforts sur la croissance de l’économie de l’innovation.

Du côté de l’infrastructure matérielle, le Centre MaRS s’est doté de 1,5 million de pieds carrés de bureaux, de laboratoires, de salles de réunion et de locaux multifonctionnels au centre-ville de Toronto. De concert avec une centaine d’entreprises locataires, nous sommes une force vive de l’innovation.

CPA CANADA : En matière d’innovation, où le Canada se situe-t-il par rapport aux autres pays? Et quels sont les principaux indicateurs à surveiller?
NB : Le Canada est de plus en plus reconnu comme terreau propice aux jeunes entreprises. Un rapport sur l’écosystème mondial des entreprises en démarrage nous classe en 4e position, après les États-Unis, le Royaume-Uni et Israël.

L’Innovation Economy Council, un laboratoire d’idées affilié à MaRS, nous fournit des chiffres intéressants. Si on fait le total du nombre de nouvelles entreprises et qu’on ajoute l’ensemble des investissements technologiques réalisés, l’économie de l’innovation représente 12 % du PIB canadien. Nous disposons là d’un puissant levier de développement stratégique.

Il est à noter également que l’économie de l’innovation est le seul domaine qui n’a pas accusé de recul pendant la pandémie, affichant, au contraire, un taux de croissance de trois à six fois supérieur à celui de tout autre secteur au Canada. Comme notre chef de la direction Yung Wu aime à le dire, l’innovation est la pierre angulaire sur laquelle se construit la nouvelle économie.

CPA CANADA : Quels sont les principaux obstacles à l’innovation au Canada et que faire pour corriger la situation?
NB : La disponibilité des capitaux reste un enjeu important pour les entreprises qui doivent composer avec l’obligation d’innover, d’attirer des clients et d’embaucher du personnel compétent. Nous entrons peut-être dans une récession qui sera dure pour les jeunes entreprises.

Nous encourageons les dirigeants des secteurs privé et public à investir dans l’innovation en créant des infrastructures, sur le modèle du Centre MaRS, qui serviront de tremplin à l’économie de l’innovation. Il faut savoir que l’accès à des locaux, à une expertise en marketing et en relations publiques, et à d’autres formes de soutien augmente considérablement les chances de succès d’une jeune pousse.

Portrait de la CPA Nicole BarryNicole Barry, CPA, est chef des finances et chef de l’administration du Centre District de la découverte MaRS. (Image fournie)

CPA CANADA : En quoi consiste le rôle de MaRS dans le secteur de l’innovation au Canada?
NB : Chez MaRS, notre objectif est d’aider les innovateurs à créer un monde meilleur, durable et inclusif. L’écosystème des entreprises soutenues par MaRS emploie 32 600 travailleurs et a apporté plus de 30 G$ au PIB depuis notre lancement il y a plus de 20 ans.

Pour une nouvelle entreprise, l’accès aux capitaux et aux talents est primordial. Il lui faudra sans doute aussi des bureaux, des compétences en développement des affaires et d’autres formes de soutien. Ce sont, comme nous l’avons dit, les bases de la croissance économique, et MaRS les réunit en un seul lieu. Un entrepreneur est souvent expert dans son domaine d’innovation, mais, pour grandir et aller plus loin, un réseau élargi de spécialistes et d’investisseurs reste indispensable.

CPA CANADA : MaRS est axé sur quatre secteurs clés, à savoir les technologies propres, la santé, les technologies financières et les logiciels d’entreprise. Lequel est le plus actif?
NB : Les changements climatiques sont au premier plan des grandes préoccupations. Le secteur des technologies propres, au sens propre comme au sens figuré, est le plus prometteur pour nous faire passer à un avenir plus durable.

Le Canada se classe parmi les premiers pays du monde en matière de technologies propres innovantes, et tout indique que cette industrie continuera à prendre de l’ampleur. Selon l’Innovation Economy Council, le marché mondial de la « cleantech » devrait atteindre 2 500 G$ US cette année. Les exportations canadiennes de biens et de services liés aux technologies propres se chiffraient à 7 G$ en 2018 et pourraient s’élever à 20 G$, près du triple, d’ici 2025.

Agir pour le climat, voilà un geste qui se situe depuis longtemps au centre des objectifs de MaRS, et nous avons l’occasion de travailler tous les jours avec des entreprises qui interviennent dans cet esprit. L’an dernier, nous avons lancé la Mission pour MaRS, un défi visant à lutter contre le réchauffement climatique en favorisant l’intégration de solutions innovantes par de jeunes entreprises canadiennes. Nous consultons les décideurs et les chefs de file sectoriels quant aux innovations proposées afin de faciliter les choses et de déjouer les obstacles. La phase suivante consiste à établir une plateforme publique d’approvisionnement pour aider les entreprises à mieux se positionner sur le marché, afin d’intéresser les grands acheteurs de technologies propres, qui évoluent dans le secteur public. Une autre initiative à signaler, le programme RBC d’accélération des réalisations des femmes dans l’industrie des technologies propres. Les entrepreneures de divers horizons sont invitées à transformer leurs idées novatrices en produits commercialisables, dans une optique de retombées mondiales.

CPA CANADA : Dans quels autres secteurs le Canada pourrait-il prendre le devant de la scène?
NB : La biotechnologie, certainement, n’est pas à négliger pour accélérer la croissance de notre économie de l’innovation. Si le Canada excelle dans la recherche, le capital nécessaire à la commercialisation de solutions novatrices fait souvent défaut, aussi bien que les capacités de production, essentielles pour apporter ces avancées médicales aux patients. Par conséquent, beaucoup d’entreprises innovantes vont ailleurs, dans des écosystèmes qui leur offrent de quoi déployer leurs ailes.

Ce point touche de près l’histoire de notre organisation. En fait, c’est dans le bâtiment qui abrite aujourd’hui le Centre MaRS que l’insuline fut découverte et administrée pour la première fois, il y a un siècle. Le nom de MaRS, pris à notre fondation voici 20 ans, acronyme de « Medical and Related Sciences », vient souligner un pan de notre histoire, dans la continuité des travaux de Frederick Banting, qui a découvert l’insuline avec son collègue Charles Best. Notre vœu, c’est que l’innovation née au Canada puisse aussi y porter ses fruits, pour les Canadiens et pour tous les citoyens du monde.

CPA CANADA : Comment aider MaRS dans son objectif de promotion de l’innovation au Canada, tant en amont qu’en aval?
NB : À l’heure actuelle, l’un des principaux obstacles à la réussite des innovateurs les plus brillants est le manque d’encouragement et de soutien pour faire adopter leurs technologies et solutions révolutionnaires. C’est pourquoi nous considérons qu’il est prioritaire d’amener les pouvoirs publics à alléger les formalités à respecter pour figurer parmi les fournisseurs retenus par les administrations publiques. Nous voulons aussi sensibiliser les entreprises partenaires, qui ont tout intérêt à adopter les innovations de nos jeunes pousses.

Une étude réalisée par l’Innovation Economy Council auprès de 259 entreprises à forte croissance en technologies propres le révèle, entre 2009 et 2020, à peine 3,6 % de leur chiffre d’affaires provenaient de marchés publics.

Pourtant, nos gouvernements pourraient (et devraient) s’approvisionner en sol canadien. En fait, nos entreprises de technologies propres réalisent la majorité de leur chiffre d’affaires à l’étranger. C’est tout le contraire de ce qui se passe dans de nombreux autres pays.

CPA CANADA : Comment les CPA peuvent-ils favoriser l’innovation en général, et dans leur propre organisation en particulier?
NB : Je sais depuis longtemps que les CPA ont un talent inné pour sortir des sentiers battus et imaginer des solutions originales. Loin de nous satisfaire du statu quo, nous cherchons à optimiser les processus et à étendre l’envergure de notre organisation. C’est ainsi que se définit un innovateur, et les CPA ont toutes les compétences pour endosser ce rôle.

CPA CANADA : En conclusion, avez-vous d’autres idées ou remarques sur l’innovation?
NB : Seule une organisation qui crée une culture d’apprentissage, qui applaudit l’originalité et qui reconnaît le droit à l’erreur saura engendrer l’innovation. Pour faire jaillir les idées audacieuses qui changeront le monde, la curiosité d’esprit va de pair avec la prise de risques.

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