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Homme assis, les yeux fermés, se massant les tempes.
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« Il n’y a pas de solution facile »

Surmonter l’épuisement professionnel n’est pas facile pour les gestionnaires de personnel, car la responsabilité supplémentaire d’une équipe qui compte sur eux alourdit leur fardeau.

Homme assis, les yeux fermés, se massant les tempes.Le manque d’énergie et le cynisme font partie des signes indiquant qu’il est temps de s’occuper de soi pour éviter l’épuisement professionnel. (Getty Images/Cecilie_Arcurs)

Synonyme de stress et de fatigue, l’épuisement professionnel s’immisce de plus en plus souvent dans les conversations des gestionnaires. Selon une enquête réalisée en avril 2021 par Solutions Mieux-être LifeWorks et Deloitte Canada, 82 % des cadres supérieurs se sentaient épuisés à la fin de leur journée et citaient comme causes principales l’augmentation du volume de travail liée à la pandémie et leurs efforts à l’appui du mieux-être de leur équipe. Il n’est donc pas étonnant que plus de la moitié (51 %) d’entre eux envisageaient de quitter leur emploi.

« La pandémie a mis en évidence notre vulnérabilité », résume Kevin McGregor, directeur des programmes à la division ontarienne de l’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM), qui chapeaute le programme Mental Health Works. « Les leaders sont des gens comme vous et moi, ils ne sont pas à l’abri des difficultés. Toutefois, la responsabilité de s’occuper des membres de leur équipe et de créer pour eux un milieu de travail sûr et propice à une bonne santé mentale alourdit leur fardeau. »

Le Centre de toxicomanie et de santé mentale de l’Ontario définit l’épuisement professionnel comme un état de fatigue mentale, émotionnelle et physique causé par une exposition excessive et prolongée à différents facteurs de stress, généralement au travail. L’épuisement professionnel et le trouble mental entrent tous deux dans la catégorie des maladies mentales, mais il y a une différence importante entre les deux : on peut prévenir l’épuisement professionnel, mais non une maladie mentale, comme le trouble bipolaire.

Si vous gérez du personnel et que vous décelez chez vous des symptômes d’épuisement, voici quelques mesures concrètes pour commencer à prendre soin de vous dès aujourd’hui.

PRENDRE CONSCIENCE DU PROBLÈME

Il faut se rappeler qu’à l’instar des employés qui s’adressent à eux pour obtenir du soutien, les leaders doivent surmonter leurs propres difficultés, même s’ils sont peu enclins à les exprimer.

L’enquête de LifeWorks et Deloitte a révélé que plus de 4 cadres sur 10 étaient réticents à reconnaître l’existence d’un problème de santé mentale potentiel. À cela s’ajoute, pour 55 % des répondants, la crainte d’une stigmatisation et d’obstacles à l’avancement professionnel si jamais quelqu’un découvrait qu’ils souffrent d’un problème de santé mentale.

Denis Trottier, FCPA, FCA, premier responsable de la promotion de la santé mentale à KPMG Canada, a lui-même été confronté à cette crainte du regard des autres face à la maladie mentale. Au cours de sa progression dans les échelons de l’organisation, il s’est toujours senti contraint de cacher sa dépression, de peur d’entacher sa réputation professionnelle.

« Je me disais que c’était le stress. Comme n’importe quel associé, j’avais de lourdes responsabilités. » Quoi qu’il en soit, après un long cheminement, il en est venu à témoigner ouvertement de sa lutte pour sortir d’une dépression grave et de l’aide inestimable que lui a apportée son associé directeur quand il s’est décidé à lui en parler, en 2006. Aujourd’hui, il s’inspire de son expérience pour représenter ses collègues aux prises avec des problèmes de santé mentale au travail.

RECONNAÎTRE LES SIGNES

Denis Trottier a fait sienne une formule souvent citée durant la pandémie : « Nous sommes tous au cœur de la même tempête, mais pas dans le même bateau. En santé mentale, tout dépend des outils dont on dispose. Or, le contenu de la boîte à outils diffère selon les circonstances. »

C’est pourquoi la première étape incontournable demeure d’apprendre à repérer les signes avant-coureurs. Selon l’Organisation mondiale de la Santé, les symptômes de cette maladie sont notamment le manque d’énergie ou le surmenage; un sentiment de détachement, de pessimisme ou de cynisme par rapport au travail; et une baisse de l’efficacité professionnelle.

Le responsable de KPMG mentionne aussi le modèle du continuum de santé mentale de la Commission de la santé mentale du Canada, qui recense les indicateurs par catégorie : en santé, en réaction, blessé, malade. « Par exemple, si vous observez une perturbation soudaine de la qualité de votre sommeil, ça fait partie du continuum. Consultez ce modèle pour connaître les signes à surveiller. »

FAIRE LES PREMIERS PAS VERS LA GUÉRISON

La plupart des gens savent ce qu’est l’épuisement, mais ne connaissent pas toujours les solutions, ou y ont difficilement accès, car celles-ci se révèlent souvent aussi complexes que les facteurs à l’origine du problème, précise Kevin McGregor. « I l n’y a pas de solution facile. »

Le Centre d’innovation en santé mentale sur les campus a créé un guide sur le rétablissement en cas d’épuisement professionnel qui décrit trois étapes pour favoriser la guérison, que nous vous présentons ici suivies des commentaires du directeur des programmes de la division ontarienne de l’ACSM.

  1. Réorganiser la hiérarchie des objectifs. « Quand on est psychologiquement épuisé, le cerveau est porté à donner plus de poids aux pensées négatives. Rappelez-vous ce qui a motivé le choix de votre emploi, et réalignez vos valeurs en conséquence. »
  2. Recadrer sa manière de voir les choses pour contrer le cynisme. « Prenez du recul et définissez les facteurs qui contribuent à cet état d’esprit. Trouvez des points positifs dans ce que vous vivez et concentrez-vous là-dessus. »
  3. Rééquilibrer. « Les gestionnaires doivent accomplir chaque jour des tâches plaisantes et d’autres qui le sont moins, mais qui doivent être faites. Passer une journée entière à ne faire que des tâches déplaisantes, c’est très éprouvant. Songez à exécuter ces activités le matin, quand vous êtes au sommet de votre forme, et réservez vos après-midi aux tâches plus agréables. »

PENSER D’ABORD À SOI

Nos deux experts en santé mentale insistent sur l’importance de la pleine conscience.

« Il n’est pas rare que les leaders, en s’occupant de leur équipe, de leur travail et de leur famille, finissent par négliger leur propre bien-être, fait remarquer Denis Trottier. L’analogie la plus évidente et la plus courante est qu’il faut d’abord mettre son propre masque à oxygène en avion. »

« Pensez à des choses simples, comme respirer profondément, aller marcher ou éteindre votre téléphone à l’heure du lunch, conseille Kevin McGregor. L’essentiel à retenir, c’est que si vous n’arrivez pas à prendre soin de vous-même, vous pourrez difficilement vous occuper des autres au travail. »

Le premier responsable de la promotion de la santé mentale souligne qu’il existe de nombreuses ressources, dont des guides, des ateliers et des services de soutien, comme Retrouver son entrain, un programme de développement des compétences, et MindBeacon, un outil d’accès à des services de thérapie virtuels.

« Je recommande vivement aux gestionnaires de se former sur la santé mentale, poursuit-il. Où que vous soyez au Canada, vous trouverez près de chez vous un bureau de l’ACSM qui donne des ateliers. J’encourage tous les leaders à présenter régulièrement de l’information sur le sujet et à ancrer cet aspect dans la culture d’entreprise. Les cadres doivent mettre la santé mentale au programme et donner l’exemple. »

EN SAVOIR PLUS

Lisez l’article sur le parcours vers la guérison de Dennis Trottier, découvrez des moyens de prévenir l’épuisement professionnel et voyez pourquoi il est si important d’instaurer une culture tenant compte de la santé mentale.