Retrouver la trace des premiers comptables noirs au Canada
Le décès de George Floyd aux mains d’un policier blanc en mai 2020 à Minneapolis a provoqué une onde de choc dans le monde. Les forces policières ont été prises à partie pour leur racisme systémique, et le climat ségrégationniste de certaines organisations, tous secteurs confondus – y compris des écoles de gestion canadiennes –, a été dénoncé.
Réagissant aux appels à décoloniser les programmes, Steve Salterio, professeur à la Smith School of Business de l’Université Queen’s, a voulu intégrer à ses cours d’audit, à l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs, l’étude des premiers comptables noirs au Canada.
Or, ses recherches n’ont rien donné. Découragé, il a fait appel à d’éminentes spécialistes de la question : Marcia Annisette, alors vice-doyenne aux études à la Schulich School of Business de l’Université York, professeure qui avait publié certains travaux sur des comptables agréés issus de l’immigration, et Tisha King, professeure adjointe à la School of Accounting and Finance de l’Université de Waterloo. Mais même son de cloche de leur côté : aucune piste concrète à remonter.
C’est ainsi que le trio a entrepris de retrouver la trace des premiers comptables noirs au pays pour raconter leur parcours. À l’heure où les pratiques d’exclusion sont de plus en plus dénoncées, ces démarches pourraient assurément, se disaient les chercheurs, contribuer à faire connaître le passé de la profession et à favoriser une diversité accrue dans le milieu.
La stratégie en était une à deux volets. D’abord, des recherches généalogiques sur la communauté noire canadienne dans les archives de 1850 à 1950, sous-traitées à un spécialiste (et financées par la chaire Stephen J. R. Smith de comptabilité et d’audit de la Smith School of Business). Et ensuite, des recherches à rebours, à partir du présent, auprès de contacts dans les milieux comptables professionnel et universitaire, ici et à l’étranger.
Au bout de plusieurs mois (et plus de 100 heures de fouilles), la portion généalogique du projet a abouti à une liste de 10 comptables noirs, sans preuve, toutefois, d’une quelconque adhésion à un ordre professionnel. Les universitaires ont alors fait circuler l’information, puis, avec l’aide de dirigeants actifs et retraités de la profession, ont passé au peigne fin les archives des anciennes organisations comptables (CA, CGA, RIA/CMA).
L’appel aux réseaux personnels s’est avéré particulièrement fructueux. Apprenant que Marcia Annisette, originaire de Trinité-et-Tobago, avait eu pour mentor un comptable agréé du Canada, Tisha King a enquêté sur son pays natal, la Barbade, et y a trouvé la piste d’un Canadien ayant obtenu son titre vers la fin des années 1960. Pour sa part, Steve Salterio a pris contact avec des Bermudiens installés dans les Maritimes qui avaient suivi un programme de comptabilité dans les années 1980.
Dans le cadre d’entretiens, les comptables noirs retrouvés en ont identifié d’autres de leur époque, dont certains ont pu être interviewés à leur tour. Au total, l’initiative a permis d’identifier une bonne vingtaine de pionniers.
« Le projet est loin d’être terminé », souligne le trio, qui lance un appel aux lecteurs. « Aidez-nous à recenser et honorer les pionniers noirs de la comptabilité au Canada. »
EN SAVOIR PLUS SUR L’HISTOIRE DES COMPTABLES PROFESSIONNELS NOIRS
Lisez le portrait des premiers comptables professionnels noirs au Canada et voyez comment étendre la portée du Mois de l’histoire des Noirs au travail.
Légende : Le décès de George Floyd a provoqué une onde de choc dans toute la société, y compris dans la profession comptable. (Getty Images)