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Portrait de Josee Delli Colli

Mise en œuvre de la NCA 540 révisée pendant la pandémie de COVID-19 : entretien avec Josee Delli Colli

La NCA 540 révisée comporte plusieurs modifications que les auditeurs doivent comprendre et mettre en œuvre. Josee Delli Colli, CPA, CA, du cabinet Richter, traite de la façon dont ces modifications sont mises en œuvre en contexte de pandémie, notamment en ce qui concerne l’adaptabilité.

Comptant plus de 15 années d’expérience en comptabilité et en audit, Josee Delli Colli se concentre principalement sur les questions de certification au sein du groupe de la pratique professionnelle du cabinet, où elle s’est employée à réaliser des audits de sociétés ouvertes et fermées exerçant leurs activités dans les secteurs de la fabrication, des vêtements et des franchises. En plus de jouer un rôle de premier plan en ce qui concerne l’administration, la conception et la direction des programmes de certification du cabinet, Mme Delli Colli est une ressource clé pour toutes les questions d’audit et de comptabilité. Elle se spécialise aussi dans l’application adéquate des principes comptables dans le cadre d’opérations complexes, et ce, qu’il s’agisse des principes comptables du Canada ou des États-Unis.

Somme toute, Mme Delli Colli est très bien placée pour discuter des modifications récemment apportées à la NCA 540, Audit des estimations comptables et des informations y afférentes.

La NCA 540, qui s’applique aux états financiers des périodes ouvertes à compter du 15 décembre 2019, comporte plusieurs modifications que les auditeurs doivent comprendre et mettre en œuvre. Étant donné que cette norme révisée entre en vigueur pendant une pandémie, sa mise en œuvre peut susciter des inquiétudes, particulièrement en ce qui concerne l'adaptabilité.

Comme les estimations comptables reposent parfois sur des modèles complexes ou concernent habituellement des jugements formulés par la direction, l’audit de ces dernières a toujours posé des difficultés. Compte tenu du risque d'anomalies dans l'économie actuelle, il est important que les auditeurs comprennent correctement les exigences et la manière dont elles influent sur leur travail.

CONTEXTE : ADAPTABILITÉ DE LA NCA 540

La NCA 540 révisée a été conçue de manière à s’adapter aux estimations présentant de faibles risques. La base des conclusions du Conseil des normes internationales d'audit et d'assurance (IAASB) décrit précisément la manière dont la norme révisée aborde la question de l’adaptabilité :

  • La norme introduit la notion que l’évaluation du risque inhérent dépend de la mesure dans laquelle les facteurs de risque inhérent influent sur la probabilité ou l’ampleur d’une anomalie, et s’inscrit sur une échelle.
  • La nature, le calendrier et l’étendue des procédures d’évaluation des risques et des procédures d’audit complémentaires dépendront de l’incertitude d’estimation et de l’évaluation des risques d’anomalies significatives s’y rattachant qui sont liées à l’estimation comptable.
  • Conformément à la NCA 330, les procédures d’audit complémentaires mises en œuvre par l’auditeur doivent tenir compte du fait que plus les risques d’anomalies significatives sont considérés comme élevés, plus les éléments probants doivent être convaincants.

Les modalités d’application comportent des explications supplémentaires sur ces notions (paragraphes A20 à A22, A63, A67 et A84 de la NCA 540). Par exemple, les facteurs qui peuvent influer sur la mesure dans laquelle l’estimation comptable est touchée par des facteurs de risque inhérent (incertitude d’estimation, complexité, subjectivité, etc.) comprennent les éléments suivants :

  • le nombre d’opérations réalisées par l’entité
  • la complexité des transactions
  • la nécessité de porter des jugements importants pour l’établissement des estimations comptables
  • la complexité des processus employés pour l’établissement des estimations comptables

L’évaluation des risques d’anomalies significatives a une incidence sur le caractère convaincant des éléments probants qu’il est nécessaire d’obtenir et sur l’approche que choisira l’auditeur pour l’audit d’une estimation comptable donnée. Les modalités d’application (paragraphes A67 à A70 de la NCA 540) comprennent également des exemples qui peuvent être pertinents dans la pratique en ce qui concerne les questions d’adaptabilité (p. ex., pertes de crédit attendues, provision pour obsolescence des stocks et litiges).

Pour obtenir un résumé de la notion d’adaptabilité dans un tableau comparatif facile à comprendre, consultez l’Outil d’aide à la mise en œuvre à l’intention des professionnels en exercice publié récemment.

ENTRETIEN AVEC JOSEE DELLI COLLI

Mme Delli Colli nous donne son avis sur la manière dont la norme révisée est mise en œuvre au sein de son cabinet, y compris en ce qui concerne les questions d’adaptabilité.

CPA Canada : L’échelle de risque inhérent vise à faciliter le traitement des questions d’adaptabilité. De quelle manière les cabinets peuvent-ils utiliser cette notion en pratique (c.-à-d. pour déterminer la probabilité et l’ampleur d’une anomalie)?

Josee Delli Colli : Certains cabinets ont peut-être déjà adopté la notion d’échelle de risque inhérent dans leurs méthodes d’audit, puisqu’ils effectuent généralement davantage de travail sur les postes des états financiers qui présentent un risque élevé d’anomalies significatives (p. ex., ceux qui présentent une probabilité et une ampleur plus grandes d’anomalies et donc un degré plus élevé de risque inhérent). Dans de tels cas, les cabinets appliquent peut-être déjà cette notion aux estimations comptables.

L’échelle de risque inhérent aidera l’auditeur à choisir les procédures d’audit qui répondront le mieux à l’évaluation des risques d’anomalies significatives. L’échelle de risque inhérent sera aussi pertinente à la fin d’un audit, lorsque nous appliquons le nouveau concept d’évaluation globale fondée sur les procédures d’audit mises en œuvre (« prise de recul »). Il sera ainsi plus facile de prendre du recul et de déterminer si notre évaluation des risques est toujours appropriée, et si suffisamment de travaux ont été effectués sur les estimations comptables pour obtenir des éléments probants suffisants et appropriés. Pour ce faire, nous examinerons chaque estimation comptable en la comparant avec les autres pour voir où chacune se situe sur l’échelle. Cela permettra aux auditeurs de vérifier si plus de travail a été effectué sur les postes présentant une probabilité et une ampleur plus grandes d’anomalies.

Dans certains cas, le traitement des estimations conformément à la norme révisée pourrait-il être différent de celui selon la norme précédente?

Je ne pense pas que la norme révisée révolutionnera la manière dont nous réalisons l’audit des estimations comptables moins complexes, par exemple dans le cas d’une provision pour créances douteuses ou pour obsolescence des stocks. Pour nos clients, ces estimations présentent généralement un degré moins élevé de complexité, de subjectivité et d’incertitude d’estimation. De plus, les méthodes, les données et les hypothèses utilisées sont souvent plus simples.

Les normes l’ont toujours exigé : plus les risques d’anomalies significatives sont considérés comme élevés, plus les éléments probants doivent être convaincants. Le changement le plus important concernera probablement les estimations comptables qui présentent un degré élevé d'incertitude d’estimation, de complexité et de subjectivité. La norme révisée fournit des indications supplémentaires sur ce qui est nécessaire pour comprendre les méthodes, les données et les hypothèses de la direction. Les auditeurs pourraient donc devoir effectuer des travaux supplémentaires pour les estimations comptables complexes et recourir à des experts ayant des compétences spécialisées dans les situations plus complexes.

La détermination des indices d’un parti pris de la direction présente-t-elle des difficultés particulières?

Au début d’une mission, il n’est pas toujours évident de savoir quel peut être le parti pris de la direction. Parfois, le parti pris ne devient apparent qu’à mi-chemin, lorsque les procédures réalisées sur les postes des états financiers sont plus nombreuses, lorsque l’ensemble des estimations comptables a été examiné ou lorsqu’une estimation comptable a été vérifiée sur plusieurs périodes. Cela dit, les modalités d’application comprennent des exemples d’indices d’un parti pris de la direction en ce qui concerne les estimations comptables :

  • la modification d’une estimation comptable ou un changement de méthode d’estimation, sous le prétexte, dénué de fondement objectif, d’un changement de circonstances
  • le choix ou l’élaboration d’hypothèses importantes ou de données qui aboutissent à une estimation ponctuelle allant dans le sens des objectifs de la direction
  • le choix d’une estimation ponctuelle pouvant être révélatrice d’une tendance à l’optimisme ou au pessimisme

Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, la norme révisée permet-t-elle de surmonter les difficultés posées par l’audit des estimations comptables?

La pandémie de COVID-19 complique l’audit des estimations comptables. Pour la direction, l’établissement d’une estimation comptable est plus difficile étant donné que les hypothèses, les données, les méthodes et les modèles initiaux peuvent ne plus être appropriés dans les circonstances actuelles. Les inconnues sont si nombreuses; il ne fait aucun doute que le degré d’incertitude d’estimation et de subjectivité sera plus élevé. Pour tenir compte de la plus grande part de jugement professionnel requise par la direction, l’auditeur devra aussi exercer un jugement professionnel et faire preuve d’un esprit critique plus importants. L’auditeur sera aussi confronté à d’autres difficultés, puisque les effets de la pandémie pourraient également se répercuter sur tous les aspects de la conception et de la mise en œuvre des procédures relatives aux estimations comptables et aux informations y afférentes, des procédures d’évaluation des risques aux incidences sur le rapport de l’auditeur. L’IAASB a publié un Avis des permanents sur l’audit intitulé Audit des estimations comptables dans un environnement perturbé par la COVID-19 qui indique comment la norme révisée peut s’avérer utile.

PROCHAINES ÉTAPES

Obtention d’autres ressources sur la NCA 540

Étant donné que tous les auditeurs seront touchés par les changements susmentionnés, CPA Canada a préparé des ressources gratuites sur la NCA 540 afin de vous aider à appliquer les changements et à conseiller vos clients sur les répercussions connexes, notamment :

  • Bulletin Alerte audit et certification à l’intention des professionnels en exercice
  • Document d’information pour les clients d’audit
  • Outil d’aide à la mise en œuvre à l’intention des professionnels en exercice
  • Questions fréquentes (à venir)

POURSUIVONS LA CONVERSATION

En quoi les facteurs de risque inhérent ont-ils facilité votre évaluation des risques d’anomalies significatives? Selon vous, la norme révisée vous a-t-elle aidé à surmonter les difficultés posées par l’audit des estimations comptables dans le contexte de la pandémie de COVID-19? Je vous invite à publier vos commentaires ci-dessous ou à m’écrire directement.

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Avertissement

Les opinions et les points de vue exprimés dans cet article sont ceux de l’auteure et ne représentent pas nécessairement ceux de CPA Canada.