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Oeuvre d’art abstraite intitulée “Your Husband Works Too” de Parveen Dhatt
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L’essor de la location d’objets d’art, une des retombées positives inattendues de la pandémie

Les marchands d’art font de bonnes affaires en louant des tableaux ou autres pièces à un public friand de belles choses.

Oeuvre d’art abstraite intitulée “Your Husband Works Too” de Parveen DhattDes œuvres comme Your Husband Works Too, de Parveen Dhatt, pourraient temporairement orner vos murs. (Avec l’autorisation de Partial Gallery)

Ces deux dernières années, nous avons eu beaucoup de temps pour observer nos intérieurs… et nos exigences touchant ce qui orne nos murs ont monté d’un cran.

Tammy Yiu Coyne, cofondatrice de la galerie virtuelle torontoise Partial, est de ces marchands qui offrent désormais aux particuliers la location d’œuvres à prix abordable. Depuis le début de la pandémie, Partial a vu sa fréquentation progresser de 130 %. De 2019 à 2020, les locations ont plus que doublé, et la hausse annuelle de 43 % enregistrée en 2021 confirme la tendance.

Fondée en 2016, l’entreprise de vente et location en ligne visait au départ à décupler le nombre de toiles canadiennes exposées. La galerie invite les particuliers souhaitant s’initier à l’univers des collectionneurs à parcourir son catalogue d’œuvres d’artistes nationaux connus et émergents. La location coûte de 25 $ à plusieurs centaines de dollars par mois, et les achats, de 35 $ à 10 000 $ (la fourchette médiane se situant plutôt entre 750 $ et 2 500 $).

On peut acquérir une toile directement ou la louer pour un, deux ou trois mois, puis choisir de la garder moyennant un prix réduit des frais de location payés.

« L’idée d’acheter une œuvre d’art en intimide plus d’un, souligne Tammy Yiu Coyne. Ce modèle donne le temps de se familiariser avec un tableau avant de prendre une décision. »

Les entreprises y recourent depuis longtemps déjà pour décorer bureaux, salles d’attente, restaurants et plateaux de tournage. La galeriste a élargi sa clientèle en partie grâce aux confinements, qui, dit-elle, ont suscité chez certains une profonde réflexion sur le moyen d’embellir leur foyer au quotidien. Bien sûr, la hausse du revenu disponible consécutive aux restrictions sur les voyages et les sorties au restaurant y a contribué, mais selon l’entrepreneure, une évolution générale des valeurs, qui a suscité un intérêt renouvelé pour l’art, a aussi été déterminante.

« Ce temps de réflexion inattendu a amené les gens à dépenser avec plus de discernement. Devrais-je acheter sur Amazon ou soutenir un artiste local? »

Florene Belmore, coordonnatrice à la location à North Van Arts, en Colombie-Britannique, s’est évidemment inquiétée de la fermeture des bureaux et des studios de cinéma de la province au début de la pandémie. Depuis 1969, cet organisme sans but lucratif loue des œuvres essentiellement à des entreprises et à l’industrie du cinéma. Or, en parallèle à la chute des locations commerciales, les ventes et locations privées ont bondi, si bien que la galerie tire aujourd’hui de ce segment des recettes supérieures de 20 % à celles d’avant la pandémie, stimulées au premier chef par l’essor des locations à des particuliers.

« Propice à la contemplation, le temps d’arrêt imposé par la pandémie a réveillé le goût de l’art chez les Canadiens. Sans oublier le désir de beaux arrière-plans pour les réunions virtuelles. »

Au Musée des beaux-arts de l’Ontario, on a assisté à une inversion totale des proportions de la clientèle locative : avant la pandémie, les entreprises (70 %) louaient davantage que les particuliers (30 %). Récemment, environ 80 % des nouvelles locations étaient destinées à des maisons particulières.

« Nos recettes proviennent surtout du domiciliaire, actuellement », explique Claire Kyle, coordonnatrice à la location et aux ventes du Musée. Elle prévoit néanmoins une reprise des locations commerciales une fois passée la vague Omicron.

La Banque d’art du Conseil des arts du Canada propose ses quelque 17 000 œuvres canadiennes d’art moderne et contemporain en location aux organisations des secteurs privé et public, mais non aux particuliers. Rebecca Huxtable, responsable des locations, précise que, comme d’autres organisations, la Banque d’art évalue encore les possibilités qu’offrent les nouveaux modes de travail.

Malgré un recul des locations commerciales en début de pandémie, ce secteur est appelé à croître. En effet, nombre d’employés jugeant maintenant leur présence au bureau facultative, bien des employeurs consacrent temps et argent à la création d’un milieu de travail à l’esthétique agréable, dans l’espoir de favoriser le retour du personnel.

« Meilleur éclairage, mobilier de qualité, plantes ornementales et œuvres d’art originales font partie des moyens d’y parvenir. »

En outre, le virage vers l’économie du partage devrait stimuler la location d’œuvres d’art, soupçonne Rebecca Huxtable.

« Ce modèle s’inscrit dans la lignée des services en progression, comme le cotravail, le covoiturage et la livraison de repas. »

Que pensent les artistes de la popularité grandissante de la location aux particuliers? « Dans un cabinet d’avocats, une toile sera vue par beaucoup de gens, c’est certain, mais ça fait toujours un petit velours de savoir qu’elle orne les murs d’une maison particulière », conclut Tammy Yiu Coyne.

TENDANCES

À l’ère où tout se loue ou tout se prête, les plateformes de prêt comme Ruckify, à Ottawa, accélèrent et décollent. Découvrez aussi Krazy Binz, un mélange de visite chez Dollarama et de course folle filmée en téléréalité.